Le classement de l’hydroxychloroquine sur la liste II des substances vénéneuses empêche sa vente libre. Trois ministres ont-ils tout dit ?

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FranceSoir
Publié le 24 octobre 2020 - 16:10
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Trois ministres et le plaquenil
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Le classement de l’hydroxychloroquine sur la liste II des substances vénéneuses empêche sa vente libre. Trois ministres ont-ils tout dit?
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La première action influençant la décision d’achat d’hydroxychloroquine intervient le 13 janvier 2020 avec le classement de l’hydroxychloroquine sur la liste II des substances vénéneuses. Jusqu’ici, le médicament était en vente libre, désormais il ne peut être délivré que sur ordonnance.

Il a été affirmé que cette décision ne pouvait pas être imputée à la ministre de la Santé de l’époque s’agissant d’une procédure engagée en 2018 par le laboratoire Sanofi, fabricant des spécialités Nivaquine® et Plaquénil. Il est prétendu que Sanofi souhaitait obtenir un alignement des statuts de ce deux spécialités en ce qui concerne leur délivrance (avec ou sans ordonnance). L’intérêt de Sanofi à requérir une telle modification laisse dubitatif.

En effet, cette position ne résiste pas à la lecture de certains documents officiels.

A la suite d’une notification par les autorités japonaises en 2015-2016 d’un potentiel effet génotoxique de la primaquine durant la grossesse et dans l’hypothèse d’un effet de classe pour des molécules qui en sont les dérivées, Sanofi a procédé à une revue de la littérature médicale et de sa base de pharmacovigilance pour la chloroquine (Nivaquine®). Le laboratoire a alors déposé une demande de modification du RCP pour la rubrique « fertilité/grossesse/allaitement » auprès du groupe de travail de l’ANSM en séance du 21 juin 2018. L’ANSM a refusé la modification du Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) visant à être plus rassurante considérant qu’il n’existe pas assez de données.

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Une seconde demande similaire était formulée quelques mois plus tard par Sanofi pour l’hydroxychloroquine (Plaquénil®) et étudiée par le groupe de travail de l’ANSM en séance du 1er octobre 2018. Alors que le laboratoire entendait démontrer que la spécialité n’avait pas d’effet génotoxique significatif, l’ANSM a recommandé la modification du RCP pour déconseiller l’usage de l’hydroxychloroquine pendant la grossesse, qui ne l’était pas précédemment pour cette molécule.

Aussi, en réalité, Sanofi sollicitait une modification d’une section du RCP en ce qu’il déconseillait d’utiliser chloroquine ou hydroxychloroquine durant la grossesse. 

Contrairement à ce qui a pu être affirmé, Sanofi n’a jamais demandé l’alignement du statut de l’hydroxychloroquine sur celui de la chloroquine en ce qui concerne la nécessite d’une ordonnance pour la délivrance dudit médicament.

Au surplus, l’explication de la ministre révèle quelques incohérences au sujet de cette procédure. Elle affirme que le classement d’un médicament sur la liste II des substances vénéneuses est une procédure banale qui « arrive tous les jours » et qu’elle aurait donc suivi l’avis du 12 novembre 2019 de l’ANSES, résultat d’une procédure lancée en 2018, en prenant un arrêté 2 mois plus tard.

Or, l’ANSES n’est pas l’organisme qui évalue la toxicité de la molécule concernée. L’ANSES est uniquement consultée, de manière purement administrative, avant chaque inscription sur une liste pour vérifier si celle-ci n’a pas de conséquences sur les médicaments à usage vétérinaire. L’ANSES rend environ 3 à 4 avis par an sur le classement ou le déclassement d’un médicament sur la liste II des substances vénéneuses depuis 2013. Les listes I et II des substances vénéneuses font l’objet de modifications 5 à 6 fois par an.

Par conséquent, la procédure n’était pas à l’initiative de Sanofi et l’avis de l’ANSES est tout sauf déterminant dans cette décision de classement en liste II.

En outre, cette présentation s’affranchit d’une partie de l’histoire de la guerre anti-hydroxychloroquine qui ne date pas du Covid-19.

