Jordan Bardella évoque le "Grand remplacement" sans le nommer
Mercredi 15, Jordan Bardella -invité sur BFM pour débattre face à Nathalie Loiseau– a expliqué que la France était sous la menace d'une "bombe démographique" venue d'Afrique. Une rhétorique qui colle parfaitement à la théorie du "Grand remplacement" dont le Rassemblement national refuse explicitement de se revendiquer.
Il n’a pas prononcé le nom, mais son argumentaire s’inscrivait sans ambiguïté dans la filiation du concept. Jordan Bardella, tête du liste du Rassemblement national aux européennes du 26 mai, et opposé à Nathalie Loiseau (LREM) lors d’un débat sur BFMTV mercredi 15, a évoqué "la bombe démographique" que représenterait selon lui "le continent africain", emboîtant ouvertement le pas à la théorie dite du "Grand remplacement".
Pour le jeune candidat, il faut absolument "rétablir des portes à la maison France" et "couper le robinet" de l’immigration, le risque étant ouvertement démographique et donc lié à une présence phyique trop grande d’Africains en France.
L'idée du "Grand remplacement", théorisée par l’essayiste Renaud Camus (qui est aussi candidat sur sa propre liste aux européennes) estime que les "blancs" d’Europe sont en train d’être remplacés, au sens numérique du terme, par une immigration extra-européenne, et le fond culturel chrétien européen se voit lui, petit-à-petit, supplanté par l’islam. Autre élément capital de cette théorie: ce remplacement n’est pas une évolution naturelle mais est organisé par le pouvoir politique, ou pour certains par un "complot juif mondial". La théorie s’accompagne enfin d’un vocabulaire emprunté à d’autres périodes historiques et dont le sens est retourné, voire manipulé à dessein: "colonisation", "occupation" ou "génocide" viennent ainsi parsemer les écrits du théoricien.
Mais le concept est largement sorti du seul cadre du français ou de sa liste promise pour l’instant à un score très faible au scrutin, et a largement essaimé dans de larges franges de l’extrême droite. Au point de connaître une triste renommée mondiale avec l’attentat de Christchurch le 15 mars 2019, lors duquel Brenton Tarrant tuera 51 musulmans dans deux mosquées de la ville.
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Le jeune assassin (28 ans) a laissé derrière lui un manifeste précisément intitulé Le Grand remplacement (The Great Replacement en version originale), directement inspiré de son voyage en France où il a pu, selon sa grille de lecture, constater "l’invasion de la France par des non-blancs". C’est aussi la théorie du "Grand remplacement" qui inspire une partie de l’extrême droite néo-nazie des Etats-Unis –dont Robert Bowers qui a abattu 11 personnes dans une synagogue de Pittsburgh en 2018- un pays où 73% des violences homicides extrémistes sont le fait de radicaux de droite comme le rappelle Nicolas Lebourg dans Les Nazis ont-ils survécu (Seuil).
Mais Jordan Bardella reste prudent. S’il n’a pas été sollicité directement sur le plateau sur sa filiation avec la théorie, il avait questionné par Jean-Jacques Bourdin mercredi 20 mars sur BFM et RMC. Le jeune candidat avait botté en touche en disant qu’il estimait qu’il s’agissait d’"un slogan d’intello". Une manière pour lui d’évacuer à la fois son concepteur –qui pourrait prendre des voix au Rassemblement national–, et les actes violents qui y sont liés, qui discréditerait un parti qui se veut dédiabolisé et espère finir en tpête aux élections européennes du 26 mai. Mais gommé la forme, le fond du discours tenu mercredi sur BFMTV est le même: la menace est démographique et ethnique, et le danger est en cours de réalisation.
Voir aussi:
"Grand remplacement": quand Marion Maréchal reprend la théorie lâchée par Marine Le Pen
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