PMA "pour toutes" : l'Eglise se positionne au nom de "l'intérêt de l'enfant"
Monseigneur Pierre d'Ornella, archevêque de Rennes, l'affirme: l'objectif de la longue déclaration solennelle signée par l'ensemble des évêques de France et dont il est à l'origine n'a pas pour ambition d'afficher une position "contre" la PMA dite "pour toutes", mais d'ouvrir le "dialogue" avec pour soucis la "dignité de la procréation".
Mais force est de constater que la synthèse de ces 120 pages publiée jeudi 20 ne présente finalement que des arguments hostiles à l'ouverture de la procréation médicalement assistée aux femmes seules et couples de femmes. Un sujet sensible pour une Eglise de France à l'évidence consciente du risque de procès en homophobie.
Plusieurs arguments énoncés font d'ailleurs référence à des questions bioéthiques éloignées de l'aspect "familial" de la question, et soulevées par nombres de scientifiques ou juristes: risques de mercantilisassions du corps humain, dérives eugénistes par la sélection des embryons à conserver pour l'implantation, questions sur l'anonymat des donneurs face au droit à connaître ses origines, ou encore risque qu'il s'agisse d'un premier pas vers la GPA (gestation pour autrui).
Voir: Projet de loi PMA et bioéthique examiné au Parlement en 2019
"L’Église catholique se veut attentive au désir d’enfant et à la souffrance due à l’infertilité. Elle encourage les recherches qui visent à prévenir cette infertilité ou à la guérir", peut-on même lire. Mais le choix des mots montre que la PMA n'apparaît pas comme une solution acceptable.
On retrouve aussi la dénonciation de l'absence d'un père comme contraire à "l'intérêt supérieur de l'enfant", argument massue régulièrement avancé par la Manif pour tous. Le texte fait notamment référence à des sondages "posant explicitement la question du père", qui avaient permis à l'association défendant la famille "traditionnelle" d'affirmer que les Français étaient majoritairement opposés à la PMA pour toutes, en jouant sur la forme des questions.
Et aussi: PMA, tests génétiques, enfants intersexes: le Conseil d'État éclaire le gouvernement
"Le projet d’ouverture de l’AMP (aide médicale à la procréation, autre désignation de la PMA, NDLR) aux couples de femmes et aux femmes seules écarte dès le principe la référence biologique et sociale à un père". (...) La suppression juridique de la généalogie paternelle porterait atteinte au bien de l’enfant qui serait privé de sa référence à une double filiation, quelles que soient ses capacités psychiques d’adaptation", écrit ainsi l'Eglise de France. On en revient donc au concept de la nécessité d'un père et d'une mère au nom de "l'intérêt supérieur de l'enfant", notion cependant extrêmement difficile à traduire dans les faits.
Déjà avancée lors du débat sur le mariage et l'adoption par les couples de même sexe, l'argument n'avait pas empêché l'adoption du texte. Mais sur un sujet qui soulève des questions autres que les droits des homosexuels (terme qui n'apparaît jamais dans cette la synthèse), il pourrait être plus facile pour l'Eglise de convaincre au-delà de ses fidèles, au nom de l'intérêt de l'enfant.
Aller plus loin:
PMA "pour toutes", GPA: bientôt l’ouverture?
"La mobilisation" contre la PMA est "possible", estime Jean Leonetti (LR)
PMA: toujours pas assez de dons de gamètes, vers une pénurie de sperme
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.