Dès 2004, plusieurs essais in vitro sur cellules humaines et in vivo sur animaux démontraient l’efficacité de la chloroquine sur les coronavirus, en 2005 sur le coronavirus du SARS. Les recherches avaient cessé avec la disparition pure et simple du SARS.

Pas plus à l’époque qu’en 2020, Sanofi, n’est monté au créneau pour défendre l’efficacité du vieux médicament. Et pour cause, celui-ci est tombé dans le domaine public et est désormais fabriqué par de nombreux laboratoires fabricants de génériques.

Mais, surtout, Sanofi s’était engagée dans la course au vaccin contre le SARS, une voie beaucoup plus prometteuse financièrement puisque le vaccin devait être breveté. D’ailleurs, Sanofi a annoncé qu’elle développerait un vaccin anti-Covid-19 sur la base de celui préparé pour le SARS.

Enfin, la synchronicité du classement sur la liste II alerte même si la procédure de classement avait été lancée quelques mois auparavant. En effet, le 9 janvier 2020, l’OMS annonce que l’origine des pneumonies atypiques est un coronavirus. Or, à cette date, il est connu que l’hydroxychloroquine a démontré son efficacité sur les coronavirus dans des essais in-vitro sur des cellules humaines. Étrange coïncidence, 4 jours plus tard, la ministre prend son arrêté.

 

L'ancienne ministre de la Santé n'a-t-elle pas tout dit? Et des ministres qui donnent des réponses vagues à la commission d'enquête

Ce 15 octobre, le domicile d'Agnès Buzin, Edouard Philippe, Olivier Véran, ainsi que Jérome Salomon ont été perquisitionné et leurs ordinateurs confisqués dans le cadre d’une information judiciaire ouverte par la Cour de justice de la République sur la gestion de la crise du covid-19. Leurs déclarations respectives lors des auditions par la commission d'enquête parlementaire ont manqué de précisions et n'auront pas convaincues beaucoup d'observateurs.  L'ancien premier ministre Edouard Philippe déclarant à propos des masques avoir déclaré leur inutilité car "des médecins lui avaient dit".  Les contradictions de l'actuel ministre de la Santé sont nombreuses et ce dernier vient d'être interpellé par Renaud Muselier président de la région PACA au sujet de la décision de l'ANSM de refuser une RTU (recommandation temporaire d'utilisation) à l'hydroxychloroquine, médicament hautement politisé qui ne semble donc pas faire l'objet de considérations équitables.  

Rappelons que dans sa politique de gestion de la crise du covid-19, Agnès Buzyn avait décidé de classer l’hydroxychloroquine sur la liste II des substances vénéneuses, le 13 janvier 2020 entrainant ainsi la fin de la vente libre de l’hydroxychloroquine quelques dizaines d’années après cette autorisation de vente libre.  De plus cela soumet ce médicament à prescription médicale. Lors de son audition par la commission d’enquête parlementaire le 30 juin 2020, Agnès Buzyn a déclarés que l’ANSM  « a dû recevoir des signalements d’accidents causés par l’hydroxychloroquine ».  Candice Vacle dans un article s’interroge : « en somme, Mme Buzin peut expliquer en partie, mais pas en totalité, la procédure administrative qui a conduit à ce que l’hydroxychloroquine ait été classée sur la liste II des substances vénéneuses. Et questionne que le fait que Mme Buzyn « n’est manifestement pas du tout intéressée de savoir pourquoi l’ANSM lui a demandé ce classement de l’hydroxychloroquine sur la liste II des substances vénéneuses. Elle n’a pas non plus vérifié l’avis de l’ANSES. A-t-elle une confiance aveugle dans l’ANSM et l’ANSES ? Pourtant « l’erreur » est humaine et le Lancetgate (sous le ministère d’O. Véran) aurait dû l’inciter à douter du fonctionnement des institutions de santé française. Ça sert à quoi d’être ministre si c’est pour obéir aux demandes de ses subalternes (ANSM) sans vérifier le bienfondé de leurs demandes ? »

