Primaire à gauche : des mesures fortes des candidats pour l'accès aux soins
Les projets santé de Manuel Valls, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg et consorts évitent la question de la réduction des déficits, au cœur de la proposition de réforme controversée de François Fillon (LR) qui entend "sauver" la Sécu.
Ils abordent surtout les déserts médicaux et le coût des soins pour les patients, problèmes auxquels s'est déjà attaqué le gouvernement avec le tiers payant (dispense d'avance de frais) généralisé ou le développement des maisons de santé. Pour aller plus loin et "rendre les soins accessibles à tous, sur tout le territoire", Manuel Valls promet de "supprimer le numerus clausus", qui détermine le nombre d'étudiants admis en deuxième année de médecine.
De 7.650 environ en 2016, le numerus clausus a de nouveau été relevé pour 2017, de 478 places, en fonction des besoins régionaux. Serpent de mer, sa suppression permettrait d'ouvrir davantage les vannes dans les facs de médecine, réputées pour leur fort taux d'échec, rappelle l'ex-député PS et médecin Olivier Véran, partisan d'une telle réforme car "le numerus clausus a perdu son utilité dans le contexte européen qui permet de le contourner".
De fait, un quart des nouveaux médecins s'installant chaque année en France ont été formés à l'étranger. "Des collectivités paient des chasseurs de tête pour aller en trouver en Roumanie et les mettre dans nos campagnes, c'est bien qu'il n'y en a pas assez", souligne M. Véran.
La profession vieillit. En 2016, 27% des médecins inscrits à l'Ordre avaient 60 ans et plus. La mesure n'aurait pas d'effets avant 10 ans, le temps de former les praticiens, une "excuse que l'on donnait déjà il y a 10 ans". Mais comment suivre quand les "capacités de formations" sont déjà insuffisantes dans certaines facultés, s'interroge le président du syndicat d'internes Isni, Olivier Le Pennetier.
L'Ordre des médecins rappelle, lui, que le problème vient avant tout de la répartition des médecins sur le territoire et par spécialité. Benoît Hamon propose quant à lui de ne plus conventionner avec l'Assurance maladie les médecins qui s'installent en territoires surdotés, pour les pousser vers les zones en besoin.
Une mesure similaire, rejetée par l'Assemblée nationale, avait provoqué un tollé en octobre dans la profession, le CSMF, principal syndicat de médecins libéraux, dénonçant une volonté de "contraindre" la sacro-sainte liberté d'installation. Marisol Touraine l'avait elle-même jugée "inefficace" et "injuste", car les patients de médecins non conventionnés ne sont quasiment pas remboursés par la sécu. Arnaud Montebourg propose lui des dispensaires avec des médecins salariés et des consultations gratuites.
Pour réduire la facture à la charge des patients, là encore, Manuel Valls bouscule les médecins libéraux en proposant rien de moins que la fin, progressive, des dépassements d'honoraires, davantage encadrés au cours du quinquennat. Possible à condition de "mettre de l'argent sur la table", estime un expert des politiques de santé car "certains praticiens, comme les dentistes et les chirurgiens, ne peuvent pas vivre avec les tarifs sécu actuels".
Les dépassements ne sont "pas de la faute des médecins", renchérit Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, qui accuse l'ancien Premier ministre de "stigmatiser" la profession et rappelle le prix prohibitif des loyers dans certaines villes, comme Paris. M. Valls propose aussi que la Sécu rembourse à 100% un ensemble de soins de ville, quand Arnaud Montebourg et Vincent Peillon avancent eux l'idée d'une complémentaire santé publique.
Une mutuelle à prix modéré pour "ceux qui ne peuvent bénéficier de la CMU (couverture maladie universelle) et ne peuvent s’offrir des mutuelles privées", indique M. Montebourg. Sans préciser si elle remplacerait le coup de pouce financier existant (ACS) pour les personnes aux revenus modestes (entre 720 et 970 euros par mois pour une personne seule). "On entend de tout dans les propositions", résume Olivier Le Pennetier, mais "c'est déjà bien qu'on parle de la santé".
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