Le Sénat s'empare de la réforme constitutionnelle
Après six semaines de déchirements au sein de la gauche, l'Assemblée nationale avait choisi le 10 février d'ouvrir la déchéance à tous les Français coupables de terrorisme pour ne pas créer de discrimination, même si, de facto, seuls les binationaux pourraient être concernés.
Mais la commission des Lois du Sénat propose que la déchéance ne puisse concerner qu'une personne "disposant d'une autre nationalité que la nationalité française", inscrivant ainsi noir sur blanc l'interdiction de créer des apatrides.
Les sénateurs, qui voteront le texte le 22 mars, devraient suivre, à l'exemple de leur président, Gérard Larcher (LR) pour qui la création d'apatrides est "une ligne rouge". En revanche, l'ensemble de la gauche sénatoriale votera contre.
Mardi, Manuel Valls a déclaré espérer que le Sénat puisse se "mettre d'accord progressivement pour aboutir à une rédaction commune" de la disposition sur la déchéance de nationalité pour les terroristes.
"La menace terroriste n'a jamais été aussi présente. Partout dans le monde et bien sûr en France. La menace terroriste aujourd'hui elle est encore plus importante, plus lourde qu'avant le 13 novembre. Donc nous devons en permanence nous rappeler ce qui s'est passé", fait valoir le Premier ministre.
"J'espère du Parlement, de l'Assemblée nationale, elle l'a fait, et du Sénat, c'est que nous soyons capables de nous rassembler, sur à la fois le fait qu'on constitutionnalise l'état d'urgence et qu'on se mette d'accord sur cette idée de déchéance de nationalité" pour les terroristes, a-t-il poursuivi.
"Le Sénat ne veut pas bloquer" le projet de révision constitutionnelle, a toujours assuré Gérard Larcher en jugeant possible un Congrès si "un texte de synthèse" est trouvé avec l'Assemblée.
Mais pour le patron des sénateurs PS, Didier Guillaume, il faut se limiter à "une navette maximum" Assemblée-Sénat car "ça ne peut pas durer encore six mois".
Le texte doit être voté dans les mêmes termes par les deux chambres avant une éventuelle réunion du Congrès à Versailles qui doit encore le voter à une majorité des 3/5e.
"Le texte sorti en commission n'est pas pour nous acceptable", a averti de son côté Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État aux relations avec le Parlement.
Pour le président des députés LR, Christian Jacob, "le Sénat est revenu en commission à un texte conforme à l'esprit du Congrès", mais "si le président de la République et le Premier ministre sont incapables de tenir leur propre majorité, c'est leur problème".
La formule sénatoriale sur la déchéance "m'apparaît plus proche du pacte du 16 novembre (lors du Congrès à Versailles) et des propositions du président de la République que les propositions de l'Assemblée nationale", a affirmé pour sa part le président et rapporteur de la commission des Lois Philippe Bas (LR).
Mais, pour le député PS Patrick Menucci, cette réécriture "est une façon pour la droite sénatoriale de viser, tout à fait anormalement, une partie de nos concitoyens qui vont se sentir stigmatisés". "C'est un texte qui est inacceptable et ne sera pas accepté par l’Assemblée nationale".
Concernant l'article 1er du projet de révision constitutionnelle, qui vise à inscrire le régime de l'état d'urgence dans la Loi fondamentale, la commission sénatoriale a notamment précisé que les mesures sous état d'urgence devaient être "strictement adaptées, nécessaires et proportionnées", a rappelé la compétence de l’autorité judiciaire et a réduit de quatre à trois mois le délai maximal de prorogation de l'état d'urgence par le législateur.
"Sur cette partie, on pourrait trouver un accord avec l'Assemblée. Sur la déchéance, cela me paraît beaucoup plus hypothétique", prédit François Zocchetto, le président des sénateurs centristes.
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