Financement libyen : Takieddine "confirme" avoir remis des valises d'espèces à Sarkozy et son camp
Après ses déclarations fracassantes, l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine a "confirmé" devant les enquêteurs avoir remis des valises d'espèces à Nicolas Sarkozy et son camp avant la présidentielle de 2007. Il n'a toutefois pas pu prouver que l'argent était destiné au financement de la campagne. Le sulfureux homme d'affaires a été entendu mardi et jeudi en audition libre par les enquêteurs de l'office anticorruption de la police judiciaire (Oclciff) à Nanterre, près de Paris. Les policiers voulaient connaître "les circonstances dans lesquelles il avait été interviewé" par le site d'information Mediapart "et savoir s'il confirmait" ses déclarations, a expliqué son avocate Elise Arfi.
"Je suis venu confirmer les éléments déjà connus et ceux qui ont été obtenus par la justice dans le cadre de l'instruction sur le financement libyen, j'ai relaté tout ce que je savais, dans l'intérêt de la France", a déclaré jeudi à l'AFP Ziad Takieddine à l'issue de son audition en début d'après-midi. Mardi matin, dans un entretien diffusé par Mediapart, Takieddine, mis en examen dans le dossier Karachi, assurait avoir transporté fin 2006-début 2007 entre la Libye et la France trois valises contenant cinq millions d'euros en espèces. Des fonds qu'il dit avoir remis une fois à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur et candidat, et les deux autres fois à son directeur de cabinet de l'époque, Claude Guéant.
Ziad Takieddine a dans le passé porté des accusations de financement libyen de la campagne victorieuse de la droite en 2007, sans toutefois en apporter la preuve. L'intermédiaire assure avoir convoyé les valises à la demande d'Abdallah Senoussi, l'ex-patron du renseignement libyen sous Mouammar Kadhafi, dans le cadre de la "coopération entre services de renseignements". "C'est comme cela qu'on me l'a présenté, et c'est ainsi que j'ai agi", a-t-il justifié. "A l'époque, il ne sait pas, et il ne sait toujours pas, si cet argent était destiné au financement de la campagne électorale, il peut le penser mais il n'en a pas la preuve non plus", a expliqué Me Arfi.
Nicolas Sarkozy a opposé un "démenti formel" aux accusations de Ziad Takieddine, dénonçant "une manœuvre nauséabonde pour interférer dans la primaire de la droite et du centre" en vue de la présidentielle de 2017, à laquelle l'ex-chef de l’État est candidat et dont le premier tour a lieu dimanche. Le camp Sarkozy, qui a promis des poursuites judiciaires, insiste sur des incohérences dans le récit de Takieddine et son "absence de crédibilité". Claude Guéant "n'a jamais entendu parler du moindre centime libyen qui aurait pu servir à financer la campagne de 2007", a assuré de son côté son avocat Philippe Bouchez-El Ghozi, en notant qu'il n'avait "jamais été mis en cause à ce titre".
Lors de ses précédentes auditions devant les enquêteurs, Ziad Takieddine avait varié dans ses déclarations, parfois floues, en assurant d'abord ne pas être en mesure d'apporter "personnellement" de preuves, avant d'affirmer pouvoir "fournir les éléments existants" sur un possible financement occulte de la campagne. Après trois ans d'investigations, les juges ont obtenu plusieurs témoignages d'ex-responsables libyens qui accréditent la thèse de versements de fonds du régime Kadhafi notamment celui, posthume, de Choukri Ghanem, l'ex-ministre du Pétrole décédé en 2012, qui en fait mention dans ses carnets.
Abdallah Senoussi a affirmé en 2012 avoir "personnellement supervisé" le transfert de cinq millions d'euros pour la campagne en "2006-2007", selon des éléments de l'enquête des juges d'instruction français, dont l'AFP a eu connaissance. Les enquêteurs ne disposent pas de preuve, mais des indices gravitent autour de flux suspects. Leurs interrogations portent notamment sur des soupçons de détournements de fonds derrière la vente à un fonds libyen d'une villa attribuée à Alexandre Djouhri, homme d'affaires proche de Nicolas Sarkozy.
L'enquête s'intéresse également à l'origine d'un virement de 500.000 euros perçu par Claude Guéant, ex-secrétaire général de l’Élysée, en mars 2008. Il avait expliqué avoir vendu deux tableaux à un avocat malaisien, sans convaincre les juges qui l'ont mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale.
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