Des manifestants télé-verbalisés et “amendes surprise” : la vidéo surveillance est-elle coupable ?
En mai, au début du déconfinement, des manifestations contre la gestion de la crise du Coronavirus ont eu lieu à Millau dans l'Aveyron. Malgré le port de masques et le respect des distances de sécurité, certains manifestants ont été surpris de recevoir par courrier quelques jours plus tard des amendes sanctionnant ces rassemblements, alors même qu’ils n’avaient pas été verbalisés par la police pendant les manifestations.
L'utilisation de ce procédé sans transparence surprend. Dans un contexte où les organismes de défense des libertés individuelles se montrent de plus en plus réticents à l'utilisation de la vidéo-surveillance sans consentement, cela pose question.
Même masqués, les manifestants ont été identifiés
Dans les courriers de notification des amendes, la cause de la verbalisation reste mystérieuse. L'explication la plus évidente serait le non respect des mesures de protection sanitaires, et de l'interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes. Selon le courrier, la verbalisation fait suite à « un rassemblement interdit sur la voie publique dans une circonscription territoriale où l'État d’Urgence sanitaire est déclaré” ce qui est puni de 135 € d'amende.
Pendant les manifestations des Millavois, qui se sont déroulées dans le calme, des agents des renseignements territoriaux les observaient, sans se rapprocher. Les manifestants s’interrogent: "Comment ont-ils pu nous reconnaître alors même qu'on était quasiment tout le temps masqué et qu'on avait même du mal à nous reconnaître entre nous ?"
Le rôle de la vidéo surveillance en question
Cités par Numerama, certains manifestants trouvent que ces verbalisations posent question, car sur la cinquantaine de contraventions reçues, certaines sont des doublons, reçus en deux exemplaires par les même personnes, ce qui suggère un traitement automatisé des envois.
Pour tenter de faire la lumière sur ces verbalisations, sept représentés des amendes ont été reçus par Patrick Bernié et le commandant Calméjane. Les forces de l’ordre ont expliqué que la vidéoprotection, n'avait été qu'un outil d'identification pour la police, même si 99 % des reconnaissances avaient été réalisées sur place. La vidéosurveillance aurait donc été “un support pour accréditer les destinataires des amendes et non le contraire”.
La police de Millau invite les manifestants à demander, en cas de doute, via la Ligue des droits de l'Homme notamment, des précisions auprès du comité d'éthique de la mairie sur le fonctionnement de la vidéosurveillance.
La vidéosurveillance et les limites garanties par les droits fondamentaux
Avec la crise sanitaire, les dispositifs de vidéosurveillance se sont développés. À Nice par exemple, pour détecter le port du masque dans les lieux publics , au métro Châtelet-les-Halles, et dans la ville de Cannes sur trois marchés, également pour contrôler le port du masque. Ces deux dernières expérimentations ont été suspendues à cause de l'impossibilité d'assurer aux usagers un droit d'opposition pratique et généralisable. La Cnil a jugé que « faire non de la tête est une modalité d’opposition insuffisante et peu pratique ».
Pour son dispositif, suspendu par la CNIL, la RATP avait prévu des caméras équipées d’intelligence artificielle, censées détecter automatiquement le port du masque et comptabiliser en temps réel les personnes qui le porte ou non dans les espaces grâce à un algorithme. La RATP a précisé que cet algorithme n'effectue aucune analyse ou calcul des caractéristiques du visage. En outre, cet outil n'avait aucune finalité de verbalisation.
Selon la CNIL, les dispositifs de vidéoprotection, comme d'autres dispositifs de captation d'images dans l'espace public, font l'objet d'un encadrement législatif spécifique dans le Code de la sécurité intérieure. En définitive, il faut pouvoir assurer le droit d’opposition.
Pour faire respecter ce droit, faut-il indiquer son refus, en faisant “non” d'un signe de tête, en direction de la caméra? Cette suggestion peut paraître absurde, mais elle a réellement été envisagée par la RATP. La CNIL a estimé que le droit d'opposition n'était pas garanti. Selon la CNIL, en pratique, on peut uniquement obtenir la suppression de nos images (données personnelles), mais non éviter leur collecte.
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