Affaire Benalla : explication du scandale (si vous n'avez rien suivi)

Auteur(s)
Maxime Macé
Publié le 20 juillet 2018 - 18:53
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Alexandre Benalla (d), responsable de la sécurité d'Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, le 1er mars 2017 au Salon de l'agriculture à Paris
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© Lionel BONAVENTURE / AFP/Archives
Au point de départ du scandale, une vidéo d'Alexandre Benalla violentant un manifestant le 1er mai.
© Lionel BONAVENTURE / AFP/Archives
Le très proche collaborateur d'Emmanuel Macron Alexandre Benalla, que des images montrent frapper un jeune homme le 1er mai, a provoqué un scandale qui touche les plus hauts sommets de l'Etat. Retour sur une polémique aux multiples rebondissements.

C'est une crise politique majeure du quinquennat d'Emmanuel Macron, peut-être la plus importante en date au regard de ses répercussions politiques. Alexandre Benalla, chargé de mission auprès du président de la République est accusé d'avoir violenté un manifestant place de la Contrescarpe dans le 5 arrondissement de la capitale le 1er mai dernier.

L'affaire débute mercredi 18 au soir lorsque le journal Le Monde a révélé l'information et rapporté que les services de la présidence étaient au courant, presque depuis les faits, des actes de violences du jeune chargé de mission. Ce dernier se trouvait d'ailleurs en qualité "d'observateur" avec les forces de l'ordre alors qu'il était en congé ce jour-là. Sur des vidéos et des photos prises le 1er mai, on le voit portant un brassard de police au bras. Lorsqu'il s'en est pris au manifestant, il était vêtu d'un casque de la police. On a appris également qu'Alexandre Benalla est resté en poste à l'Elysée après les faits, pour lesquels il a écopé d'une sanction assez faible: une mise à pied de quinze jours avec suspension de salaire, mais maintenu dans ses fonctions donc.

L'information est reprise massivement dans les médias le soir même, poussant l'Elysée à faire une conférence de presse dès le lendemain au cours de laquelle Bruno Roger-Petit, le porte-parole de la présidence, à confirmer les accusations du quotidien du soir. Et d'affirmer hasardeusement que la sanction prise contre Alexandre Benalla était "la plus grave jamais prise contre un chargé de mission travaillant à l'Elysée". Par soucis de transparence ou pour tenter de désamorcer la polémique qui enflait déjà, la présidence a également révélé qu'un deuxième homme a aussi "outrepassé son autorisation" et se trouvait avec Benalla au moment des faits: Vincent Crase, appelé "ponctuellement" en renfort par la sécurité du chef de l'Etat.

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Dans la matinée du jeudi 19, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour "violences par personne chargée d'une mission de service public", "usurpation de fonctions" et "usurpation de signes réservés à l'autorité publique" contre Alexandre Benalla.

Parallèlement à cela, la presse révèle que Vincent Crase, gendarme réserviste, employé de LREM et proche d'Alexandre Benalla, était également en congé ce jour-là et qu'il n'avait reçu aucune autorisation pour accompagner les forces de l'ordre. Certaines images laissent d'ailleurs à penser que celui-ci était armé au moment des faits sans que rien en l'y autorise ou ne le justifie. Il a écopé d'une "mise à pied de quinze jours avec suspension de salaire", et "il a été mis également fin à toute collaboration entre lui et la présidence de la République".

Voir - Affaire Benalla: Benalla et Crase armés pendant la manifestation du 1er mai?

D'un point de vue politique, la journée a aussi été particulièrement mouvementée. Notamment à l'Assemblée nationale où des débats chaotiques, des suspensions de séance à rallonge et des demandes de commission d'enquête ont parasité les débats déjà compliqués sur la réforme constitutionnelle. En fin de journée, sous la pression de toute l'opposition, François De Rugy a accepté la création d'une enquête parlementaire sur cette affaire.

Sur le même sujet - Affaire Benalla: Mélenchon s'interroge sur l'existence d'une police parallèle (vidéo)

Alors que l'exécutif paraissait s'enfoncer d'heure en heure dans la crise sans pouvoir apporter d'éléments clairs sur la résolution de cette crise, un silence s'est fait de plus en plus assourdissant, celui de président de la République. En déplacement toute la journée en Dordogne, Emmanuel Macron n'a pas réagi pour commenter l'affaire malgré les multiples sollicitations des journalistes, se bornant à souligner que "la République est inaltérable".

