La France va-t-elle partager son siège au Conseil de sécurité de l'Onu avec l'Allemagne ?
Haro dans les rangs des souverainistes français. De l'extrême droite à l'extrême gauche, on s'étrangle depuis mercredi 28 après la proposition du ministre allemand des Finances à la France d'abandonner son siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies au profit de l'Union européenne.
"Si nous prenons l’Union européenne au sérieux, l’UE devrait également parler d’une seule voix au sein du Conseil de sécurité des Nations unies (…) À moyen terme, le siège de la France pourrait être transformé en siège de l’UE", a affirmé le vice-chancelier allemand Olaf Scholz. La proposition, qui s'accompagne d'une contrepartie -le poste de chef de la délégation de l'Union Européenne auprès des Nations unies reviendrait de manière permanente à un Français- n'a pas manqué de faire réagir.
L'ancien député des Français de l'étranger Thierry Mariani, pressenti pour intégrer la liste Rassemblement national aux Européennes, s'est insurgé sur Twitter: "JAMAIS !! Céder notre siège permanent au Conseil de Sécurité à l’Union Européenne, incapable d’avoir une politique étrangère claire et indépendante, serait une faute historique". Même son de cloche chez Paul-Marie Coûteaux, un haut-fonctionnaire proche du RN, sur le même canal: "Depuis 2 mois je tire ici la sonnette d’alarme: après avoir lâché la francophonie, Macron s’apprête à lâcher à l’Allemagne, sous couvert d’Europe, le siège français à l’ONU, et AUSSI l’arme nucléaire française. CELA NE LUI APPARTIENT PAS!".
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"Autant dire qu'ainsi l'Allemagne disposerait du siège de la France au Conseil de sécurité des Nations-Unies. Gravissime annexion", a commenté Charlotte Girard, coresponsable du programme de la France insoumise. Jean-Luc Mélenchon a lui dénoncé une "inacceptable proposition allemande".
Cette proposition apparaît comme une manière pour les responsables allemands de répondre aux critiques récurrentes dont ils font l’objet sur leur timidité et leur manque d’audace dans les propositions de relance du projet européen. Elle s'inscrit également dans une offensive diplomatique de longue date de l'Allemagne qui milite fermement pour une réforme du Conseil de sécurité. En effet l'Allemagne mais aussi l'Inde, le Japon et le Brésil s'estiment lèsés d'un siège permanent auquel ils auraient selon eux légitimement droit en raison de leur poids économique ou démographique.
Pour autant, la récente proposition d'Olaf Scholz semble dans les faits difficilement envisageable. D'une part, la France n'a jamais fait de déclaration dans ce sens et ne semble pas tout à fait prête à lâcher son précieux droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies, dont elle est la seule à jouir au sein de l'Union européenne depuis que les Royaume-Uni a enclenché le Brexit.
A noter également qu'une telle proposition est contraire à la Charte des Nations unies qui régit le fonctionnement de cette institution. En effet, elle stipule que seuls des Etats peuvent être membres de l'Onu. L'Union européenne jouit, certes, d'un statut particulier (observateur) mais n'est pas membre à part entière de l'institution. La Charte définit également la composition des membres permanents du Conseil de sécurité. Pour en changer, il serait nécessaire d'amender le texte, ce qui a déjà été fait par le passé mais semble difficilement réalisable dans le cas présent.
Il pourrait également s'agir d'un contrefeu allumé par Angela Merkel en réponse aux dernières déclarations d'Emmanuel Macron au sujet de l'Union européenne dans lesquelles le président français mettait clairement la pression sur Berlin.
Tant Emmanuel Macron qu'Angela Merkel soutiennent l'idée à terme d'une armée européenne, en dépit des vives critiques du président américain Donald Trump, qui y voit une concurrence pour l'Otan. Mais sur les autres sujets l'harmonie franco-allemande est moins évidente. C'est le cas par exemple d'un autre dossier prioritaire d'Emmanuel Macron, la création d'un budget de la zone euro pour soutenir l’investissement. Paris et Berlin divergent actuellement sur un autre projet porté en Europe par Emmanuel Macron, la taxation des géants de l'internet, les Gafa.
La France voudrait qu'une décision soit prise par l'Union européenne dès décembre, et a récemment averti qu'un refus de l'Allemagne serait perçu comme "une rupture de confiance". Angela Merkel, elle, craint un retour de bâton des Etats-Unis contre les entreprises allemandes et préfère repousser toute initiative européenne à 2021.
Avec une proposition aussi choc que celle de la cession du siège permanent du Conseil de sécurité de l'ONU de la France en faveur de l'Union européenne, la diplomatie allemande est sûre de provoquer un débat publique dans l'Hexagone et permet à Angela Merkel de gagner du temps sur les autres points d'achoppement.
Voir:
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