Critique des médias : Mélenchon et Wauquiez ont détrôné Le Pen
La critique du "parti médiatique" est loin d'être une nouveauté en France, tout comme la haine des médias. Ce qui l'est plus est que ces ressorts du populisme, autrefois réservés à l'extrême droite, sont désormais des outils dédiabolisés par d'autres formations. Le classement 2018 de la liberté de la presse publié ce mercredi 25 par RSF (lien) pointe ainsi le "mediabashing" dont usent et abusent "certains leaders politiques". Sont nommément visés Jean-Luc Mélenchon et Laurent Wauquiez.
"Le «mediabashing», ou le dénigrement systématique de la profession par certains leaders politiques, a connu son paroxysme pendant la campagne électorale de 2017", détaille ainsi RSF. Puis de déplorer que cette dérive se poursuive: "certains responsables continuent d’utiliser cette rhétorique pour attaquer les journalistes quand ils sont mis en difficulté".
"Le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon" et le "leader de la droite Laurent Wauquiez" sont les deux seuls responsables politiques français nommément mis en cause par l'ONG internationale.
Le premier pour l'utilisation de ressorts flirtant avec le complotisme lorsqu'il se dit "victime d’une entreprise de démolition orchestrée par les médias à la solde du parti d'Emmanuel Macron" et pour avoir écrit sur son blog que "la haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine". Une formule lourde de sens qu'avait notamment dénoncé la députée FI Clémentine Autain mais qui figure toujours sur son site (voir ici).
Lire aussi: Mélenchon est-il complotiste?
Laurent Wauquiez est pour sa part égratigné par RSF pour avoir qualifié de "bullshit médiatique" le travail de certains journalistes. Au moment de la diffusion par l'émission Quotidien de l'enregistrement de ces propos, en février dernier, le nouveau président de LR avait ainsi envoyé ses troupes le défendre en attaquant la "déontologie" des journalistes.
Si ces mises en cause ne surprennent guère, compte tenu des sorties et des orientations prises par les patrons de FI et de LR, elles illustrent toutefois le virage politique opéré par la droite dite "modérée" et l'extrême gauche se destinant au pouvoir.
Que le niveau d'instrumentalisation et d'utilisation à des fins politiques de la haine des médias par Laurent Wauquiez et Jean-Luc Mélenchon dépasse celui de Marine Le Pen est tout à fait symbolique. Tout d'abord car la détestation des journalistes de la part de la président du Front national n'a pas faiblie, loin s'en faut. Outre une sélection dans l'accréditation des médias controversée, elle reste ainsi bien ancrée dans la stratégie de victimisation initiée par son père, continuant de critiquer les "flèches venimeuses" que lui décocheraient les "bobos gauchos" des médias. Une formulation adoucie, mais tout aussi révélatrice que le "Et ta sœur!" que lançait (notamment) Jean-Marie Le Pen à un journaliste qui lui posait une question.
Wauquiez et Mélenchon ont donc ainsi battu Marine Le Pen plus que celle-ci n'a levé le pied. Le premier tout à sa volonté de se droitiser pour chasser sur les terres électorales du FN. Le second dans une stratégie délibérée de mise en cause des élites, de critique à tout va d'un supposé système et de ses représentants au rang desquels compteraient donc les journalistes. Journalistes mis en cause pour leur partialité par celui-là même dont les proches ont monté une webtélé "engagée" clairement en sa faveur. Et qui manquent à tous les devoirs journalistiques en ne publiant pas de démenti après avoir relayé une fausse information.
Reporter sans frontière, classe cette année la France au 33e rang des pays où la presse est la plus libre, soit une progression de six places. La concentration des titres entre les mains de grands groupes industriels qui menace leur indépendance est toutefois soulignée par l'ONG.
Dans le reste du classement, comme l'an passé la Norvège est première et la Corée du Nord dernière.
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