Loi Evin sur l'alcool : les députés modifient la loi contre l'avis du gouvernement
Faisant fi de l’avis du gouvernement qui leur avait demandé de ne pas toucher à la loi Evin, les députés ont finalement adopté dans la nuit de mercredi à jeudi 11, en commission parlementaire, l’amendement de Gérard César (Les Républicains, ex-UMP) qui vise à assouplir la loi de 1991 encadrant la publicité par l’alcool, clarifiant la distinction entre publicité et information journalistique.
Les députés de la commission spéciale chargée d'étudier la loi Macron ont "massivement" maintenu l’amendement adopté début mai par le Sénat en tant qu’article 62 ter du projet de Loi Macron, lors de l’examen en commission en nouvelle lecture de ce projet de loi, a expliqué sur BFMTV Laurent Grandguillaume, député PS et rapporteur de la Loi Macon.
Selon ce texte, pour justifier une action en justice contre une publicité pour de l'alcool, il faut pouvoir prouver que la personne fait la promotion de l'alcool au sens large et que cette communication est "susceptible d’être perçue comme un acte de promotion par un consommateur d’attention moyenne".
"C'est un coup dur porté à la santé publique. Je regrette que la loi Macron serve à détricoter la loi Evin. Je veux rappeler que la loi Evin permet depuis 30 ans d'encadrer, et non pas d'interdir, la publicité pour l'alcool. (...) Il ne fallait pas y toucher", a déclaré Marisol Touraine ce jeudi. Lundi 8, elle avait pourtant expressément appelé les députés"à ne pas changer la loi Evin".
"Même s’il semble technique, cet amendement libérera de facto la possibilité de faire de la publicité en faveur de l’alcool, et ce quasiment sans limite", s’était quant à lui inquiété son ancien prédécesseur Claude Evin, auteur de la loi de 1991 qui porte son nom. "Dans les faits, réunir ces deux critères sera impossible! Du coup, les tribunaux se concentreront sur le fait de savoir s’il s’agissait, ou non, d’une publicité, sûrement sans parvenir à trancher, oubliant le vrai débat: le produit lui-même", avait-il expliqué dans les colonnes du Parisien.
Très inquiètes, les associations de lutte contre l’alcoolisme avaient de leur côté adressé aux députés un courrier dans lequel elles affirmaient que le vote de l’amendement "constituerait une défaite pour la santé publique mais aussi une honte pour notre pays". "Aujourd’hui, avec la loi Evin, on peut obtenir des sanctions contre des opérations qui, sous couvert d’information, font la promotion de l’alcool", expliquait ainsi le docteur Alain Rigaud, président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa).
Mais l’ensemble du groupe d'étude sur la viticulture de l’Assemblée nationale, présidé par la députée socialiste et viticultrice Catherine Quéré (Charente-Maritime), a appelé "en conscience et responsabilité" à maintenir l’amendement voté au Sénat, affirmant qu'"il garantit un cadre clair pour la survie de notre viticulture, pour le développement des projets oenotouristiques locaux".
Pour le sénateur Claude César, ancien viticulteur bordelais, son amendement n'est pas destiné à remettre en cause la loi Evin mais à la clarifier, différenciant clairement publicité et promotion et établissant une différence entre les alcools forts et le vin. En effet, il faut, selon lui, dissocier"la pratique du +binge drinking+, qui consiste à boire de grandes quantités d’alcool, souvent fort, en peu du temps, et qui entraîne des drames chez les jeunes", de la consommation de vin en tant que "produit qui accompagne agréablement un repas, et est associé à la gastronomie".
Enfin, pour le député PS de la Gironde Gilles Savary, cet amendement"ne remet nullement en cause ni l'esprit ni la lettre de la loi Évin, mais vise à éviter que, dans notre pays, dont la tradition viticole ancestrale s'est fortement imprimée dans la culture, et désormais dans notre économie et dans les rares succès de notre commerce extérieur, il devienne risqué pour un journaliste, un cinéaste ou un romancier d'évoquer nos produits vinicoles ou d'y faire référence".
Malgré tout, le débat est loin d’être clos. En effet, pour que la loi Evin soit effectivement assouplie, il faudrait qu'après cette adoption en commission, l’ensemble des députés adoptent l’article en l’état en séance plénière à l’Assemblée la semaine prochaine. Et d'ici là, le gouvernement compte bien remettre la pression sur le groupe socialiste pour le dissuader de le voter.
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