Loi Travail : des lycéens jonglent entre révisions du bac et manifestations
Jeudi 26 mai, huitième manifestation interprofessionnelle contre le projet de loi El Khomri, à vingt jours du top départ d'une semaine d'épreuves du baccalauréat. Fervent militant, Esteban, les cheveux ébouriffés, a été de tous les cortèges parisiens depuis le premier, le 9 mars.
"Beaucoup de manifestations se déroulent en semaine et dans une école privée comme la mienne, c'était difficile de manifester parce que ça m'obligeait à sécher des cours", concède le lycéen de 18 ans, en terminale ES (économique et sociale).
Pour rejoindre le cortège de jeunes et salariés qui manifestent contre la réforme contestée du droit du travail, Esteban trouve la parade: "J'ai dit que j'étais malade... Mes parents m'ont couvert", raconte-t-il, amusé. Presque une obligation familiale tant son père et sa mère "relativement de gauche" l'ont "toujours sensibilisé et éduqué aux enjeux politiques".
Côté organisation, Esteban estime qu'il est plus facile d'avoir un mouvement lycéen "en fin d'année" parce que "de toute façon le troisième trimestre de terminale ne compte pas dans APB", la procédure admission post-bac pour s'inscrire dans le supérieur. Et "si j'ai pas le Bac ce sera pas à cause des manifs mais à cause d'un manque de travail", veut croire cet élève brillant qui "révise tard le soir, et parfois tôt le matin" en récupérant les cours de ses camarades de classe.
Pour Léo, 17 ans, en première scientifique, comme pour beaucoup de ses camarades, il y a de toutes manières "une corrélation entre ceux qui sont bons, voire extrêmement brillants, et ceux qui manifestent".
Peu de lycées ont été bloqués depuis le début de la mobilisation. Et dans ces établissements bloqués, le principal syndicat de proviseurs (SNPDEN) estimait mi-avril que les élèves avaient perdu en moyenne cinq jours de cours, soit 10% du dernier trimestre.
Face à ce mouvement, les parents sont partagés. "Ma mère n'est pas favorable à l'idée que je fasse autre chose qu'aller à l'école", avoue Enes qui, soucieux de sa réussite, n'a pas été de toutes les batailles.
Stéphane, lui, a une autre approche. Alors que sa fille Manon, 20 ans, passe son bac professionnel en mécanique-moto, ce grand gaillard de 48 ans se dit "soucieux de leur avenir, tout court. Et leur avenir ce n'est pas que la réussite au bac". "La loi travail est plus dangereuse pour mon futur que de réussir ou non une épreuve", abonde la jeune fille, qui faute de blocage dans son lycée n'a pas pu prendre part aux manifestations autant qu'elle l'aurait souhaité.
Après avoir passé des contrôles le matin, Joël, 19 ans, en terminale professionnelle vente, fait "au plus vite pour rejoindre les cortèges". Il n'est pas pressé de rentrer chez lui réviser: il sait que dans sa filière les notes en contrôle continu comptent énormément pour décrocher le bac. "Même le prof d'histoire vient manifester", glisse-t-il pour se dédouaner.
Lui n'est "pas là par conviction politique mais pour l'adrénaline" offerte par ces fins de manifestations où les tirs de gaz lacrymogène répondent aux jets de projectiles de casseurs.
Alors que le flot des manifestants arrive encore sur la place, certains entonnent: "El pueblo unido jamás será vencido" (le peuple uni ne sera jamais vaincu, NDLR). Intrigué, Joël ne comprend pas le slogan. Un membre du service d'ordre de la CGT, passablement agacé, lui répond sèchement: "C'est de l'espagnol (...) Faut apprendre!" Réponse naïve du jeune: "Ben ça va, faut pas s'énerver monsieur. Moi aussi j'manifeste. C'est cool."
La prochaine grande manifestation est prévue mardi 14 à Paris. La veille du bac.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.