Exclusif : vers un stage de sensibilisation au respect de l’animal
Les auteurs d’actes de maltraitance à l’égard des animaux, délits[1] comme contraventions[2], encourent diverses peines principales et complémentaires. Cependant, les affaires afférentes révèlent qu’il existe une réelle lacune en terme de réponse pénale sur ce point, et ce d’autant plus lorsqu’il s’avère que l’auteur a récidivé... En effet, alors même qu’il s’agit d’infractions constituées d’atteintes à des "êtres vivants doués de sensibilité"[3], aucune peine éducative n’existe à ce jour contre la maltraitance animale.
Si la meilleure protection contre un risque de réitération d’une atteinte sur les animaux est, outre leur retrait, l’interdiction de détenir tout animal, force est de constater que sans le moindre accompagnement pédagogique:
- cette interdiction n’est pas prononcée automatiquement compte tenu du principe d’individualisation des peines[4],
- elle peut être prononcée partiellement, en étant par exemple limitée à une interdiction de détenir certains animaux,
- le délinquant pourra être amené à être en contact avec un animal ne lui appartenant pas ou même de nouveau en acquérir à l’issue d’une interdiction temporaire de détention.
Dans le cadre de la préparation du diplôme universitaire en droit animalier proposé par l’université de Limoges en partenariat avec la Fondation 30 Millions d’Amis, créé et sous la direction du professeur Jean-Pierre Marguénaud et de l’enseignante en droit privé Lucille Boisseau-Sowinski, l’écrit consiste à présenter une "proposition de réforme législative en lien avec le droit animalier"[5]. Compte tenu de l’importance de l’éducation afin de limiter les risques d’infraction, mon projet présenté au mois de juin dernier, était une proposition de création d’un stage de sensibilisation au respect de l’animal, en tant que peine complémentaire[6] mais également au stade des mesures alternatives aux poursuites[7]. Et ce aux frais du délinquant afin que la mesure soit d’autant plus dissuasive. Comme le rappelle le professeur Xavier Pin dans son manuel de droit pénal général, "le stage est une peine complémentaire en voie d’expansion, qui mêle la pédagogie à la répression"[8].
Après un retour positif dans le cadre de la préparation du diplôme susvisé, la députée Corinne Vignon, membre du groupe d’études de l’Assemblée nationale intitulé "condition animale"[9], a manifestement été séduite par cette idée, du moins en ce qui concerne sa partie législative bien évidemment. Ceci a donc très récemment donné lieu de sa part, à:
- une question parlementaire: "La création d'un stage de sensibilisation au respect de l'animal permettrait au délinquant de prendre conscience des conséquences dommageables de son comportement et de sa responsabilité pénale et civile pour les faits commis. Elle aimerait avoir [l’avis de Mme la garde des Sceaux, ministre de la Justice] sur cette proposition."[10],
- un amendement, cosigné par plusieurs députés et déposé dans le cadre du projet de loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice, texte visant "à renforcer la réponse pénale contre la maltraitance sur les animaux, en créant le stage de sensibilisation au respect de l’animal (…)"[11].
Présenté le 9 novembre dernier devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, l’amendement susvisé a été accueilli de manière positive par le rapporteur du projet de loi, Didier Paris, et Nicole Belloubet, garde des Sceaux. Ces derniers craignant toutefois une multiplication des stages, le texte a été retiré en l’état en vue d’être "retravaillé". Une nouvelle proposition a ainsi été déposée après une réflexion et des recherches communes avec l’équipe de la Députée Corinne Vignon, soit plus particulièrement un "amendement qui vise à intégrer un volet de sensibilisation au respect de l’animal dans le stage de citoyenneté". Apporter une réponse pénale adaptée pour diminuer la maltraitance animale a en effet pour objectif plus global de lutter contre toute forme de violence, compte tenu du lien existant, comme l’ont démontré diverses études, entre la violence sur les animaux d’une part et la violence envers les humains d’autre part[12].
Cet amendement, cosigné par une trentaine de députés et ayant donc pour objet de compléter l’actuel article 43 du projet de loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice, devrait être présenté dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale et soumis au vote cette semaine.
[1] Cf. articles 521-1 et 521-2 du code pénal, L.215-11 du code rural et de la pêche maritime et L.415-3 du code de l’environnement (atteinte à une espèce protégée)
[2] Cf. principalement articles R.653-1, R.654-1, R.655-1 du code pénal et article R.215-4 du code rural et de la pêche maritime
[3] Article 515-14 du code civil
[4] "Toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée." (article 132-1, alinéa 2, du Code pénal, issu de la Loi n°2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales)
[5] http://www.fdse.unilim.fr/article937.html
[6] Cf. article 130-1 du code pénal, issu de la Loi n°2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales: "Afin d'assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions:
1° De sanctionner l'auteur de l'infraction;
2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion."
[7] Cf. articles 41-1 et 41-2 du code de procédure pénale
[8] Xavier Pin, Droit pénal général 2018, Cours DALLOZ, 9ème édition, p.385
[11] http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/1349/CION_LOIS/CL355.asp?fbclid=IwAR0a92q-rfINqAusyzEUPLbiFQ6QwkaS70tReTMn55Up3IPwbyJdfApwdi4
[12] Cf. Andrew Linzey, Violences sur les animaux et les humains - Le lien, One Voice, 2011; Cédric Sueur, "Lien entre violence domestique et violence sur animaux", Revue trimestrielle n°96 (janvier 2018), Fondation Droit Animal, Ethique et Sciences.
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