Affaire Benalla : Macron et Collomb peuvent-ils être poursuivis pour avoir caché des informations ?

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Victor Lefebvre
Publié le 22 juillet 2018 - 17:29
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Emmanuel Macron et Gérard Collomb photographiés ensemble en septembre 2016 à Lyon à l'occasion d'un colloque
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© JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP/Archives
Emmanuel Macron bénéficie de l'immunité présidentielle, mais Gérard Collomb pourrait être inquiété dans l'affaire Benalla.
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Les violences commises par Alexandre Benalla et Vincent Crase, deux personnes travaillant dans l'entourage d'Emmanuel Macron, ont choqué. Mais c'est aussi le silence du président de la République et du ministre de l'Intérieur qui est critiqué, voire dénoncé comme une entrave à la justice.

Gérard Collomb était au courant pour la vidéo montrant Alexandre Benalla violenter des manifestants le 1er mai dès le lendemain des faits. L'homme a été suspendu par l'Elysée le 4 mai à la demande d'Emmanuel Macron.

Dès le début, le président de la République et le ministre de l'Intérieur étaient donc au courant de ces faits, mais les ont tus. Si l'on imagine sans peine pourquoi ils n'ont pas souhaité les rendre publics, ils n'ont pas cru nécessaire de les communiquer à la justice. Une décision qui pose des questions sur d'éventuelles poursuites et sanctions.

Dans le cas d'Emmanuel Macron, la réponse est assez évidente. Hors crime contre l'humanité, le président n'est pas responsable des actes accomplis dans le cadre de sa fonction. Son inviolabilité est presque totale (article 67 de la Constitution). Le seul moyen de le juger est qu'il soit destitué par le Parlement, ce qui n'est possible qu'"en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat" (article 68)

Le cas des collaborateurs d'Emmanuel Macron et de Gérard Collomb est différent. Certes, l'obligation de signaler une infraction existe en droit français. Mais elle est limitée à quelques cas dont les violences ne font pas partie. Il s'agit notamment des crimes (meurtre ou viol) "dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés" ou mauvais traitements contre des mineurs (source).

Voir: Affaire Benalla - les questions sensibles qui attendent Collomb à l'Assemblée

Le fait de "détruire, soustraire, receler ou altérer" des éléments de preuve d'un délit est bien punissable. Mais la règle ne semble pas s'appliquer ici puisque la vidéo était en ligne et non en la seule possession de l'Elysée ou de l'Intérieur.

C'est un autre texte de loi qui est invoqué. L'article 40 du code de procédure pénale prévoit que: "Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs". 

Le terme d'"autorité constituée", qui remonte à la Révolution, n'est pas défini en droit pénal. Mais dans une réponse au Sénat datant de 2009, la garde des Sceaux Rachida Dati avait estimé qu'il incluait "les représentants des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires dont les prérogatives et les rapports ont été définis par la constitution du 4 octobre 1958". Donc les ministres.

Au regard de ce texte et de cette interprétation, Gérard Collomb aurait donc commis une faute en ne communiquant pas les informations dont il disposait à la justice. Mais l'article 40 ne prévoit aucune sanction pénale.

Une sanction disciplinaire des personnes mentionnées à l'article 40 et ayant su que c'était Alexandre Benalla qui agissait sur cette vidéo est en revanche envisageable, et les appels à la démission de Gérard Collomb se font déjà entendre. Mais alors Emmanuel Macron se retrouverait à sanctionner son ministre, coupable d'avoir agi exactement comme lui. A la différence qu'un ministre peut être "démissionné", pas le chef de l'Etat.

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