Grève SNCF : Macron se planque
La reforme de la SNCF, et son corollaire, la grève, sont le premier vrai test social du quinquennat d'Emmanuel Macron, on le sait. Et cela se confirme avec le très net durcissement du mouvement des cheminots que constatent les usagers ce mardi 3: les employés du train ne se laisseront pas réformer sans combattre. L’occasion pour Emmanuel Macron de bomber le torse et de réaffirmer son autorité? Que nenni, le président se fait même particulièrement discret sur le sujet.
Dès le début, Edouard Philippe a ainsi été soigneusement laissé seul en première ligne par son patron. L’annonce de la réforme? C’était le Premier ministre. La conduite des concertations? Lui encore. Idem pour les prises de paroles dans les médias, qui ont été dispatchées entre le locataire de Matignon et ses ministres des Transports Elisabeth Borne, de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin. Il a même été fait appel à la caution écolo (le train ne l’est-il pas?) Nicolas Hulot.
Point de président pour ce parler franc qu’il dit pourtant affectionner. Point de Jupiter pour lancer la foudre, dire qu'il ne "cédera rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques". Le chef de l'Etat s'est pourtant bien fait entendre ces derniers jours, recevant les Kurdes syriens, préparant sa réforme des institutions ou encore annonçant une école bientôt obligatoire dès trois ans. Tout comme il a très justement rendu un grand hommage au héros Arnaud Beltrame et à Mireille Knoll. Mais le constat reste vrai: rien sur la SNCF, et ce depuis des semaines.
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Il faut dire qu’il n’y a que des coups à prendre. Les Français sont ainsi attachés au service public du train et se révèlent plutôt -voire très- satisfaits de sa qualité (même si le Transilien récolte à peine la moyenne), comme le révèle un tableau de bord confidentiel réservé aux membres du conseil d'administration de la SNCF révélé par Libération (source). Les comptes de l'entreprise sont eux aussi au vert, avec des bénéfices en hausse, une compétitivité qui se tient et un prix pour les usagers bien en-dessous de ce que pratiquent nos voisins européens, comme le détaille le rapport Spinetta (à lire ici, page 25 pour les prix et à partir de la page 100 pour la compétitivité).
Une tentative de réforme de la SNCF a en outre déjà fait tomber un gouvernement, pourtant "droit dans ses bottes" et lui aussi partisan du bras de fer. C'était il y a plus de 20 ans, en 1995, certes, mais la mobilisation des cheminots soutenue par la population est une lame qu'aucun pouvoir politique ne semble en mesure de briser. D'autant que, une fois n'est pas coutume, les syndicats sont unis dans la lutte, créant un puissant rapport de force. Preuve en est la première reculade annoncée vendredi 30 par Elisabeth Borne: le recours aux ordonnances pour réformer la SNCF est abandonné.
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A l'inverse, si l'on ne peut gouverner contre son peuple, impossible pour des agents du service public de "prendre en otage" des usagers ulcérés. C'est pourquoi l'exécutif -qui se garde bien de le dire toutefois- tente d'orienter l'opinion contre cette "gréviculture" supposément d'un autre temps. Comme si s'abriter derrière son Premier ministre dans la tempête n'était pas une méthode usée de "l'ancien monde"...
Avec la réforme de la SNCF -et bien que se tenant soigneusement à l'écart-, Emmanuel Macron joue sa crédibilité. Il doit tenir sous peine de voir réduite à néant sa capacité à réformer la France, cette promesse sur laquelle il a été élu président de la République. D'autant qu'une autre grande bataille sociale s'annonce déjà, encore plus importante: celle des retraites, annoncée pour fin 2018.
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