Affaire Benalla : la stratégie catastrophique de l'Elysée
Le 4 mai, Alexandre Benalla est officiellement sanctionné par son employeur, l'Elysée, d'une mise à pied de 15 jours avec suspension de salaire. Pour son employeur, c'est sans doute un moyen discret de ne pas ébruiter l'affaire tout en envoyant un "dernier avertissement" à ce collaborateur violent. Mais d'un point de vue légal, c'est au contraire le jour où l'affaire bascule du dérapage grave au scandale politique à l'issue encore incertaine.
Pour alimenter la polémique, l'opposition s'insurge contre un manquement manifeste à l'article 40 du code de procédure pénale qui indique que "toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs". Les mots "sans délai" étant à prendre au sens propre: selon cette interprétation, c'est donc bien dès le 4 mai, il y a deux mois et demi, que le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron Patrick Strzoda, aurait dû en aviser le procureur de la République.
C'est donc, d'un point de vue pragmatique, une mauvaise option stratégique qui a été prise ce 4 mai. La sanction administrative prise à l'encontre d'Alexandre Benalla est un aveu d'une prise de connaissance d'un fait potentiellement délictueux qui aurait dû être rapporté au parquet, qui aurait alors décidé soit de poursuivre, soit de classer sans suite.
Voir aussi: Tabasser un manifestant? Pas le premier dérapage d'Alexandre Benalla (vidéo)
Si l'entourage d'Emmanuel Macron avait voulu "couvrir" le brutal collaborateur, il aurait en effet mieux valu ne prendre aucune sanction à son égard, quitte à le sanctionner ensuite lorsque Le Monde a dévoilé l'affaire, en l'occurrence mercredi 18. L'employeur aurait pu alors plaider l'ignorance des faits avant la diffusion de la vidéo, prise avec un smartphone par un témoin privé qui n'a pas identifié l'homme qui tabassait le manifestant. Si aucune sanction administrative n'avait été prise le 4 mai, l'Elysée aurait pu se protéger en sanctionnant le collaborateur d'Emmanuel Macron en date du 18 juillet et en prévenant dans la foulée le procureur, pour se couvrir juridiquement par rapport à l'article 40 du code de procédure pénale. Bruno Roger-Petit aurait même pu se permettre le luxe de féliciter la presse pour avoir mis en lumière le comportement du chargé de mission sécurité auprès du directeur de cabinet de la présidence de la République et d'avoir ainsi permis une action en justice.
La stratégie "tiède" du cabinet –la sanction administrative sans le signalement judiciaire– risque donc d'éclabousser l'entourage proche d'Emmanuel Macron bien au-delà du seul cas d'Alexandre Benalla.
Lire aussi:
Manifestant tabassé: Alexandre Benalla et Vincent Crase étaient en congé
Collaborateur violent de Macron: l'Elysée tente de stopper la bronca
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.