Contrat de génération : la Cour des comptes dresse un constat sévère
Le contrat de génération était la "belle idée" de François Hollande, sorte de "compagnonnage" pour encourager l'embauche des jeunes tout en maintenant les seniors. Mais le dispositif, "hybride" et "trop complexe", n'a guère pris, relève la Cour des comptes, qui passe au crible "les raisons d'un échec".
Ardemment défendu par le candidat socialiste pendant sa campagne, et lancé en mars 2013, le contrat de génération est l'une des mesures phares de la politique de l'emploi du quinquennat. Il répond à une "belle idée": favoriser à la fois l'intégration des jeunes et le maintien des seniors dans l'entreprise, avec la transmission des compétences entre deux générations à la peine sur le marché du travail.
Il donne droit pour les entreprises de moins de 300 salariés, à une aide annuelle de 4.000 euros pour l'embauche en CDI d'un jeune et le maintien d'un senior. Cette aide est doublée si l'entreprise recrute simultanément un jeune et un senior. Pour les plus grandes entreprises, une obligation de négocier un accord est prévue, sous peine de pénalité financière. L'ambition était d'atteindre 500.000 emplois créés d'ici 2017, rappelle la Cour des comptes dans son rapport annuel. On en est loin: fin juillet 2015, "seulement 40.300 contrats assortis d'une aide signés, alors que plus de 220.000 étaient espérés à cette date", détaille le rapport, qui parle "d'échec".
A fin décembre 2015, plus de 47.600 aides avaient été attribuées depuis la mise en œuvre du contrat, selon des données provisoires du ministère du Travail, alors que l'ex-ministre Michel Sapin en espérait 75.000 pour la seule année 2013. "500.000, c'était une évaluation, pas un objectif. Il y avait beaucoup d'incertitude au départ car le contrat de génération était totalement innovant, et sans équivalent ailleurs", explique-t-on au ministère du Travail.
"On n'est certes pas sur la tendance évaluée à l'époque, mais on ne peut pas parler d'échec. Il n'y a pas d’essoufflement particulier des demandes d'aide", assure-t-on. Les magistrats de la rue Cambon regrettent que le contrat de génération ait été conçu "non comme un instrument simple à la disposition directe des entreprises", mais comme "un dispositif hybride, qui tient à la fois de l'obligation de négocier, d'un régime de pénalités et d'un système d'aide" considéré comme "peu lisible".
Une "complexité" qui a fait "passer au second plan l'intérêt de l'aide financière", tandis que la menace de pénalité (jusqu'à 1% de la masse salariale) n'a pas été incitative, et quasiment inappliquée par l'administration. La dynamique de la négociation collective qu'il était supposé enclencher a été "trop limitée". En outre, les accords de branche ont "souvent renoncé au principe d'un binôme effectif entre un jeune et un senior pour privilégier un appariement purement statistique entre des jeunes et des seniors sans liens professionnels", loin "de la logique de compagnonnage", relève la Cour.
Au ministère, on rétorque que le contrat n'avait "jamais supposé un binôme systématique, surtout au niveau de la branche": "L'appariement statistique" peut être pour les grandes entreprises un élément de gestion prévisionnelle des emplois et compétences, avec une transmission "mais pas forcément au sein du binôme".
Selon la Cour, certaines grandes entreprises ont organisé "une formation des seniors par les jeunes recrutés", considérés comme "'plus au fait sur les évolutions technologiques", quand d'autres sont allées jusqu'à "favoriser les départs précoces des seniors". Enfin, le contrat a été davantage un "instrument de titularisation des jeunes" déjà en emploi (près des deux tiers) et parfois au sein de l'entreprise (25%), que de développement de l'emploi, selon le rapport. Il bénéficie également "prioritairement" à des jeunes qualifiés.
"L'objectif était aussi de sécuriser les jeunes sur le marché du travail avec un CDI", souligne le ministère. La Cour recommande de simplifier, voire d'abandonner les obligations liées à la négociation préalable, et d'assouplir les critères d'éligibilité à l'aide financière. Faute de quoi "il conviendrait d'envisager son extinction au profit de dispositifs plus efficaces".
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