La révision constitutionnelle, allégée, présentée en conseil des ministres
L'exécutif dévoile ce mercredi 23 en conseil des ministres son "projet de loi constitutionnelle de protection de la nation", dont le seul objet devrait être l'inscription de l'état d'urgence dans la Constitution, après l'abandon selon toute vraisemblance de la déchéance de nationalité.
Le gouvernement présentera par ailleurs son "projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et son financement, l’efficacité et les garanties de la procédure pénale". Devrait notamment y figurer l'autorisation des perquisitions de nuit dans certaines circonstances.
Le gouvernement l'avait laissé entendre depuis une semaine, Christiane Taubira l'a affirmé à l'occasion d'un déplacement en Algérie: le projet de révision constitutionnelle "ne retient pas" la déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour acte de terrorisme, une mesure très critiquée à gauche ces dernières semaines.
"Très sérieusement, je pense que cette déchéance de nationalité sur des personnes nées françaises, donc qui appartiennent depuis leur naissance à la communauté nationale, ça pose un problème de fond sur un principe fondamental qui est le droit du sol", a-t-elle expliqué à la radio algérienne Chaîne-3. Son entourage a toutefois indiqué mardi soir que le texte n'était "pas totalement calé, pas bouclé". "C'est l'orientation mais les calages sont en train de se faire, la question sera tranchée durant la nuit et la décision annoncée demain", a-t-on fait savoir.
La garde des Sceaux a-t-elle malencontreusement dévoilé trop tôt l'arbitrage gouvernemental? Le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll avait affirmé mardi matin que la décision du chef de l'Etat ne serait annoncée que mercredi. L'Elysée s'est refusé mardi à tout commentaire. Une conférence de presse est prévu à l'issue du conseil des ministres. Le Premier ministre devrait être entouré, outre Mme Taubira et M. Le Foll, des ministres des Finances Michel Sapin et de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.
Ce renoncement, s'il était confirmé, pourrait dissuader la droite d'approuver la réforme constitutionnelle promise par François Hollande le 16 novembre devant les parlementaires réunis en Congrès.
"Si tel était le projet présenté demain (mercredi, NDLR), je ne vois pas comment les Républicains pourraient voter une telle réforme de la Constitution, qui ne serait qu'une coquille vide", a réagi mardi auprès de l'AFP le numéro-2 des Républicains Laurent Wauquiez. La droite, inspiratrice de la mesure de déchéance de la nationalité, avait été contrainte de reconnaître l'habileté du chef de l'Etat lors du Congrès, mais son revirement lui offre une bonne occasion de dénoncer ses "reniements".
La probable volte-face du chef de l'Etat pourrait mécontenter jusque dans les rangs du gouvernement. "A titre personnel, je pense que (la déchéance de nationalité) est une bonne décision (...). Je pense qu'il ne faut pas y renoncer", avait confié lundi la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal. Mardi matin, deux des proches du chef de l'Etat, le président du groupe PS à l'Assemblée Bruno Le Roux et l'avocat Jean-Pierre Mignard, ont suggéré une porte de sortie, en proposant de substituer une peine d'indignité nationale à la déchéance de nationalité. Cette peine avait été proposée par la droite en avril à l'Assemblée mais rejetée par la majorité.
Reste l'autre volet de la réforme: l'inscription de l'état d'urgence dans la Constitution, qui ne fait pas non plus l'unanimité. Me Mignard, à l'instar de nombreux juristes, a fait part de ses réserves et affirmé qu'il préférait "renvoyer l'état d'urgence à une loi organique". "Si on (inscrit) l'état d'urgence dans la Constitution, qu'est-ce qui empêche de modifier la loi sur l'état d'urgence et de l'aggraver? Il y a peut-être une solution, c'est de renvoyer l'état d'urgence à une loi organique, c'est-à-dire (que) ses modifications se font avec l'avis du Conseil constitutionnel", a-t-il souligné.
Le Conseil d'Etat s'est de son côté déjà déclaré contre le dispositif de sortie progressive ("en sifflet", dit le gouvernement) envisagé par l'exécutif. Celui-ci prévoit que les mesures prises sous le régime de l'état d'urgence, notamment les assignations à résidence d'individus considérés comme dangereux, puissent durer jusqu'à six mois supplémentaires.
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