Déchéance : Marie-George Buffet dénonce la "course à l'échalote" sécuritaire entre la gauche et la droite

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Propos recueillis par Pierre Plottu
Publié le 05 février 2016 - 18:07
Mis à jour le 06 février 2016 - 11:21
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Marie-George Buffet.
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©Patrick Kovarik/AFP
"Il nous est dit que, si la double nationalité ne figurera pas dans la Constitution, elle le sera dans la loi d'application sur la déchéance", dit Marie-George Buffet.
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Marie-George Buffet se montre très critique à l'encontre de la réforme de la Constitution présentée ce vendredi à l'Assemblée nationale, qui ne donnerait, dit-elle à "FranceSoir", "pas de garanties" sur l'état d'urgence et ne serait qu'un "texte incantatoire" sur la déchéance de nationalité. Il ne s'agirait ainsi que d'une "course à l'échalote" sécuritaire entre la droite et la gauche, avec en ligne de mire la présidentielle de 2017.

Pour elle, c'est "non". La députée Front de gauche et ancienne ministre Marie-George Buffet est très critique à l'encontre du projet de réforme de la Constitution présenté ce vendredi 5 matin à l'Assemblée nationale. Le texte ne donnerait ainsi  "pas de garanties", dit-elle dans une interview à FranceSoir, en ce qui concerne l'état d'urgence et serait tout bonnement "incantatoire" sur la déchéance de nationalité, jugée inefficace. Le gouvernement serait ainsi "en train de dévier vers  une démarche sécuritaire pour arriver premier à la présidentielle de 2017", selon l'ancienne patronne du PCF qui dénonce une "course à l'échalote" entre la gauche et la droite sur ce sujet. Au risque de faire le jeu de l'extrême-droite.

> En ouverture des débats de ce vendredi, Manuel Valls a demandé de "l'unité" et de la "hauteur de vue" aux députés et appelé à voter la réforme de la Constitution. Que pensez-vous de ce texte tel qu'il vous a été présenté? Pensez-vous que les débats puissent le faire évoluer?

"Tout d'abord je n'accepte pas les discours prononcés par certains, comme le Premier ministre, qui intiment aux députés l'unité derrière le président sur ce texte. Nous sommes une démocratie, nous sommes les élus du peuple, nous avons droit de débattre pour rechercher les meilleures mesures à prendre pour lutter contre le terrorisme.

"Sur le projet en lui-même, l'article-1, l'inscription de l'état d'urgence dans la Constitution, on pourrait à la limite l'estimer positif car il pourrait permettre d'avoir des garanties sur une future majorité qui voudrait changer la loi, l'aggraver. Mais le texte qui nous est proposé renvoie  à la loi, donc à des majorités... L'inscription de l'état d'urgence telle qu'elle nous est proposée ne donne pas de garanties supplémentaires. (...) En ce qui concerne l'article-2, qui va être modifié bien qu'on ne connaisse pas encore les amendements gouvernementaux, on tourne autour de la même contradiction. (...) On nous dit qu'on ne fera pas d'apatrides. Mais on a beau enlever l'expression +double nationalité+, on ne pourra enlever qu'à ceux qui ont deux nationalités.

"On reste dans l'idée d'un texte incantatoire, qui n'a aucune efficacité réelle pour détourner un djihadiste de la mise en œuvre de ses crimes".

> La ratification de la convention de 1961 annoncée par le gouvernement prévoit tout de même qu'un Français sans autre nationalité puisse, sous certaines conditions, lui aussi être déchu et devienne donc apatride...

"Sauf qu'il nous est dit que, si la double nationalité ne figurera pas dans la Constitution, elle le sera dans la loi d'application sur la déchéance".

> Compte tenu de tout cela, croyez-vous qu'il y aura, comme l'a pronostiqué le nouveau ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas, une majorité de gauche pour voter la réforme de la Constitution?

