Le vote électronique nous aurait-il préservé des contaminations lors du premier tour des municipales ?

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France-Soir
Publié le 21 avril 2020 - 12:05
Mis à jour le 24 avril 2020 - 16:22
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Le vote électronique nous aurait-il préservé des contaminations lors du premier tour des municipales?
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Arnaud Jaeger / Unsplash
Le vote est un moment solennel. C’est un symbole démocratique “pratique” qui reste dans nombre d’Etats modernes un rituel très physique.
Arnaud Jaeger / Unsplash

Avec la distanciation sociale actuelle, le numérique devient le meilleur allié de l’homme. Les courses en “drive” nous épargnent les longues files d’attente au supermarché, les professeurs donnent leurs cours en visioconférence, et il est même possible de consulter son docteur en télémédecine. La pandémie lève toutes les résistances aux services numériques qui peinaient à s’installer dans les us et coutumes. C’est toujours le cas pour le vote électronique : la technologie a fait ses preuves et diverses expériences ont déjà eu lieu. La période que nous vivons est propice à sa mise en place. Cela aurait de plus permis d’éviter la prise de risque sanitaire du premier tour des municipales et assurer un taux de participation supérieur. Diverses expériences ont déjà eu lieu en France sans que cela ne devienne une généralité. Alors, à quand une carte électorale dématérialisée ?

Quelles limites à l’application d’une carte de vote en ligne en France ?
Attention ce ne sera pas facile et les limites sont nombreuses. À commencer par l’expérience physique du vote lui-même : le vote est un moment solennel. C’est un symbole démocratique “pratique” qui reste dans nombre d’Etats modernes un rituel physique. Le chemin vers le bureau de vote, l’isoloir dans lequel nombreux sont ceux qui changent d’avis jusqu’au dernier moment, l’urne en plexiglas, le fameux “a voté”, le dépouillement manuel des bulletins, tout ce rituel symbolise le respect des grands principes de l’expression de la démocratie… Difficile de le supplanter par un froid clic sur un ordinateur.

Autre limite majeure, le vote doit être secret. Une base de données qui identifierait le vote à l’identité du votant compromettrait le caractère privé du vote. Pour assurer le chiffrement du vote, la technologie blockchain peut venir en aide. Aux Etats Unis l'ancien candidat aux présidentielles, Andrew Yang avait lancé un plaidoyer pour le vote en ligne sécurisée par la blockchain : “Il est techniquement possible à 100 % d’avoir un vote à l’épreuve de la fraude sur nos téléphones portables aujourd’hui en utilisant la blockchain.” 
En France, le principal blocage reste la résistance liée aux risques de corruption ou d’achat de votes. En effet, le décompte peut être altéré lors de la transmission des votes. Avec le vote en ligne, les résultats sont centralisés de façon électronique et le niveau de cybermenace de la plateforme de vote serait, sans aucun doute, élevé étant donné la taille de l’enjeu.

La France n’est pas à la pointe en matière d’e-vote : 
L’Estonie a été le premier pays à mettre en place le vote en ligne, dès 2005, et désormais plus du tiers des votes y sont exprimés en ligne. Pas étonnant, car en Estonie, on peut faire tout ou presque en ligne : créer une entreprise en un temps record, et même devenir estonien à travers le statut de “e-Résident”. Pour revenir au vote, c’est justement grâce à sa carte d’identité numérique que le pays peut authentifier les votants.
L’Inde est également à la pointe de l’e-vote. Pour permettre notamment aux citoyens illettrés et isolés d’exercer leur droit de vote, le pays a déployé sur son vaste territoire plus de 1,4 million de machines à voter. Ces machines ont enregistré plus de 417 millions de votes lors des élections générales de 2009. En 2019, en raison de son éloignement des centres de vote, un tiers de la population n’a pas pu voter. Le pays s’est alors lancé début 2020 dans la technologie blockchain pour proposer le vote via une application mobile.
En France, pour l’instant, les réflexions sur le vote électronique sont au point mort, en raison de la peur des piratages. La seule évolution à court terme devrait porter sur un détail : la disparition de la carte d’électeur papier, qui pourrait être facilement remplacée par un email ou SMS d’information. Comme une carte vitale de vote, autre service digital qui fonctionne malgré la nature sensible des données !

Essentiel de tenir compte de la cyber malveillance
En Russie, pour sécuriser leur système de vote en ligne (qui a servi aux élections parlementaires en septembre dernier) le gouvernement a fait appel aux hackers du monde entier pour qu’ils détectent les failles du système, afin de sécuriser au mieux leur plateforme de vote.
En France, la période de crise a mis en évidence les fragilités structurelles des plateformes publiques.
Une réflexion a été menée suite aux attaques récentes des plateformes de l’administration publique. Les sénateurs Christian Cambon (Val-de-Marne), Olivier Cadic (Français établis hors de France) et Rachel Mazuir (Ain), ont publié une étude, jeudi dernier, alertant sur les cybermenaces en période de crise. Des données de L'AP-HP (Paris), l'AP-HM (Marseille), et l'établissement public de santé de Lomagne, dans le Gers ont fuité. Les réseaux informatiques de la Ville de Marseille ont été victimes, aussi, la veille du 1er tour des élections municipales, d’une cyber-attaque informatique de grande ampleur. Cette fragilité structurelle serait due, selon les auteurs de l'étude, à un “sous-investissement chronique” ainsi qu’à une entrée trop rapide et mal gérée des services numérisées.

Toute conversion au e-vote ne pourra se faire qu’en garantissant l’intégrité totale du processus électoral. Un tel service mis en place permettait sans aucun doute la continuité de tout le processus démocratique en France. L’Administration a mené à bien le prélèvement des impôts à la source malgré toutes les mises en garde sur les risques associés et la crise aura aussi favorisé la téléconsultation médicale. La carte électorale dématérialisée serait donc un des derniers bastions à faire sauter pour que la France bascule complétement dans l’ère du digital.

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