Clichy-la-Garenne : les prières de rue sont-elles légales ?

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Jean-Philippe Morel, édité par la rédaction
Publié le 17 novembre 2017 - 17:53
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Manifestation sous forme de prière de rue devant la mairie de Clichy le 24 mars 2017 après la fermet
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© BERTRAND GUAY / AFP/Archives
Les prières de rue peuvent être interdites si elles troublent l'ordre public ou la circulation.
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La communauté musulmane de Clichy-la-Garenne a tenu à plusieurs reprises des prières de rues pour exiger de meilleurs locaux. Des manifestations dénoncées par plusieurs élus et citoyens au nom de la laïcité. Ce principe vise pourtant à garantir la libre expression des religions. En revanche, la question d'un trouble à l'ordre public ou d'entrave à la circulation peut se poser, analyse en partenariat avec "France-Soir" Jean-Philippe Morel, avocat au barreau de Dijon.

Depuis plusieurs mois, des prières de rue se tiennent à Clichy-la-Garenne chaque semaine sur la voie publique, organisées par la communauté musulmane locale pour protester contre l'absence de salle adaptée. Ces prières heurtent la sensibilité de certains de nos compatriotes, en raison de l’occupation de l’espace public par une pratique religieuse.

Il est intéressant d’apporter un regard juridique sur cette situation qui suscite des passions.

> Lire aussi: Prières de rue à Clichy: après l'impressionnante bousculade, des responsables musulmans portent plainte

Notre République est laïque au terme de l’article 1er de la Constitution de 1958: "la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale". Elle assure ainsi à chacun le droit de croire ou de ne pas croire.

La grande loi républicaine du 9 décembre 1905, fondatrice de la séparation des Églises et de l’Etat, dispose en son article 1er: "La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public" (source).

L’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen est écrit dans la même veine. Il consacre la liberté d’opinion et de conscience: "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi" (source).

Dans notre pays, il existe un droit à l'expression publique de la religion. Toutefois ce droit s’exerce dans le respect de certaines règles.

Prier dans un lieu de culte, dédié par nature à cet effet, pose moins de difficultés qu'à l’extérieur, sur la voie publique, où cohabitent croyants ou non, mais en elles-mêmes, les prières collectives de rue ne sont pas prohibées par la loi.

En effet l’article 27 de la loi précitée du 9 décembre 1905, modifié par Loi n° 96-142 du 21 février 1996, précise que "les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d’un culte, sont réglées en conformité de l’article L2212-2 du code général des collectivités territoriales" .

La loi renvoie à cet article relatif au pouvoir de police du maire qui doit assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, et dispose notamment dans son troisième alinéa que "le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics" (source).

Les prières pourraient donc être interdites pour le maintien du "bon ordre" public.

Pour répondre aux interrogations actuelles, la préfecture des Hauts-de-Seine a d’ailleurs précisé que l’interdiction réclamée par le maire de la ville se doit d’être "strictement nécessaire au maintien de l’ordre public". "Il ne suffit pas qu’il existe (…) une menace de trouble à l’ordre public susceptible de justifier la mesure de police, il faut que cette mesure soit appropriée, par sa nature et sa gravité, à l’importance de la menace".

Une prière collective sur la voie publique suppose, comme pour toute manifestation publique, le dépôt d’une déclaration préalable. En effet, toute manifestation sur la voie publique doit faire l'objet d'une déclaration préalable et peut être interdite si elle est susceptible de porter atteinte à l'ordre public. Par ailleurs les prières de rue pourraient le cas échéant tomber sous le coup du délit d'entrave volontaire à la circulation prévu et réprimé par l'article L412-1 du code de la route.

Ce texte dispose que "le fait, en vue d'entraver ou de gêner la circulation, de placer ou de tenter de placer, sur une voie ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules ou d'employer, ou de tenter d'employer un moyen quelconque pour y mettre obstacle, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 4.500 euros d'amende".

Afin de trouver une solution de compromis, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a déclaré à ce sujet qu’"il ne pouvait pas y avoir de prières de rue" à Clichy-la-Garenne, en raison, on l’imagine, du trouble possible à l’ordre public, mais que les musulmans de cette ville devaient "avoir un lieu de culte décent".

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