"Quand vous regardez les amendements proposés, par exemple sur l'article-1 (concernant l'état d'urgence, NDLR), le périmètre des députés qui en proposent la suppression va de Sergio Coronado (député EELV, 2e circonscription des Français établis hors de France) à Bernard Debré (LR, Paris), Jean-Frédéric Poisson (LR, Yvelines), Pierre Lellouche (LR, Paris) ou encore Isabelle Attard (écologiste, Calvados)... On va avoir certainement sur ces amendements de suppression un vote large. Jusqu'où cela va aller? Je pense que sur l'article-1, il y aura peu de députés au-delà du Front de gauche et des écologistes, qui voteront la suppression. Pour l'article-2, on en aura certainement plus. De là à ne pas arriver à une majorité dans la gauche, je suis un peu sceptique compte tenu des discussions que j'ai eues avec des députés PS ce matin. Alors que je pensais que leur vote était établi, certains seraient désormais pour soutenir le texte, plus convaincus par la dernière version du texte présentée".

> En renonçant à cibler les binationaux, ce que réclamait pourtant la droite, l'exécutif ne parie-t-il pas sur l'échec de sa réforme? Ou du moins ne se ménage-t-il pas un moyen d'accuser l'opposition si cela devait arriver?

"Autant j'ai voté en toute conscience l'état d'urgence car j'ai pensé qu'il fallait prendre, face à une menace inédite, des mesures exceptionnelles, (...) autant j'ai l'impression qu'au lieu de poursuivre avec responsabilité et détermination contre la menace terroriste, nous sommes en train de dévier vers  une démarche sécuritaire pour arriver premier à la présidentielle de 2017. Je trouve (ça) particulièrement déplorable. (...) C'est pour certains un terrain de jeu dans une vision électoraliste. (...) On peut continuer à jouer comme ça, mais je pense qu'il y en a une troisième qu'on n'entend pas beaucoup en ce moment mais qui n'a pas besoin de parler parce que d'autres parlent pour elle (l'extrême-droite, NDLR). Si on fait une course à l'échalote entre une partie de la gauche et la droite dite républicaine uniquement sur des mesures comme ça, alors qu'il y a un climat d'angoisse dans la population, de fatigue, c'est irresponsable. Je pèse mes mots".

> Plus largement, cette réforme apparaît comme un nouveau sujet de discorde au sein de la gauche qui, entre le PS et ses frondeurs, le Front de gauche, les écologistes, apparaît de plus en plus divisée. A un an de la présidentielle, où se situent les communistes par rapport à la majorité et au soutien de François Hollande?

"Nous, députés du Front de gauche,  n'avons pas été élus pour participer à la majorité présente. Je pense sincèrement qu'avec la politique menée par le gouvernement,  soutenue par une partie du Parti socialiste et quelques écologistes, aux plans économique, social et démocratique, il y a urgence à créer les conditions d'une alternative à gauche (...) qui rassemblera des hommes et des femmes de gauche venus des deux grandes sensibilités historiques: les réformistes et ce qu'on a appelé les révolutionnaires. C'est ce qu'on avait essayé de faire avec le Front de gauche qui n'avait pas si mal démarré avec la présidentielle de 2012. Cette gauche porteuse de ses valeurs, porteuse d'une politique de progrès social avait dépassé les 11%. Je pense qu'on a trop vite tiré un trait sur cette démarche et qu'on a du mal à repartir.

"Certains essayent de repartir par une primaire mais on a un jeu de la direction du PS qui dit +Si Mélenchon vient, Hollande viendra+. Et pour quoi faire? Que ce soit ensuite Hollande le candidat de toute la gauche? Mais ce n'est pas possible! (...) Certains à gauche ont expliqué pendant des années que c'étaient l'économie, l'Europe, les contraintes internationales qui prédominaient et que donc on élisait des hommes et des femmes de gauche mais qu'ils ne pouvaient pas faire grand chose. Je pense que s'il n'y a pas de nouvelle dynamique reprenant les fondements de la gauche qui se crée, si on ne reprend pas cette démarche de progrès, on aura des alternances de plus en plus conformes". 

 

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