La réforme de la procédure pénale en Conseil des ministres

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 03 février 2016 - 10:23
La réforme sera proposée en même temps qu'une nouvelle prolongation, jusqu'à fin mai, de l'état d'urgence.
Censé renforcer l'arsenal antiterroriste de la justice en dehors de l'état d'urgence, le projet de la réforme de la procédure pénale est présenté ce mercredi en Conseil des ministres. De nombreux magistrats dénoncent une fuite en avant sécuritaire et une atteinte aux libertés individuelles.

Critiqué par les plus hauts magistrats de France qui évoquent une justice "affaiblie", le projet de réforme de la procédure pénale présenté ce mercredi 3 février en Conseil des ministres entend renforcer de façon pérenne l'arsenal antiterroriste en dehors de l'état d'urgence.

Pour ses opposants, ce texte, dans le prolongement des précédentes lois sur le renseignement et de lutte contre le terrorisme, vise tout simplement à pérenniser une bonne part des mesures d'exception de l'état d'urgence décrété après les attentats parisiens du 13 novembre. Ils dénoncent donc une fuite en avant sécuritaire, une atteinte aux libertés individuelles avec une marginalisation des juges indépendants et garants de l'équité de la procédure pénale, au profit du parquet et surtout du préfet, liés au pouvoir politique.

Ses partisans, notamment les syndicats de policiers, saluent au contraire des dispositions nécessaires pour lutter contre le terrorisme, arguant de la nécessité d'aller vite pour être efficace.

Parmi les principales mesures figurent l'assouplissement des règles d'engagement armé des forces de l'ordre au-delà de la légitime défense, le renforcement du contrôle administratif des personnes de retour du djihad et l'instauration, après un contrôle d'identité, d'une possible rétention de quatre heures pour vérifier la situation d'un suspect.

L'élargissement de la possibilité pour les forces de l'ordre de fouiller des bagages et des véhicules, sous l'autorité du préfet, et de mener des perquisitions de nuit, dans le cadre d'enquêtes préliminaires du parquet, est aussi prévu.

A l'origine, le texte du ministère de la Justice avait surtout pour vocation d'accroître les garanties dans le cadre de la procédure pénale, avec un accès au dossier pour les avocats, conformément aux exigences constitutionnelles et européennes, et une simplification de la procédure.

Mais, après les attentats de novembre, une douzaine de dispositions émanant des ministères de l'Intérieur et des Finances sont venues l'enrichir, selon la Chancellerie.

Or, en même temps que montaient les critiques contre l'état d'urgence, le premier président de la Cour de cassation, Bertrand Louvel, a, en janvier, exprimé tout haut l'inquiétude de l'ensemble de l'institution.

"Pourquoi l'autorité judiciaire est-elle ainsi évitée?", a-t-il demandé, tandis que le procureur général, Jean-Claude Marin, mettait en garde contre la tentation d'opposer la légèreté supposée des mesures administratives à la "lourde machine judiciaire".

Enfonçant le clou, Bertrand Louvel et les premiers présidents de cours d'appel ont déploré lundi 1er dans une déclaration commune solennelle et inédite de voir la justice "affaiblie" par les réformes en cours et ont réclamé une reconnaissance de l'autorité judiciaire dans son rôle "de garant de l'ensemble des libertés individuelles".

Lors de ses voeux aux forces de sécurité, le président François Hollande avait souligné que toutes les mesures du projet de loi seraient "placées sous le contrôle du juge". Mais sans préciser qu'il s'agissait souvent d'un juge administratif.

"C'est le juge judiciaire qui est le vrai gardien des libertés fondamentales car il apprécie en amont la pertinence d'une mesure coercitive, contrairement au juge administratif qui la contrôle a posteriori", tranche Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l'Homme (LDH).

Quant au juge des libertés et de la détention (JLD), appelé à contrôler d'autres mesures coercitives, le syndicat de la magistrature (SM) estime qu'il "ne constitue pas" non plus "une garantie suffisante" car il devra statuer "en urgence" sans avoir "une connaissance exhaustive du dossier".

Avant son départ du gouvernement mercredi dernier, l'ex-garde des Sceaux Christiane Taubira avait convenu qu'il "n'allait pas de soi que le contrôle des mesures coercitives soit confié presqu'exclusivement, quand il y en a un, aux juridictions administratives".

Son successeur Jean-Jacques Urvoas, qui défendra le texte à l'Assemblée nationale, s'est refusé sur son blog à opposer les institutions judiciaires et administratives qui, dit-il, ont toujours su "rester à l'écoute" et "s'enrichir mutuellement".

La réforme sera présentée en même temps qu'une nouvelle prolongation, jusqu'à fin mai, de l'état d'urgence, dispositif que le gouvernement entend également inscrire dans le marbre de la Constitution.

 

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