Des éleveurs en colère bloquent l'axe Rennes-Brest
Autour de feux de palettes pour se réchauffer, des dizaines d'éleveurs bretons, inquiets pour leur avenir, bloquent depuis ce mercredi 20 dans l'après-midi l'axe routier Brest-Rennes, près de Saint-Brieuc, menaçant de rester sur place "plusieurs jours" en attendant la visite du Premier ministre Manuel Valls.
"Valls, tu nous aimes?? Viens nous le dire ici et maintenant!!!", peut-on lire sur des dizaines d'affichettes placardées sur les tracteurs ou les véhicules des manifestants, réunis à l'appel de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) et des Jeunes Agriculteurs (JA). "Nous l'avions rencontré l'an dernier mais rien n'a changé depuis", regrette Didier Lucas, président de la FDSEA des Côtes d'Armor.
Il s'agit, pour les éleveurs, d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur une crise qui n'en finit pas et dans laquelle des milliers d'emplois sont en jeu. "Nous sommes allés à Paris en septembre, mais c'est comme si nous n'avions rien fait", se désole l'un d'eux. "Les politiques nous entendent mais ne nous écoutent pas. Nous en sommes toujours au même point, sauf qu'on s'enfonce chaque jour davantage dans le rouge".
Pour cette démonstration de force sur la Nationale 12, entre Saint-Brieuc et Yffiniac, un axe extrêmement fréquenté avec plus de 60.000 véhicules par jour, un véritable camp de base a été installé, avec podium, tente et barbecues.
Prévoyants, les agriculteurs ont désigné jusqu'à au moins samedi 23 des responsables pour assurer les permanences tournantes de ce camp de base.
La préfecture a mis en place une déviation empruntant des routes départementales pour éviter l'agglomération de Saint-Brieuc.
Les éleveurs tirent depuis des mois la sonnette d'alarme en raison des cours trop bas, inférieurs aux coûts de production, auxquels le porc, le lait et la viande bovine sont achetés par les industriels de la transformation.
De nombreux agriculteurs en faillite sont contraints de mettre la clé sous la porte et les spécialistes considèrent qu'en moyenne, une exploitation génère sept emplois (y compris ceux en amont et en aval de l'élevage). D'où les risques de pertes d'emplois en cascade quand des éleveurs jettent l'éponge.
Dans l'élevage porcin, ils sont environ 20% dans cette situation, selon les chiffres des centres de gestion. "Le minerai breton c'est l'élevage. Le minerai du Nord, c'était le charbon et, aujourd'hui, ces mines sont devenues des musées. Est-ce qu'on est condamnés à disparaître comme ça aussi", s'interroge Jean-Michel Juhel, producteur de porcs.
Alors que le gouvernement explique ne pas pouvoir aider davantage les producteurs français en raison des règles européennes, les syndicats interrogent: "l’Espagne aide ses éleveurs: pourquoi pas la France? L'Allemagne protège ses marchés: pourquoi pas la France?".
Les éleveurs réclament, notamment pour le porc, un étiquetage mentionnant l'origine des viandes utilisées dans les produits transformés qui sont majoritairement fabriqués à base de porc d'importation, et sur lesquels est uniquement mentionné, conformément à la législation: "Transformé en France".
Les syndicats veulent également obtenir l'engagement des distributeurs et des industriels pour que les négociations commerciales annuelles en cours "se fassent dans le respect du travail des agriculteurs, toutes productions confondues: respect d'un prix équitable au producteur, respect de la qualité +origine France+, respect de la transparence sur la répartition des marges tout au long de la filière".
Parmi les éleveurs présents, plusieurs arborent un bonnet rose fuschia, signe de ralliement d'un nouveau collectif indépendant "Sauvons l'élevage français" (SEF), dont l'existence a été officialisée il y a quelques jours. SEF n'est pas associé à cette manifestation, "organisée par les syndicats", mais "laisse à chacun de ses membres le choix de se déterminer" par rapport à ce blocage, a déclaré à l'AFP Olivier Etienne, un des porte-paroles du collectif. Une partie des membres du nouveau collectif sont également adhérents à la FDSEA ou aux JA.
A Quimper, environ 130 agriculteurs venus avec une quinzaine de tracteurs ont également manifesté ce mercredi devant la préfecture du Finistère à l'appel des JA. Ils ont déposé des bottes usagées devant la représentation de l’État pour symboliser qu'ils en ont: "Plein les bottes".
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