Impôts en Corse : la Cour des comptes dénonce une gestion "obsolète" et "défaillante"
"L'État a laissé perdurer en Corse des dérogations à la règle générale parfois contraires à la loi, à la réglementation européenne et au principe général d'égalité devant l'impôt", dénonce l'institution de la rue Cambon dans un rapport au vitriol rendu public ce lundi 12.
Dans le viseur des magistrats financiers, les dispositions permettant des exonérations de taxes indirectes, à l'image de la dérogation appliquée aux alcools et aux métaux précieux. Ce dispositif, appliqué en vertu d'un décret dit "impérial" promulgué le 24 avril 1811 par Napoléon Bonaparte, "a perdu toute raison d'être", s'agace la haute Cour, pour qui "les éléments" qui justifiaient ce régime d'exception voilà 200 ans ont aujourd'hui "disparu".
Plus grave encore aux yeux de l'institution présidée par Didier Migaud, certains impôts, qui au regard de la loi devraient être perçus, ne sont pas prélevés par l'administration, en vertu de "décisions ministérielles" parfois "dépourvues de bases légales".
C'est le cas de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) sur les vins produits et consommés en Corse, en raison "d'un simple propos tenu par le ministre de l'Economie et des Finances" à l'Assemblée nationale en 1967, qui "n'a jamais été confirmé par aucun texte de nature à lui donner une quelconque portée juridique".
C'est également le cas de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR), appliquée "aux véhicules immatriculés en Corse circulant sur le continent" mais "pas à ceux qui ne circulent que dans l'île", selon la Cour des comptes, qui évalue à 78 millions d'euros le coût de ces multiples dérogations pour l'Etat français.
Contacté par l'AFP, le président du conseil exécutif de Corse Gilles Simeoni a dénoncé les conclusions de ce rapport, qui contribue, selon lui, "à véhiculer l'idée reçue selon laquelle la Corse", où "des lois coloniales ont contribué à anéantir le tissu économique", "bénéficierait de privilèges fiscaux indus".
"Cette idée reçue est totalement infondée", estime le leader nationaliste, favorable à "une fiscalité qui tienne compte de considérations objectives, et notamment de l'insularité, et par exemple du désordre foncier en matière de fiscalité du patrimoine".
Au-delà de ces mesures dérogatoires, les magistrats s'inquiètent néanmoins de "défaillances" plus globales dans le recouvrement des prélèvements obligatoires, inférieur dans les départements corses à ceux enregistrés sur le reste du territoire métropolitain.
En cause, le manque de fiabilité des fichiers de contribuables particuliers, mais aussi les taux comparativement faibles de respect des obligations déclaratives dans l'île de Beauté - la Corse-du-Sud et la Haute-Corse se classant sur ce point aux 89e et 90e rangs des départements français.
"Les résultats sont aussi parmi les plus faibles de France en matière de recouvrement des créances fiscales", souligne enfin le rapport, qui attribue ce phénomène au fait "que la stratégie de contrôle fiscal en Corse repose essentiellement sur des contrôles sur pièces, notamment pour des raisons d'éloignement géographique".
Pour "mettre fin à cette situation", les magistrats formulent six propositions, dont une application stricte des pénalités en cas de non-respect des obligations déclaratives et une hausse des contrôles fiscaux, pour atteindre la moyenne française "à l'horizon de trois années".
Des recommandations que le ministre des Finances Michel Sapin et le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert assurent mettre d'ores et déjà partiellement en œuvre, dans une réponse écrite au rapport.
"Le civisme déclaratif, même s'il est légèrement en retrait par rapport à la moyenne nationale, est en augmentation depuis 2012", soulignent les ministres, qui précisent avoir renforcé en 2016 les effectif de la direction de contrôle fiscale de quatre inspecteurs.
Quant aux mesures dérogatoires dont bénéficie l'île de Beauté? "Nous sommes attachés à une application homogène de la loi fiscale sur l'ensemble du territoire", soulignent MM. Sapin et Eckert. Tout en évoquant "les spécificités du tissu local" liées à "la faiblesse des revenus déclarés", parmi "les plus bas de France"...
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