C'est finalement ce vendredi 20 que l'annonce est tombée comme un couperet, mais sans pour autant pouvoir éteindre l'incendie provoqué par la polémique. Alexandre Benalla a été placé en garde à vue dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte la veille, de même que Vincent Crase. Dans le même temps l'Elysée a annoncé que le premier était licencié en raison de "faits nouveaux constitutifs d'une faute commise" et faisant "l'objet d'une procédure judiciaire".

Pour aller plus loin - Benalla en garde à vue, licencié par l'Elysée

Il apparaît en effet que le chargé mission, "aux fins de prouver son innocence", aurait été destinataire d'un document de la Préfecture de police "qu'il n'était pas autorisé à détenir" et dont il avait fait la demande au soir du mercredi 18.

Ce document est en fait un extrait des images de la vidéosurveillance de la place de la Contrescarpe le jour de la commission des faits reprochés à Benalla. Des images qui lui auraient été fournies par le contrôleur général Laurent Simonin et le commissaire Maxence Creusat, tous deux membres de l'état-major de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC).

Ces deux hommes, dont l'un, Maxence Creusat, était responsable du dispositif de maintien de l’ordre place de la Contrescarpe, ont été suspendus à titre conservatoire de même qu'un commandant de police chargé de faire la liaison entre la préfecture et l’Elysée.

Lire aussi - Affaire Benalla: la police a-t-elle gardé des images de vidéosurveillance au-delà du délai légal?

La justice a donc fait savoir qu'en plus des soupçons de "violences en réunion par personne chargée d'une mission de service public", "d'usurpation de "fonctions", de "port illégal d'insignes réservés à l'autorité publique" Alexandre Benalla était entendu sous le régime de la garde à vue pour "complicité de détournement d'images issues d'un système de vidéo-protection".

Le nom du "troisième homme" que l'on voit sur la vidéo des violences commises par Alexandre Benalla et Vincent Crase le 1er mai dernier, a été dévoilé ce vendredi. Il s'agit de Philippe Mizerski, un policier de la DOPC chargé d'encadrer Alexandre Benalla. Sur les images, on peut le voir assister passivement et même prêter main forte aux violences exercées par Alexandre Benalla dont il ne pouvait ignorer la qualité "d'observateur".

Voir - Affaire Benalla: le 3e homme s'appelle Philippe Mizerski

Enfin, au cours de la journée de jeudi et de celle de ce vendredi, ce sont de nombreux aspects de la personnalité trouble du principal mis en cause qui ont été révélés par la presse. On a ainsi appris qu'Alexandre Benalla avait travaillé dès 2010 au service d'ordre du PS où il avait notamment assuré la sécurité de François Hollande, Martine Aubry et Arnaud Montebourg. Ce dernier l'avait d'ailleurs remercié au bout d'une semaine seulement pour une "faute professionnelle d'une première gravité". Alexandre Benalla a ensuite rejoint En Marche! à la fin de l'année 2016 et y est devenu responsable de la sécurité du candidat Macron. Ce qui n'a pas arrêté les frasques du "gros bras". Il a notamment violenté un photographe en marge d'un meeting en 2017 tandis qu'un militant communiste a déclaré avoir été frappé par Benalla lors de la déclaration de candidature de l'actuel chef de l'Etat.

Au cours de la campagne présidentielle, Alexandre Benalla avait d'ailleurs passé commande d'armes pour le service d'ordre d'En Marche. Commande qui avait été refusé par le trésorier du parti, trouvant la demande "hallucinante".

Le chargé de mission était d'ailleurs un homme armé comme l'a constaté un photographe de presse en novembre 2016, alors qu'Emmanuel Macron n'était encore que candidat à la présidence de la République. Un pistolet pour lequel Alexandre Benalla n'avait pas de permis.

Il avait d'ailleurs fait une demande de port d'arme qui avait été refusée au printemps 2017 par le cabinet de l'ancien ministre de l'Intérieur Matthias Fekl, en raison du très mauvais retour des fonctionnaires du Service de la protection (SDLP). Dans leur rapport, ceux-ci le qualifiaient même de "Rambo". Mais Benalla a fini par obtenir le sésame après la présidentielle, la Préfecture de police finissant par accepter en raison de ses fonctions auprès d'Emmanuel Macron.

Dernière information en date dévoilée ce vendredi par L'Express, Alexandre Benalla avait fait l'objet d'une plainte pour violences volontaires sur une femme, probablement de sa famille, en août 2015, déposée au commissariat de Boulogne-Billancourt. Jugé en mars 2016, il avait été relaxé.

Lire:

Affaire Benalla: la vidéo du proche de Macron, un scandale d'Etat

L'affaire Benalla paralyse l'Assemblée et la révision constitutionnelle

Affaire Benalla: des accessoires de police et un port d'arme pour le chargé de mission

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