Affaire Benalla : Macron auditionné ? Les Français pour, la Constitution ambiguë
Les auditions devant les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat dans le cadre de l'affaire Benalla ont vite montré une limite: l'absence d'Emmanuel Macron.
Le président de la République a lui-même reconnu, pour ne pas dire revendiqué, sa responsabilité dans cette affaire alors que les différents autres acteurs (ministre de l'Intérieur, Préfecture de Police, collaborateurs de l'Elysée...) se sont plus ou moins renvoyé la balle.
Pour la majorité des Français, l'affaire Benalla semble avant tout concerner la réaction d'Emmanuel Macron plutôt que les violences commises par son chargé de mission. Ainsi, selon un sondage YouGov publié ce jeudi 2 par CNews et Le HuffPost, 61% d'entre eux jugent nécessaire que le président de la République s'explique devant une commission d'enquête, dont 41 % "tout à fait nécessaire".
Une opinion très marquée en fonction de la sympathie partisane. Le chiffre monte ainsi à plus de 70% pour tous les sondés partisans de courants autres que La République en Marche (sauf pour Les Républicains avec 64 %). En revanche, les sympathisants de la majorité ne sont que 31% à appeler cela de leurs vœux.
Mais dans les faits, cela est peu probable, voire impossible selon l'interprétation que l'on fait de la Constitution. Car même si Emmanuel Macron a défié ses détracteurs de "venir le chercher", l'article 67 de la Constitution prévoit que le chef de l'Etat: "ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite".
Voir: Benalla: la commission d'enquête de l'Assemblée clôt ses travaux sur des désaccords
La question divise les constitutionnalistes. Pour certains l'esprit du texte est celui de la séparation des pouvoirs, de l'inviolabilité et de l'immunité du président, et seul le gouvernement peut engager sa responsabilité devant l'Assemblée nationale. Mais d'autres relèvent qu'une commission d'enquête n'est ni une "juridiction", ni une "autorité administrative" et que de toute manière, elle n'a pas pour but d'engager la responsabilité politique ou personnelle du président mais d'établir des faits. Le droit de condamner appartient au pouvoir judiciaire, celui de destituer le président à la Haute cour.
La commission des lois de l'Assemblée nationale n'entendra pas Emmanuel Macron, ses travaux ayant été clôturés sur fond de dénonciation par l'opposition d'entraves à cette enquête gênante pour la majorité.
En revanche, celle du Sénat, dirigée par des membres de l'opposition, est toujours au travail. Mais s'ils sont nombreux à exiger des explications "factuelles" de la part d'Emmanuel Macron, sa convocation entraînerait forcément au préalable un vif débat sur la conformité à la Constitution que devrait trancher le Conseil constitutionnel. Il y a fort à parier que le Sénat ne s'aventurera pas sur cette voie longue, complexe et très incertaine où la politique risquerait de prendre le pas sur le droit.
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