Plan Ours : difficile conciliation entre préservation de l’espèce et maintien des activités humaines

Auteur(s)
Jean-Marc Neumann, édité par la rédaction.
Publié le 06 août 2018 - 18:51
Mis à jour le 07 août 2018 - 13:04
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Un ours dans la forêt au-dessus du village de Markovec, le 27 juin 2018 en Slovénie
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© Jure Makovec / AFP
Le plan Ours du gouvernement a été dévoilé en mai dernier.
© Jure Makovec / AFP
En mai dernier, l'Etat a défini son plan ours pour 2018-2028, destiné à préserver l'ours brun dans les Pyrénées. Pour autant, le projet soulève plus de question qu'il n'apporte de réponses claires sur la sauvegarde de cet animal. Jean-Marc Neumann, juriste chargé d'enseignement en droit de l'animal à l'université de Strasbourg, revient en détail, en partenariat avec France-Soir, sur les enjeux du plan proposé par Nicolas Hulot.

Le sujet de la protection de l’ours des Pyrénées éveille en nous un bouquet d’émotions et de sentiments qui illustrent parfaitement tous les enjeux et difficultés auxquels l’Etat et les acteurs locaux sont confrontés.

"Tendresse", lorsque par miracle on peut observer une ourse et ses petits;

"Colère", lorsque certains individus armés et cagoulés déclarent ouverte la chasse à l’ours en Ariège;

"Empathie", à l’égard des bergers qui aiment leur métier, leurs animaux et les estives;

"Tristesse", lorsqu’un ourson orphelin baptisé Mellous décède prématurément;

"Incompréhension", lorsque l’Etat ne respecte pas ses obligations de conservation de l’espèce;

"Admiration", lorsque l’on a la chance d’apercevoir un ours évoluer dans les vallées du Béarn;

"Joie et espoir", lorsque nait un ourson;

"Agacement", lorsque certains acteurs locaux s’opposent au lâcher d’ours permettant de renforcer et ainsi de garantir la survie de la population de plantigrades;

"Sceptique", quant à la détermination de l’Etat à s’imposer face aux opposants à l’ours.

Après l’annonce au printemps d’un lâcher de deux ourses à l’automne et la publication du plan ours 2018-2028, un tour d’horizon du sujet pour en comprendre les enjeux parait nécessaire.

> Une population restreinte au massif pyrénéen

L’ours brun (Ursus arctos arctos) était très largement présent en France jusqu’au Moyen Age puis, progressivement sous la pression en particulier de la chasse et des activités sylvicoles, dut trouver refuge dans les vallées montagneuses (dans les Alpes, le Jura, les Vosges et les Pyrénées).

Après avoir progressivement disparu des Vosges à la fin du 18ème siècle, du Jura autour de 1860, des Alpes en 1937, l’ours brun ne survit désormais que dans le seul massif Pyrénéen et plus précisément dans cinq départements: Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Haute-Garonne, Ariège et Pyrénées Orientales.

Au début du 20ème siècle, on y dénombrait autour de 150 ours puis, en raison de la chasse (qui ne fut officiellement interdite qu’en 1962), sa population déclina à une vitesse vertigineuse au point de mettre le plantigrade en péril imminent d’extinction avec une population de seulement cinq individus en Béarn en 1995. Désormais la population après renforcement par importation d’ours de Slovénie, s’établit en 2017 à 41 individus dans le noyau Centro-oriental et 2 dans le noyau occidental le plus fragile soit un total de 43 plantigrades sur l’ensemble du massif.

Il est utile de rappeler que l’ours brun n’est pas l’animal assoiffé de sang souvent dépeint par ses opposants mais un omnivore dont l’alimentation est constituée à environ 80% de végétaux (selon les analyses de fèces réalisées).

> L’ours brun protégé au niveau international et national

Au niveau international, l'ours brun est protégé au niveau international par divers textes dont notamment le Règlement (CE) n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce pris en application de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction du 3 mars 1973 (dite "Convention de Washington"). Ainsi que par la convention européenne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (dite "Convention de Berne") en son annexe II et par la Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (dite "Directive Habitats") stipulant une protection stricte en son article 12. Il est expressément visé aux annexes II et IV en tant qu'espèce prioritaire pour le maintien de son habitat et espèce protégée [3].

