Assistants FN au Parlement européen : une information judiciaire ouverte
Déjà confronté à la perspective d'un procès sur le financement de ses législatives en 2012, le Front national voit les nuages judiciaires s'accumuler: le parquet de Paris a confié à des juges d'instruction l'enquête sur des soupçons d'emplois fictifs de ses assistants au Parlement européen.
L'information judiciaire, confiée aux juges du pôle financier, a été ouverte le 15 décembre pour abus de confiance et recel, escroqueries en bande organisée, faux et usage de faux et travail dissimulé, a précisé une source judiciaire à l'AFP.
Elle fait suite à une enquête préliminaire conduite depuis mars 2015 par le parquet, qui avait la possibilité de classer sans suite, d'ordonner directement un procès, ou de saisir les juges d'instruction, une démarche classique lorsque les investigations s'annoncent délicates.
"En pleine campagne électorale, c'est caricatural et cela révèle clairement un agenda strictement politique. Les vieilles méthodes politiciennes de persécution des opposants ont la peau dure", a réagi auprès de l'AFP la présidente du Front national Marine Le Pen.
Le parquet avait été saisi par le Parlement européen après les élections de mai 2014, remportées par le parti d'extrême droite en France, qui avait envoyé 24 élus au Parlement de Strasbourg, avec près de 25% des suffrages. Parmi eux, les principales figures du parti, dont sa présidente Marine Le Pen, son cofondateur Jean-Marie Le Pen ou encore Florian Philippot.
A cette époque, les soupçons portaient sur les conditions dans lesquelles étaient employés et payés 20 assistants d'élus frontistes au Parlement européen, car leurs noms apparaissaient aussi sur le dernier organigramme du parti en France. Ces doubles inscriptions laissaient supposer que les personnes pouvaient être affectées à d'autres tâches que le travail parlementaire tout en étant rémunérées par les fonds européens.
"On ne peut pas être payé par le Parlement européen et travailler pour un parti", avait résumé le président du Parlement, le socialiste Martin Schulz.
En parallèle du parquet, l'organisme antifraude de l'Union européenne (Olaf) a mené ses propres investigations. Résultat: il a demandé en août au Parlement européen de recouvrer 339.946 euros auprès de Marine Le Pen, une somme correspondant aux salaires versés à deux de ses assistants parlementaires.
Il s'agissait de Thierry Légier en 2011 et de Catherine Griset de 2010 à 2016. Le premier est connu pour avoir longtemps été le garde du corps de Jean-Marie Le Pen, puis de Marine Le Pen, tandis que la seconde a été chef de cabinet de la présidente du FN au sein du parti. L'avocat de Marine Le Pen avait annoncé un recours.
Le Parlement européen a aussi réclamé 320.000 euros à Jean-Marie Le Pen, lui aussi élu à Bruxelles et à Strasbourg, une somme utilisée pour rémunérer son assistant parlementaire Jean-François Jalkh entre 2009 et 2014.
Dans le cadre de l'enquête du parquet, les policiers de l'Office anticorruption de la PJ (Oclciff) avaient perquisitionné en février 2016 le siège du FN à Nanterre, la propriété familiale de Jean-Marie Le Pen à Saint-Cloud et le bureau de son secrétaire particulier Gérald Gérin. Lorsque l'enquête avait été lancée, ce dernier apparaissait à la fois comme assistant personnel de Jean-Marie Le Pen au sein du parti et comme assistant de l'eurodéputée Marie-Christine Arnautu au Parlement européen.
Le Front national est déjà confronté à plusieurs enquêtes sur des soupçons de malversations dans le financement de ses campagnes depuis 2012. Le parti d'extrême droite a été renvoyé en procès par les juges d'instruction pour complicité d'escroquerie au préjudice de l’État, qui rembourse les frais de campagne, lors des législatives de 2012.
Deux de ses dirigeants, son trésorier Wallerand de Saint-Just et Jean-François Jalkh, sont aussi poursuivis, le premier pour recel d'abus de biens sociaux, le second pour escroqueries, abus de confiance et recel d'abus de biens sociaux.
Dans cette affaire, la justice soupçonne le parti d'avoir mis en place un système de prestations surfacturées pour toucher des remboursements indus. Le FN conteste toute malversation. Le procès n'a pas encore eu lieu. Deux autres enquêtes sont en cours sur le financement des campagnes frontistes depuis 2012.
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