Lors de son audition parlementaire, Mme Buzyn conclut son laïus sur sa décision de classer l’hydroxychloroquine sur la liste II des substances vénéneuses par cette phrase : « J’ai vu des théories complotistes circuler sur cet arrêté, mais il est pris le 12 janvier. À cette date, on compte cinquante cas en Chine, et un mort... ». Elle oublie de dire que la covid-19 est identifié officiellement depuis décembre 2019 en Chine ; que le 5 janvier 2020, l’OMS publie son premier bulletin sur les flambées épidémiques consacré au covid-19 ; et que le 10 janvier 2020, l’OMS publie un ensemble de conseils concernant le covid-19. Son argument ne tient, donc, pas debout.

Dans son article Candice Vacle conclut : devant les parlementaires Mme Buzyn, ne s’est donc pas expliquée sur le fond de sa décision de classer l’hydroxychloroquine sur la liste II des substances vénéneuses. Elle explique ignorer le motif fondateur de sa décision. Est-ce une bonne raison pour que sa décision de classer l’hydroxychloroquine sur la liste II des substances vénéneuses soit reconsidérée ? La supposition d’un risque génotoxique de l’hydroxychloroquine, est à considérer. Cette supposition est-elle toujours judicieuse en regard des nouvelles études scientifiques ?

Pour revenir à notre champion français, Sanofi a un partenariat avec Regeneron avec sa filiale SANOFIGENZYME.  Rappelons que Regeneron est le laboratoire ayant fourni un des traitements utilisés (anticorps monoclonaux) par le président américain Trump.  Sanofigenzyme et Regeneron auraient développé et en phase 3 d’essai, un produit alternatif à l’hydroxychloroquine : le DOPILUMAB et le SARILUMAB.  Ce médicament n’est pas sans rappeler le tocilizumab un médicament testé pour les formes graves de covid 19 mais initialement utilisé contre la polyarthrite rhumatoïde développé par Gilead puis vendu à Roche.  L’hydroxychloroquine étant dans le domaine public de longue date et donc ne rapportant plus rien, un des motifs de son classement aurait pu être pour laisser la place à une molécule plus rentable. De plus une baisse de la production, accouplée à une augmentation de la demande aurait permis un augmentation du prix. Sanofi est très silencieuse depuis le début de la crise à  ce sujet. La boucle médicale pourrait être bouclée.  Reste à savoir le rôle joué par les ministres respectifs et les autorités dans ces arrangements. 

Dès lors, la procédure de classement de l’hydroxychloroquine en liste II soulève des interrogations et nécessite d’être vérifiée. Les documents ne sont néanmoins pas accessibles au public.

 

https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2020/1/13/SSAP2001007A/jo/texte

https://www.liberation.fr/checknews/2020/03/21/agnes-buzyn-a-t-elle-classe-en-janvier-la-chloroquine-dans-les-substances-veneneuses_1782466

https://www.ansm.sante.fr/content/download/150993/1985361/version/1/file/CR_GT_RGA+19201803__Grossesse.pdf

https://www.ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/701d0e5c318b9eabe5884aebc19f892c.pdf

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9274792_5efb5229b90c2.impact-gestion-et-consequences-de-l-epidemie-de-coronavirus-Covid-19--mme-agnes-buzyn-ancienne-mi-30-juin-2020  3h28’10’’

https://www.anses.fr/fr/system/files/ANMV2019SA0175.pdf

https://www.anses.fr/fr/search/site/substances%20vénéneuses?page=10&iso1=fr&iso2=en&tri=0

https://www.legifrance.gouv.fr/affichSarde.do?reprise=true&fastReqId=16255572&idSarde=SARDOBJT000007105967&page=2

https://www.who.int/blueprint/priority-diseases/key-action/Table_of_therapeutics_Appendix_17022020.pdf?ua=1

https://virologyj.biomedcentral.com/articles/10.1186/1743-422X-2-69

http://courrier-arabe.com/coronavirus-sanofi-va-collaborer-avec-les-usa-pour-developper-un-vaccin/2020/02/20/

 

 

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