Au niveau national, l’ours brun est visé par les arrêtés du 9 juillet 1999 "fixant la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d'extinction en France et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département" et par celui du 23 avril 2007 "fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection". Le plantigrade est considéré comme une espèce protégée au titre de l’article L. 411-1 du code de l’environnement.

Par ailleurs, l’ours brun en France est classé par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) comme "espèce en danger critique d'extinction".

> Les mesures prises par la France pour "préserver" sa population ursine

Afin de se conformer aux textes qui lui font obligation de préserver le plantigrade, la France s’est engagée dans une démarche active devant permettre la survie de l’espèce dans le massif pyrénéen.

Rappelons ici quelques étapes clés de la politique de préservation mise en œuvre par notre pays:

Un premier plan de sauvegarde quinquennal a été engagé en 1983-1987 suivi d’un second en 1988-1992 et par un programme Life franco-espagnol en 1993-1996.

Afin de tenter d’enrayer la poursuite du déclin de la population ursine pyrénéenne que la protection seule ne permettait pas, il fallut procéder à des lâchers afin d’en permettre la restauration.

Un premier lâcher eut lieu au cours des années 1996-1997 dans les Pyrénées centrales. Il s’agissait de 3 ours (2 femelles et 1 mâle) "importés" (de Slovénie dont la souche est génétiquement très proche de la souche pyrénéenne).

Au 1er novembre 2004, la dernière représentante de la souche pyrénéenne, Cannelle, fut abattue par un chasseur lors d’une battue au sanglier près de la commune d’Urdos. Cette disparition constitue une perte considérable sur le plan génétique imputable à une battue organisée en dépit du bon sens et à la méconnaissance de l’ours par le chasseur qui a tiré sur Cannelle. [4]

La mort de Cannelle motiva, s’il le fallait encore, le lâcher sur la période 2006-2009, dans le cadre du Plan de restauration et de conservation de l’ours brun, de 4 femelles et 1 mâle dans les Pyrénées centrales.

> Une protection jugée cependant inefficace par la Commission Européenne:

La France a, nous le savons, toujours éprouvé des "difficultés" ou plutôt une certaine frilosité à gérer la protection de ses grands prédateurs (ours, loups, lynx).

Le manque de détermination est dû aux pressions exercées par les élus locaux eux-mêmes sous la pression des éleveurs et des chasseurs qui sont en concurrence directe avec les grands prédateurs. L’Etat a, très (trop) souvent, accordé une oreille plus attentive voire complaisante aux opposants aux prédateurs constitués en groupes efficaces de pression qu’à ceux, beaucoup plus nombreux, favorables à la biodiversité.

La gestion "indolente" et paresseuse des grands prédateurs et notamment de l’ours par l’état français a été remarquée par la Commission Européenne qui, alertée sur le mauvais état de conservation de l’ours dans les Pyrénées a ouvert en décembre 2012 une "procédure d’infraction "contre la France pour "manquement à ses obligations de protection de l’ours brun des Pyrénées" issues de la directive "Habitats".

Que reprochait alors la Commission Européenne à la France? Tout simplement de ne pas faire ce qu’elle devait faire, c’est à dire une fois le plan 2006-2009 terminé, de prendre des mesures de sauvegarde du plantigrade. Cette procédure s’inscrivait à la suite d’une plainte déposée auprès de la Commission en 2010 par une vingtaine d’associations de protection de la nature unies au sein de la structure CAP-Ours.

> Les actions de l’Etat pour le maintien de la population ursine jugées insuffisantes par le Tribunal administratif de Toulouse

Par requête et mémoire enregistrés les 17 avril 2015 et 5 janvier 2017, l’association FERUS – Ours, loup, lynx, conservation a saisi le Tribunal administratif de Toulouse afin que l’Etat soit condamné à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice moral qu’elle estime avoir subi du fait de la carence de l’Etat français dans son obligation de maintenir la population d’ours bruns dans un état de conservation favorable. La décision a été rendue le 6 mars 2018 et elle condamne l’état pour carence fautive.

