Manifestations, grèves, blocages : peut-on réformer en France ?

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 03 juin 2016 - 19:04
Image
Blocage du dépôt de carburant de Douchy-Les-Mines le 25 mai.
Crédits
©François Lo Presti/AFP
La France est dans le top 4 européen pour les jours de grève.
©François Lo Presti/AFP
Manifestations, grèves dans les transports ou les écoles, blocages de tracteurs, de taxis… Régulièrement, la France renvoie l'image d'un pays ingouvernable. Si le cliché se nourrit d'une culture indéniable du conflit social, tout n'est pas figé.

"Ce pays se meurt parfois de ses conservatismes, de son impossibilité à réformer", a jugé récemment le Premier ministre Manuel Valls, excédé après trois mois de lutte pour imposer une réforme du code du travail dont la majorité des Français ne veulent pas.

Jugeant le texte porteur de précarité, des dizaines de milliers d'opposants sont descendus à huit reprises dans la rue pour exiger son retrait. Les syndicats contestataires ont aussi organisé des blocages et des grèves dans des sites stratégiques: raffineries, centrales nucléaires, gares et ports...

Les images de casseurs glissés dans les cortèges, puis de longues files d'attente devant des stations-service à sec, ont fait le tour du monde. Et la presse étrangère n'a pas tardé à juger le pays irréformable.

"La France n'admet pas de réformes profondes, seulement des révolutions", estime ainsi le quotidien espagnol El Pais. "Comme d'habitude, les Français demandent du changement mais refusent les changements", renchérit le britannique The Independent.

Même si les statistiques sont à prendre avec des pincettes, "la France est bien dans le top 4 en Europe pour le nombre de jours de grève, avec Chypre, la Grèce et l'Espagne", explique à l'AFP le chercheur Kurt Vandaele de l'Institut syndical européen (Etui) basé en Belgique. En dépit du fait que seuls 11% des salariés français sont syndiqués.

"En France, le nombre de jours de grèves par an est généralement très lié aux réformes proposées par le gouvernement sur le marché du travail ou les retraites", ajoute-t-il, en évoquant d'autres épisodes de grogne sociale (1995, 2003, 2006 et 2010).

Pour Pascal Lamy, ex-patron de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le changement y est "plus difficile qu'ailleurs", en raison d'un "blocage psychologique" de la population. "Les Français ont peur du monde extérieur parce qu'ils pensent que celui-ci remet en question notre culture, notre devise, nos principes, notre identité", explique-t-il cette semaine dans l'hebdomadaire Le Point. Et, dit-il, "nous n'avons pas de méthode de la réforme".

"Nous avons effectivement une culture du conflit", confirme l'historien Stéphane Sinot, spécialiste des rapports sociaux. "Depuis la Révolution française, la régulation sociale s'est fondée sur l'idée d'un conflit d'abord, la négociation après. C'est un modèle qui se retrouve dans d'autres pays du Sud de l'Europe". A l'inverse, le Nord du continent a "choisi un modèle de régulation qui privilégie la négociation et ne va au conflit que si la négociation a échoué".

Mais, souligne l'universitaire, les statistiques sont en partie trompeuses: s'il y a moins de jours de grève en Allemagne, souvent présentée comme un modèle pour le dialogue social, c'est aussi parce que "la législation sur la grève y est beaucoup plus restrictive qu'en France", notamment avec l'interdiction pour les fonctionnaires de cesser le travail.

Surtout, les "pics de conflictualité" français cachent une diminution des conflits dans l'entreprise, où le nombre de jours de grève est passé de 3 à 4 millions pendant les Trente glorieuses (1946-1975) à un à deux millions ces dix dernières années.

Depuis les années 1980, "la France essaie de se rapprocher d'un modèle plus pacifié et la culture de la négociation collective parvient bon an mal an à s'imposer, au moins dans l'entreprise", explique Stéphane Sinot. Alors que seuls quelques centaines d'accords d'entreprises étaient conclus dans les années 70, il y en a près de 40.000 aujourd'hui. Même la centrale contestataire CGT, l'un des principaux syndicats français, signe 85% des accords qu'elle négocie dans l'entreprise, souligne-t-il.

Dans le conflit actuel, l'exécutif, sans majorité parlementaire claire, souffre surtout du désaveu de son propre camp, a avancé dans le quotidien Le Monde Alain Juppé, favori de la droite pour la présidentielle de 2017. Pour lui, "la France n’est pas irréformable. La France bouge. La France évolue. Des réformes ont été faites" et d'autres le seront, mais pour y parvenir "il faudra dire la vérité".

 

À LIRE AUSSI

Image
Loi Travail manifestation Toulouse 1.05.2016
Loi Travail : à huit jours de l'Euro, les opposants restent mobilisés
A huit jours de l'ouverture de l'Euro, les opposants à la loi Travail sont plus actifs que jamais. Ce jeudi, des milliers de manifestants ont battu le pavé en France, ...
02 juin 2016 - 22:20
Politique
Image
Le réseau électrique.
Saint-Nazaire : des grévistes anti-loi Travail provoquent une coupure d'électricité géante
L'invasion d'un poste électrique à Saint-Malo-de-Guersac par des opposants à la loi Travail a provoqué une coupure d'électricité géante dans la région de Saint-Nazaire...
02 juin 2016 - 14:46
Politique
Image
Un défilé CGT.
Loi Travail : la fronde s'intensifie avec de nouvelles grèves, Valls résiste
Trois mois, huit journées de manifestations et un 49-3 plus tard, la fronde contre la loi Travail se poursuit cette semaine avec de nouvelles grèves annoncées dans les...
30 mai 2016 - 20:51
Politique

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Les dessins d'ARA

26/12 à 14:34
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.