La revanche de François Fillon, l'éternel second
François Fillon, longtemps cantonné au rôle de lieutenant de Philippe Séguin puis de Nicolas Sarkozy, peut enfin espérer jouer le tout premier rôle après sa nette victoire au premier tour de la primaire de la droite. N'allez pas lui parler de revanche. Ni sur le couple sondages-médias qu'il a habilement brocardé avant de faire voler en éclats le duel annoncé Juppé-Sarkozy. Ni sur l'ancien président lui-même qui l'abaissa au rang de "collaborateur" mais dut se résoudre à le conserver à Matignon pendant cinq ans. Homme discret et orgueilleux, constant et "inénervable", François Fillon, 62 ans, s'est simplement émancipé.
Nombreux furent ses soutiens à désespérer de vivre un jour ce moment. Qui en début d'année encore l'exhortaient publiquement à "lâcher les chevaux". Le surnom "courage, Fillon" collait aux basques de ce Sarthois, fils de notaire et passionné de sports automobiles, dont on attendait tant depuis le retrait de la scène de son mentor Philippe Séguin en 2001. Celui qui aurait fait "un bon ministre de la Défense s'il n'avait pas été balladurien" en 1995 (Jacques Chirac), qui étala sa rancœur après son éviction du gouvernement en 2005 ("De Chirac on ne retiendra rien, sauf mes réformes"), qui œuvra largement à la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007 avant d'endurer son "hyperprésidence" pendant cinq ans, a longtemps fait figure de victime idéale.
Ultime épisode de la série: sa défaite fin 2012, dans des conditions très controversées, face à Jean-François Copé dans l'élection interne pour la présidence de l'UMP.
Mais en allant jusqu'à créer une scission au sein du groupe parlementaire (l'éphémère "R-UMP") et surtout en obtenant, comme prix de la paix armée, la garantie de l'organisation d'une primaire, l'ancien Premier ministre ne s'est cette fois-ci pas laissé faire. Il n'a pas non plus hésité à planter la première banderille de la campagne, lançant au visage de Nicolas Sarkozy, depuis son fief de la Sarthe: "qui imagine le général de Gaulle mis en examen". Les succès d'édition de ses deux livres de campagne ("Faire" et "Vaincre le totalitarisme islamique", Albin Michel), des prestations remarquées lors des émissions et des débats télévisés, et la lente érosion du phénomène Juppé ont fait le reste.
S'il s'est plu à brocarder les médias, M. Fillon, marié à une Franco-Galloise quasi inconnue et père de cinq enfants, n'a pourtant jamais aimé la lumière. Fils d'un notaire et d'une historienne, aîné de quatre garçons, François Fillon est né au Mans le 4 mars 1954. En 1976, Joël Le Theule, député-maire de Sablé-sur-Sarthe, propose au jeune diplômé de droit public d'être son assistant parlementaire. M. Le Theule devient ministre. A sa mort en 1980, M. Fillon lui succède à Sablé, puis devient en 1981 le benjamin à l'Assemblée où il sera constamment réélu avant de trouver refuge dans une circonscription parisienne en 2007.
En 1993, il accède au gouvernement en devenant ministre de l'Enseignement supérieur. Malgré son soutien à Edouard Balladur, il est de tous les gouvernements de droite de 1995 à 2005, des technologies de l'Information à l'Education nationale. Fin politique selon certains, il est opportuniste pour d'autres. Longtemps tenant du gaullisme social, il présente désormais le programme le plus libéral, voire thatchérien. Et s'amuse de ce qualificatif qu'on lui colle "comme on peignait, au Moyen-Age, des croix sur les portes des lépreux".
Lui jure n'avoir qu'une obsession, "la souveraineté nationale" et sa place sur la scène mondiale qui le pousse à hausser le ton contre les Etats-Unis et à prôner un rapprochement avec la Russie. A lui désormais d'enfiler son nouvel habit de numéro un. A ses soutiens vendredi au Palais des Congrès de Paris, il promettait que le vainqueur de la primaire atterrirait "dans six mois à l'Elysée".
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