Le jugement rendu par le Tribunal administratif de Toulouse contient quelques considérants qui me paraissent important de souligner car ils résument parfaitement la situation et les enjeux:

 "qu’il n’est cependant pas contesté que l’effectif actuel reste insuffisant pour assurer la pérennité de l’espèce et que l’existence même du noyau occidental est menacée à court terme", "que le ministre de l’environnement fait valoir, d’autre part, l’importance des oppositions locales à la réintroduction des ours, au regard notamment des difficultés posées par leur coexistence avec les activités d’élevage que si les tensions ainsi rencontrées nécessitent effectivement l’organisation d’une concertation avec le public concerné, ainsi que le prévoit d’ailleurs l’article 22 de la directive du 21 mai 1992, elles ne sauraient toutefois suffire à justifier, en l’espèce, les huit années de retard constatées dans la définition du nouveau plan d’actions relatif à la conservation de l’ours; qu’il n’est au demeurant pas établi que les oppositions locales feraient obstacle à toute opération de réintroduction efficace depuis 2006, alors qu’il apparaît que les dégâts imputés aux ours sur les troupeaux et les ruches restent relativement mesurés et que l’Etat a pris des mesures adaptées en faveur du pastoralisme, parmi lesquelles figure notamment l’indemnisation systématique des pertes d’animaux".

En conséquence,  le Tribunal administratif retient la carence des autorités "les actions mises en œuvre par l’Etat ne peuvent pas être regardées comme suffisantes au regard des enjeux identifiés pour le maintien durable de l’espèce ursine dans le massif pyrénéen; que les associations requérantes sont, par suite, fondées à soutenir que la France ne satisfait pas à son obligation de rétablissement de l’ours brun dans un état de conservation favorable, telle qu’elle résulte de l’article 2 de la directive du 21 mai 1992; que la carence des autorités nationales face à cette obligation constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat".

>Le plan Ours 2018-2028

Contrairement au plan Loups 2018-2023, le plan Ours signé le 9 mai 2018 par Nicolas Hulot a été annoncé "discrètement" compte tenu du caractère potentiellement explosif du sujet au plan politique. En effet, pas de grandes annonces médiatiques mais une mise en ligne sur le site de la DREAL d’Occitanie.

Ce plan définit la stratégie sur une période de 10 ans permettant à la fois de garantir la conservation de l'espèce et donc la richesse biologique et de garantir l'avenir du pastoralisme pyrénéen, équation a priori difficile. Précisons que le plan n’a aucun caractère contraignant mais on voit cependant mal l’Etat qui l’a initié et signé ne pas les respecter. Il intervient enfin après neuf années (depuis 2009) sans politique clairement définie.

Le plan définit une stratégie censée répondre aux enjeux majeurs que pose la préservation de l’espèce avec trois idées fortes:

  a) La consolidation de la population (ursine). 

  b) La prise en compte des conditions de maintien d'un élevage pastoral dans des conditions économiques viables.

  c) La poursuite, l'amélioration et l'harmonisation des mesures de prévention des dommages.

S’agissant tout d’abord de la consolidation de la population ursine, le plan s'appuie sur deux principes:
- " la capacité de la population à croître par elle-même"... pour autant que "les taux de survie et de reproduction sont suffisamment élevés".

- "des renforcements de nouveaux spécimens pour maintenir une dynamique favorable" dans deux cas de figure:

   a) "Le remplacement de tout ours qui aurait disparu prématurément du fait de l'homme":

   b) le renforcement des deux noyaux de population par, notamment, le lâcher de deux ourses dans le département des Pyrénées-Atlantiques à l'automne 2018.

Le plan arrête par ailleurs quelques principes relatifs aux activités humaines (chasse, exploitation forestière et pastoralisme)devant permettre une cohabitation pacifique avec l’ours:

  • La chasse: le plan insiste sur la nécessaire prise en compte de la présence de l'ours lors de la pratique cynégétique. Des "chartes" devraient être établies avec les fédérations de chasse afin de définir les conditions de la pratique. Il s'agit également de former les chasseurs sur la conduite à tenir dans une zone à ours.
  • La gestion forestière: le plan précise que cette activité devra assurer "la quiétude nécessaire au cycle biologique de l'ours et éviter toute accoutumance" et "la disponibilité alimentaire en forêt et ainsi limiter les incursions de l'ours dans les estives". Il est essentiel de préserver la "connectivité" entre les deux noyaux de la population (central et occidental). Les ours devant avoir la possibilité de passer d'un noyau à l'autre sans entrave majeure.
  • Les activités pastorale: Le plan rappelle que les mesures de protection existantes (notamment chien de protection dits "Patous") sont efficaces "dans la grande majorité des cas". Il recommande de poursuivre "l'appui aux éleveurs pour les mesures de prédation" en fournissant un appui technique pour la mise en place de chiens de protection, en créant un réseau de "bergers d'appui" (qui interviennent pour aider les gestionnaires d'estives confrontés à la présence de l'ours) et en poursuivant tout en le modulant le système d'indemnisation suite à prédation.

