Rivotril et Ehpad

Auteur(s)
Dr Gerard Guillaume pour FranceSoir
Publié le 20 novembre 2020 - 11:08
Mis à jour le 19 novembre 2020 - 18:08
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Tribune : Alors que la tension sur les services hospitaliers s’accentue, le nombre de cas de Covid-19 dans les Ehpad reste préoccupant. Dans son décret du 16 octobre mettant en place le couvre-feu, le gouvernement a réintroduit l’élargissement de l’usage du Rivotril dans les Ehpad.

«Par dérogation à l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, la spécialité pharmaceutique Rivotril® sous forme injectable peut faire l’objet d’une dispensation, par les pharmacies d’officine en vue de la prise en charge des patients atteints ou susceptibles d’être atteints par le virus SARS-CoV-2 dont l’état clinique le justifie sur présentation d’une ordonnance médicale portant la mention “Prescription Hors AMM dans le cadre du Covid-19”», indique ce décret signé par Jean Castex, Olivier Véran, Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu.

Ce dispositif, paru au JO le 29 mars 2020, qui devait rester  d’exception, a d’abord été reconduit en mai (Décret n° 2020-663 du 31 mai 2020)  jusqu’au 10 juillet, est donc réapparu   dans le décret du 16 octobre  instaurant le couvre-feu.

 

A son instauration,  le  décret stipulait que le Rivotril (clonazepam)sous forme injectable pouvait faire l'objet « d'une dispensation, jusqu'au 15 avril 2020, par les pharmacies d'officine en vue de la prise en charge des patients atteints ou susceptibles d'être atteints par le virus SARS-CoV-2 dont l'état clinique le justifie sur présentation d'une ordonnance médicale portant la mention “Prescription Hors AMM dans le cadre du Covid-19” ». Il précisait que dans cette prescription hors autorisation de mise sur le marché (AMM), le médecin doit « se conformer aux protocoles exceptionnels et transitoires relatifs, d'une part, à la prise en charge de la dyspnée et, d'autre part, à la prise en charge palliative de la détresse respiratoire, établis par la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) ». 

Ce médicament appartient à la famille des benzodiazépines, il a une action anxiolytique (calmante), sédative (sommeil, coma) et anti-convulsivante (contre l’épilepsie : son indication d’AMM). Il est contre-indiqué en cas d’insuffisance respiratoire grave. Ce qui est clairement spécifié parmi les contre-indications répertoriées  dans le Vidal « Ce médicament ne doit jamais être utilisé dans les situations suivantes …insuffisance respiratoire sévère »

 

L’autorisation exceptionnelle de prescription du Rivotril® sous forme injectable en ambulatoire et hors AMM a très rapidement suscité des réactions de défiance, le Rivotril pouvant devenir l’agent d’une euthanasie qui ne dit pas son nom. Affirmant que cette crainte n’était pas fondée ; le Pr Frédéric Guirimand et le Dr Claire Fourcade (Plateforme Nationale pour la fin de vie) ont publié une mise au point dument argumentée, qu’il est possible de télécharger.  Pour éviter la sensation d’étouffement une sédation (diminution de la conscience) peut être nécessaire et parfois en urgence car la dégradation vers l’asphyxie peut parfois être rapide

 Des propositions thérapeutiques graduées selon la gravité de la situation et indiquant dans quelles circonstances et comment manier ces médicaments ont été faites par la SFAP (société française d’accompagnement et de soins palliatifs). Il s’agit d’aider les équipes à anticiper ces situations et à pouvoir réagir rapidement. Ces mises au point n’ont pas suffi pour désamorcer le doute.

Ce décret jette un doute insupportable sur les décisions des médecins qui pourraient être suspectés d’injecter du Rivotril pour libérer des lits à l’hôpital ou dans des EHPADS. Ou encore qu’un médecin seul ou une personne isolée (je n’ose l’imaginer) prenne la décision d’injecter du Rivotril dans un EHPAD ou apparentés, pour mettre fin à la vie d’un patient (Atlantico 6 avril 2020)

La réactivation de ce décret officialise et pérennise  l’état de pénurie de matériels, lits de réanimation, de respirateurs … dans lesquels se trouve la France, qui n’a pas su mettre à profit les 6 mois écoulés pour pallier à ces carences

Ce qui est curieux c’est que L’Afssaps avait décidé de modifier les conditions de prescription et de délivrance du Rivotril® (clonazépam) en raison de sa large prescription en dehors des indications de son AMM, en particulier dans les douleurs neurogènes à dose filée. Afin de favoriser le bon usage du Rivotril® et de limiter son détournement, ce médicament indiqué dans le traitement de l’épilepsie ne pouvait plus  être prescrit que sur une ordonnance sécurisée et, à partir du 2 janvier 2012, la prescription ne pouvant plus être initiée que par un neurologue ou un pédiatre. A la même époque, dans le cadre du Plan de Gestion des Risques (PGR) mis en place pour limiter le détournement et les risques de soumission chimique liés au clonazépam, le laboratoire Roche avait rajouté un colorant bleu à la solution buvable en gouttes Rivotril® 2,5 mg/ml. Les autres composants de ce médicament étant  inchangés. C’est surtout que le Rivotril était un des  médicaments les plus utilisés dans les affaires de "soumission chimique" à l'aide de produits administrés à l'insu de la victime à des fins criminelles ou délictuelles (vol, violences, viol) d’où sa dénomination  de « drogue du viol ».

Il faut donc comprendre que c’est par manque de places dans les hôpitaux, en réanimation,  que des personnes âgées sont refusées, qu’elles n’ont droit qu’à un accompagnement, une sédation (diminution de la conscience) pour éviter la sensation d’étouffement  qui pourrait survenir. Est- ce digne d’un pays civilisé ?

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