Grèves : Macron le réformateur face à son premier vrai test

Auteur(s)
Pierre Plottu
Publié le 22 mars 2018 - 12:14
Image
Le président français Emmanuel Macron lors d'un point de presse avec le Premier ministre québécois, le 5 février 2018 à Paris
Crédits
© GONZALO FUENTES / POOL/AFP/Archives
Emmanuel Macron semble laisser son Premier ministre Edouard Philippe "monter au front" face à la colère des cheminots.
© GONZALO FUENTES / POOL/AFP/Archives
Après une réforme plutôt aisée du code du travail durant l'été 2017, Emmanuel Macron se retrouve en ce printemps 2018 face à un vrai test avec la réforme de la SNCF.

Il en faut souvent très peu pour que la mayonnaise prenne... ou pas. C'est à cet embranchement que se trouve à ce moment précis Emmanuel Macron: que la colère des cheminots et des fonctionnaires, deux corps en grève et dans la rue ce jeudi 22,  s'agrège et se renforce, sans qu'il y ait nécessairement besoin d'une hypothétique "convergence des luttes" avec le privé, et il devra reculer. Dans le cas contraire il aura le champ libre pour mener son calendrier de réformes ultra-chargé.

A lire: Grève SNCF, le Transilien très perturbé

Or la première hypothèse, celle d'un printemps social, est loin d'être acquise. Les centrales syndicales elles-mêmes restent mesurées malgré l'importance du début de la mobilisation des cheminots (le trafic des trains est presque à l'arrêt ce jeudi). La "grève perlée" des prochains mois, si elle est une réussite, pourrait tout autant fédérer les Français contre les syndicats que contre un exécutif qui serait perçu comme jusqu'au-boutiste.

Preuve en est peut-être la relative absence d'Emmanuel Macron du devant de la scène. Très présent l'été dernier lors de la réforme du code du travail, la "loi Macron II", le président se faisait martial, à coups de déclarations choc ("je ne céderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes") et légiférant "à la hussarde" par ordonnance.

Sauf que le contexte était bien différent alors. Le texte arrivait quelques mois seulement après une première loi du même type s'étant soldée par une victoire du duo Hollande-Valls. A un chef de l'Etat jouant son image de réformateur et la crédibilité de son début de mandat s'opposait, seule, une gauche contestataire jouant son statut d'opposant de premier plan et voulant remobiliser ses troupes après avoir échoué à se qualifier pour le second tour de la présidentielle.

En ce printemps 2018, rien de tout ça. Cette fois la gauche est unie et, surtout, l'intersyndicale SNCF va des centrales les plus "dures" à celles étiquetées "réformistes" et "pragmatiques". Un front uni. De même chez les fonctionnaires où les trois fonctions publiques sont mobilisées pour la défense de leur pouvoir d'achat et de leurs conditions de travail.

Ces luttes convergeront-elles au-delà du symbolique (les cortèges de cheminots et fonctionnaires doivent se rejoindre ce jeudi place de la Bastille)? L'avenir le dira, bien que cette hypothèse ne semble pas la plus probable tant les intérêts divergent. Le mouvement des agents du public -que sont aussi les cheminots- sera-t-il rejoint par le privé? La réponse semble cette fois clairement "non", en l'absence de réforme ou mesure s'attaquant aux droits des salariés du privé. L'hypothèse d'une grogne plus généralisée basée sur un ras-le-bol fiscal a aussi été déminée avec l'annonce d'une "correction" de la réforme de la CSG pour 100.000 ménages, essentiellement des retraités, mardi 20.

Lire aussi: Cheminots et fonctionnaires convergent dans la rue contre les réformes du gouvernement

Emmanuel Macron aurait-il donc déjà gagné? Encore une fois rien n'est moins sûr, tout se jouera sur la détermination des cheminots principalement car ils jouissent d'une capacité de nuisance sans commune mesure avec celle des autres fonctionnaires. Et ça le président le sait comme le prouve donc sa relative absence du débat public. Il laisse ainsi à son Premier ministre les manettes médiatiques, contrairement à son habitude du début du quinquennat, et enchaîne plutôt les sorties sur la francophonie, sujet hautement stratégique... Gagneur mais pas joueur le président?

A voir. Le couple exécutif joue peut-être aussi une autre partition car une réforme peut en cacher une autre. Après la réforme de la SNCF, c'est aux retraites qu'Emmanuel Macron entend s'attaquer. Un sujet bien plus explosif car touchant cette fois à une part bien plus large de la population, si ce n'est son ensemble. S'agirait-il ainsi de "fatiguer" les syndicats dans un premier temps pour mieux les prendre de vitesse ensuite? Si c'était le cas, attention à ce que ce "printemps de lutte" ne soit pas plutôt un round d'observation.

À LIRE AUSSI

Image
Le Premier ministre français Edouard Philippe à l'Assemblée nationale, le 14 mars 2018
Réformes : Philippe met l'accent sur l'application concrète et les "résultats"
Edouard Philippe a mis l'accent dimanche sur le besoin du gouvernement de bien appliquer "dans le détail" les réformes lancées depuis l'élection d'Emmanuel Macron, afi...
18 mars 2018 - 19:22
Image
Emmanuel Macron lors de son discours pour la Journée de la Francophonie à Paris, le 20 mars 2018
Macron veut faire d'un château de l'Aisne le "laboratoire de la francophonie"
Le château de Villers-Cotterêts, petite ville de l'Aisne à la riche histoire, va devenir "un laboratoire de la francophonie", a annoncé mardi Emmanuel Macron dans son ...
20 mars 2018 - 22:38
Image
Emmanuel Macron au Centre de formation des apprentis (CFA) des Compagnons du devoir et du Tour de France à Tours, le 14 mars 2018
Interpellé par des retraités, Macron "assume"
Interpellé mercredi par des retraités se plaignant de la baisse de leurs revenus, Emmanuel Macron leur a répondu qu'il "assumait" ses réformes et demandé "un effort po...
14 mars 2018 - 22:37

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Les dessins d'ARA

Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.