Le plan après avoir rappelé l'apport de l'ours en tant que vecteur extraordinaire des activités touristiques de la région, prévoit afin de s’assurer de la dynamique de la population une analyse bisannuelle étant rappelé selon les scientifiques qu'une population n’est viable que si la probabilité d'extinction sur 50 ans est inférieure à 5%.

Selon le plan, pour respecter le critère de risque d'extinction inférieur à 5% dans 50 ans il convient de renforcer les deux noyaux de la façon suivante par le "lâcher" de 10 femelles et 5 mâles dans le noyau occidental très affaibli et de 5 femelles dans le noyau central.

Le renforcement rapide du noyau occidental par le lâcher à l’automne de deux ourses est prévu.

Que penser du plan? Eépond -il vraiment aux enjeux?

De notre point de vue le plan manque de réelle ambition et n’est pas le créateur d’une dynamique que l’on aurait été en droit d’attendre. Il se contente en quelque sorte d’apporter une réponse aux critiques formulées par les pro-ours à l’encontre de l’Etat et aux obligations issues de la directive "Habitats" tout en voulant ne pas changer grand-chose aux activités humaines exercées en zone à ours.

Surtout les renforcements par importation d’ours étrangers ne devra se faire que si cela est nécessaire… Quant au nombre de 50 ours sur le massif, il parait trop faible encore pour garantir la pérennité de la population ursine.

> La fin tragique de l’ourson Mellous

Quelques jours après avoir été relâché dans la nature avec l’espoir qu’il puisse retrouver sa mère, Mellous a été découvert mort le 23 juillet. Triste fin pour cet ourson qui montre, s’il le fallait encore, l’extrême fragilité de la population ursine pyrénéenne. L’émotion suscitée par la disparition de l'ourson a donné lieu à une pétition demandant à Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, pourquoi l’ourson a été relâché aussi tôt. La pétition, en l’espace de quelques jours, a recueilli près de 21.000 signatures (au 03 août). Ce succès, certes imputable au capital sympathie extraordinaire dégagé par l’ourson orphelin, montre également à quel point le grand public est attaché à la présence du plantigrade et à sa survie dans le massif pyrénéen (selon un sondage IFOP près de 84 % des français -76% dans les Pyrénées-Atlantiques- souhaitent le maintien du plantigrade dans les Pyrénées).

> Le lâcher des deux ourses prévu à l’automne, un évènement à haut risque

Dans une interview accordée par Nicolas Hulot au quotidien Le Parisien le 26 mars 2018, ce dernier a annoncé son souhait de procéder au lâcher de deux ourses à l’automne en Pyrénées-Atlantiques ajoutant : " Je vais demander au préfet d’organiser un dialogue pour réussir cette réintroduction et je me rendrai sur place. J’ai décidé de passer à l’offensive parce qu’il ne reste que deux mâles dans ce département, dont Cannellito, fils de Cannelle, qui était le dernier ours 100 % pyrénéen. Je ne veux pas être le ministre qui assiste à la disparition de cette lignée".

Autant l’initiative est largement applaudie par le grand public, autant les acteurs locaux directement concernés sont vent debout.

Il était prévu que Nicolas Hulot se rende en Béarn le 23 juillet mais ce dernier a finalement annulé sa visite. Aucune nouvelle date n’a été communiquée.

Conformément à l’article L123-19-2 du Code de l’environnement, une consultation publique a été lancée du 26 juin au 25 juillet par les services de l'Etat des Pyrénées-Atlantiques.

Vingt communes du Béarn sont potentiellement susceptibles d'accueillir les deux ourses.

Le lâcher des deux ourses est un évènement potentiellement explosif au plan politique eu égard à la mobilisation de certains élus locaux contre le projet.

