Loi anti-casseur et liberté de manifester : bras de fer au gouvernent
La loi "anti-casseur" sera examiné le 29 janvier prochain par l'Assemblée nationale. Un texte déjà polémique dans les rangs de la majorité qui semble provoquer un bras de fer entre le ministre de l'Intérieur et la garde des Sceaux sur un point fondamental.
C'est une exigence récurrente des syndicats policiers à laquelle le gouvernement a choisi de répondre favorablement sous l'impulsion des sénateurs Les Républicains. Edouard Philippe a fait part de sa volonté de fermeté face aux débordements liés aux manifestations de Gilets jaunes. A ce titre, une loi dite "anti-casseurs" sera examiné à l'Assemblée nationale le 29 janvier. Ce texte transpose certaines dispositions appliquées aux supporters de football violents, notamment l'interdiction administrative de manifester. Ce qui induit la constitution d'un fichier comme c'est déjà le cas pour les "hooligans" considérés comme dangereux.
Une disposition qui a provoqué des remous au sein même de la majorité où des députés ont souligné que certaines dispositions de ce texte étaient "dangereuses". En clair: s'agit-il d'une atteinte à la liberté de manifester? Invité sur France Inter ce mercredi 23 matin, Nicole Belloubet a tenté d'éteindre la polémiquer naissante.
Voir - "Gilets jaunes": le gouvernement veut une nouvelle loi "anti-casseurs"
"Le droit de manifester est un droit qui découle de la Constitution et notamment de la liberté d'aller et venir et d'exprimer ses opinions. A ce titre c'est un droit protégé mais le conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'Homme ont dit à plusieurs reprises que cette liberté de manifester pouvait être conciliée avec des exigences liées à la protection de l'ordre public et la protection des biens et des personnes", a expliqué la garde des Sceaux en tentant de déminer le terrain. Et de préciser: "au fond c'est une conciliation entre des exigences constitutionnelles. De ce point de vue là, on peut imaginer qu'il y ait des règles qui encadrent cette liberté".
La minisre de la Justice a d'ailleurs souligné à plusieurs reprises au cours de l'interview qu'il s'agissait pour l'heure d'une proposition de loi et que ce texte ferait l'objet d'un long travail législatif de la part des députés qui pourraient grandement l'amender. "On est sur une ligne de crête entre le droit de manifester et des exigences de sécurité", a-t-elle martelé. La ministre a tenu à souligner qu'à ce stade, le texte prévoyait que "l'interdiction de manifester concernerait des personnes qui par leurs comportements sont susceptibles de créer un trouble à l'ordre public et (...) des personnes qui soit auraient été condamnées ou qui feraient partie de groupes appelant à la commission de violences".
Point important, la garde à des Sceaux a souligné la nécessité de garder un contrôle judiciaire sur les interdictions de manifestation. "Le Parlement doit être attentif à la nature des critères qui devront être utilisés (pour interdire de manifestation) et à des garanties. C'est à dire à un contrôle, car il n'y a pas d'atteintes à la liberté de manifester sans contrôle d'un juge". Un argument qui tranche avec la proposition de loi actuelle puisque l'article 2 de la loi "anti-casseur" reprend l'interdiction administrative de manifester s'inspirant des mesures visant à empêcher les hooligans d'accéder aux stades de football avec les interdictions administratives de stade, émises par les préfectures.
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Christophe Castaner a expliqué mardi 22 devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale que cette disposition se justifie par le temps judiciaire en France. "Une condamnation définitive peut prendre plusieurs années. S’appuyer sur le temps judiciaire, c’est faire en sorte que ceux que l’on voit manifester et casser le samedi puissent être le samedi suivant de nouveau devant les forces de l’ordre", a-t-il argumenté.
Pour désamorcer ce point extrêmement polémique, le ministre de l'Intérieur a tenu à en limiter la portée en affirmant que la mesure ne pourrait concerner que de 100 à 200 personnes "grand maximum", "appartenant souvent à des groupuscules qui viennent systématiquement casser dans les manifestations".
Quoiqu'il en soit, cette importante divergence d'opinions entre les deux ministres, l'un "chef" de la police l'autre de la justice, tend à prouver qu'il existe une vision différente du texte à adopter au sein même du gouvernement. Difficile de dire qui l'emportera entre les deux courants. Mais une certitude: à ce stade, il est prévu que le texte soit défendu par Nicole Belloubet devant les députés.
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