"Nuit Debout", la place de la République devient l'agora des Parisiens
Le 16 juin 2013, après un an et demi de travaux, la nouvelle place de la République dévoile ses dalles grises en béton. 70% de cet espace de plus de 3 hectares était dédié à la circulation et 30% aux piétons, ce sera maintenant l'inverse. Si certains journaux étrillent sa "banalité esthétique" ou encore son "infinie platitude", elle trouve tout de suite grâce aux yeux des piétons, surtout les plus revendicatifs.
"Cette place est agréable, on peut s'installer sans gêner, y organiser plusieurs manifestations en même temps, moi je l'aime bien", dit le porte-parole de Droit au Logement, Jean-Baptiste Eyraud. "Nous sommes devenus des usagers réguliers, ici il ne manque que le chauffage", se marre l'expert en agit-prop, qui a même obtenu de la mairie du XIe arrondissement que les toilettes publiques de la place restent ouvertes la nuit.
"Il y a toujours eu beaucoup de manifestations à République et cette fonction historique, symbolique, il fallait la garder", souligne Pierre-Alain Trévélo, l'un des architectes du réaménagement.
On comptait 195 rassemblements statiques ou transitant par "Répu" en 2011, selon les chiffres compilés par la préfecture de police de Paris pour l'AFP. En 2014, après les travaux, ce chiffre passe à 248, puis atteint 269 en 2015. Au premier trimestre 2016, il y en a eu 80. La réfection de la place a aussi rendu accessible l'allégorie de la République, imposante statue sur laquelle les manifestants se risquent à grimper, non sans danger.
Depuis les attentats de janvier puis de novembre de l'année dernière, la statue veille aussi sur les centaines de bougies, fleurs et petits mots en hommage aux victimes. C'est de là qu'était partie le 11 janvier 2015 une immense marche contre le terrorisme et pour la liberté d'expression.
Quatorze mois plus tard, la place accueille chaque soir une foule de citoyens opposés au système politique en général et à la loi travail en particulier: le mouvement "Nuit debout". Ils sont des centaines, parfois des milliers, à se retrouver pour refaire le monde, danser au rythme des tamtams ou partager un bol de soupe.
Les dégradations et débordements ont conduit au démantèlement du campement qui s'était constitué. "Des gens avaient dormi là une semaine, créé des potagers, monté des tentes", "maintenant on ne peut plus", se désolait Grégory, étudiant investi dans le mouvement.
Depuis, la structure est plus légère, mais la petite foule toujours rassemblée la nuit, avec sono et fanfare, au grand dam de certains riverains. "Un riverain est venu nous voir pour nous dire qu'il nous soutenait à 100% mais n'arrivait pas à dormir", raconte Nicolas, un jeune participant au mouvement.
Devant son immeuble, Teresa Garcia, en blouse à carreaux marron, passe le balai. "Quand je suis là, je surveille. Je les engueule quand ils sont en train de faire des bêtises", raconte la gardienne, qui désigne à quelques mètres une agence bancaire à la vitrine étoilée et au distributeur d'argent peinturluré.
Il y a a quelques mois, un autre riverain, excédé par les manifestations constantes, avait sorti sa plume pour une missive à la maire de Paris, Anne Hidalgo: "Redonnez-nous le droit au sommeil, au repos, à la paix et à l'être chez nous en ne transformant plus la place de la République, qui est l'endroit où nous habitons, en salle de concert ou stade", écrivait ce professeur d'université.
Les maires de Paris et des IIIe, Xe et XIe arrondissements se sont fendus d'un communiqué pour rappeler que les riverains "doivent être préservés, comme tous les Parisiens, du tapage nocturne". Et d'ajouter: "La place de la République n'appartient pas davantage à ceux qui veulent en faire un forum, qu'à ceux pour laquelle elle est un lieu de passage, de loisirs, ou encore un mémorial."
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