C’est un sujet qui peut aussi provoquer l’exaspération de certains individus dont, par exemple, ceux qui furent à l’initiative de cette "farce" de septembre 2017 où une trentaine d’individus cagoulés et armés avaient, dans une vidéo adressée à divers médias, déclarée ouverte la chasse à l’ours en Ariège. Ils estimaient qu’en introduisant des ours slovènes l'Etat aurait mis en place "une gestion du territoire où peu à peu il limite aux hommes, aux femmes de la montagne l'accès, la liberté d'être, de faire, de travailler".

On voit bien toutes les difficultés à faire accepter le renforcement de la population ursine par une minorité directement impactée par la présence du plantigrade sur un même territoire.

Certains voient pour Nicolas Hulot un sujet susceptible de provoquer, en cas d’échec, son départ du ministère de la Transition écologique et solidaire. Hulot en ferait parait-il une condition pour son maintien au gouvernement.

Quoiqu’il en soit, l’Etat ne peut plus désormais montrer le moindre signe de faiblesse; au contraire, il doit s’imposer et conserver à l’esprit ses obligations issues de la Directive "Habitats" de 1992 que le Tribunal administratif de Toulouse a rappelées dans son jugement du 6 mars dernier. Le tribunal avait jugé les actions mises en œuvre par l’Etat jusqu’à présent insuffisantes pour le maintien durable de l’espèce ursine dans le massif pyrénéen. Voilà donc l’Etat au pied du mur. Il ne peut reculer comme il l’a fait durant une décennie. Il doit faire en sorte que l’objectif de 50 plantigrades pour assurer la viabilité de la population de plantigrades dans le massif pyrénéen puisse être atteint et vite.

A défaut, l’Etat perdra sa crédibilité et sera en défaut par rapport à ses engagements issus de la Directive avec les conséquences sur l'image de mauvais élève de l’Europe en matière de conservation des espèces et les conséquences financières qui peuvent en découler. Sans oublier que dans une telle hypothèse, il ne respecterait pas davantage le souhait clairement exprimé en faveur du maintien d’une population ursine par une très large majorité de français y compris de citoyens habitant dans les régions concernées.

Il conviendra cependant que l’Etat, tout en montrant son autorité et sa fermeté à mener à bien le lâcher des deux ourses, mette en œuvre les mesures d’accompagnement nécessaires et indispensables pour le maintien de l’activité pastorale qui fait vivre de nombreuses personnes ; on ne peut en effet faire accepter par les acteurs locaux le renforcement de la population ursine sans tenir compte de leurs intérêts.

Un équilibre difficile à trouver mais indispensable pour le succès du lâcher et plus largement pour le maintien d’une population ursine viable. Cet équilibre, la Slovénie a été capable de l’atteindre en créant les conditions permettant de faire vivre dans une relative harmonie l’être humain et le plantigrade [16].

L’article publié le 6 août 2018 par le site de L’Express fait état d’une étude conjointe du Centre allemand de recherche intégrée sur la biodiversité et de l'Université Martin Luther de Halle-Wittenberg; l’étude révèle que "l'Europe dispose encore de nombreuses régions où de nouveaux biotopes pour les ours bruns pourraient être créés" et souligne que les ours ne respectant pas les frontières nationales, "l'introduction d'une politique de gestion commune de l'ours brun et d'autres animaux sauvages au niveau européen est souhaitable" constatant que "à l'heure actuelle, les politiques entre les États membres en matière de protection et de gestion des ours sont très hétérogènes et il existe des disparités dans la manière dont les systèmes de compensation sont structurés dans différents États". 

La carte reproduite dans l’article montre qu’en France plusieurs zones seraient propices à la création de nouveaux biotopes (en fait il s’agit de zones où l’ours vivait et dont il a été progressivement éliminé au fil du temps): Alpes, Jura, Vosges, Massif central, Ardennes, Morvan principalement.

Voilà qui est de nature à créer un formidable espoir… pour autant que nos politiques en aient la volonté.

Le lâcher annoncé des deux ourses en Béarn à l’automne sera un test déterminant pour mesurer à la fois l’autorité de l’Etat et sa volonté de laisser une place aux grands prédateurs nonobstant les oppositions et difficultés potentielles.

Nous reviendrons sur ce dossier à l’automne pour faire le point.

> Retrouvez Jean-Marc Neuman sur son blog Animaux et Droit.

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