"On forme des médecins, pas des orateurs" : des étudiants en colère contre l'oral de médecine
« Nous sommes un crash-test avec cette réforme » : cette année, 72% de la note en première année de médecine était attribuée à l’oral. Une réforme pour essayer d’obtenir des profils différents, mais qui comportait de fortes incohérences selon les étudiants en médecine restés sur la touche : ces oraux s'appuyaient sur des questions de société telles que « le racisme, l’agriculture, les gaz hilarants » ou même sur l’analyse d’une chanson de Louis Chedid, des thèmes n’ayant aucun lien avec des questions de médecine.
Ni les étudiants, ni le jury n’étaient clairement informés de l’importance de cet oral. Charlotte, qui a fait sa première année à l’université de Paris, fait partie de ces étudiants très haut placés dans le classement suite aux examens écrits. Jointe par téléphone, elle témoigne : « on n'a eu aucune préparation à l’oral, on nous a prévenus deux mois à l’avance en nous disant que la note compterait pour 50% de la note ; il n’y avait pas de barème exact, il n’y a eu aucune formation des jurys. Pour certains jury, 14 étaient une note excellente, alors que d’autres allaient jusqu’à 18. Entre 14 et 18, il y a un énorme trou. Donc ça faisait deux poids, deux mesures, ce n'est pas possible de voir ça quand on sort de huit mois de travail intense en première année de médecine ! »
Les étudiants se sont heurtés à l’irresponsabilité des décisionnaires : requête auprès du doyen de l’université de Paris, qui dit qu'il ne peut rien faire, qu’il faut aller voir le ministère. Ce dernier répond qu’il ne peut rien faire non plus, qu’il faut aller voir la directrice de l’université. Charlotte nous affirme que celle-ci leur a menti délibérément durant leur rendez-vous : la présidente Christine Clerici leur explique que même si elle souhaitait les repêcher, soit rajouter 40 étudiants en plus des 800 admis, elle ne pourrait pas prendre plus d’élèves. L’étudiante bout : « après on a vu ça avec notre avocat, elle est vraiment capable de nous reprendre. Elle ne veut pas, on ne sait pas pourquoi, la présidente ne s’est pas justifiée. »
Vidéo des étudiants en médecine de Paris pour @EmmanuelMacron . Leur rêve de devenir médecins leur a été volé disent-ils, alors que nous en manquons cruellement en France. Help et RT pour eux @Univ_Paris @VidalFrederique ? https://t.co/ulQeqt6WDz
— Dr Gérald KIERZEK (@gkierzek) September 22, 2021
Pour Charlotte, ces oraux peuvent être intéressants pour sélectionner des profils différents, « mais il faut des règles précises. On ne peut pas évaluer tout le monde sur des sujets de société, ou en tout cas pas avec de tels coefficients. On forme les médecins de demain, là. On ne forme pas des orateurs. »
Beaucoup de ces étudiants recalés malgré leurs connaissances en médecine sont partis viser une licence dans un autre cursus, parfois proche de leur anciennes études comme la licence SIAS (Sciences interdisciplinaires appliquées à la santé), d'autres ont carrément changé pour une inscription en droit ou en éco-gestion. Pour se défendre et faire comprendre leur problème, ces étudiants ont réalisé une courte vidéo illustrant les thèmes de société sur lesquels ils ont été jugés, davantage que pour la restitution de ce qu'ils ont étudié ces huit derniers mois.
Voir aussi : "On crache sur l'avenir" : le sénateur Alain Houpert défend les étudiants en médecine
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.