Réforme SNCF votée : les cheminots ont-ils perdu la bataille ?
Le dénouement du vote ne faisait aucun doute, il marque malgré tout une avancée symbolique forte pour le gouvernement. L'Assemblée nationale a voté mardi 17 le projet de réforme de la SNCF avec 454 voix (majorité LREM/MoDem ainsi que LR et UDI) en faveur du texte et 80 voix contre.
Ce texte, qui doit ensuite passer au Sénat, contient l'autorisation de l'ouverture du trafic régional à la concurrence dès 2019, mais surtout l'une des pierres angulaires de la colère des cheminots: la fin du statut pour les nouvelles embauches. Rien par contre dans le texte sur la reprise des 47 milliards d'euros de dette de SNCF Réseau.
En l'état, le législateur acte donc de la fin du statut des cheminots. Ces derniers ont-ils perdu pour autant la partie? Pas nécessairement. Le fait qu'un projet ou une proposition de loi soit votée (ce qui n'est pas définitivement le cas ici, dans l'attente du Sénat et d'une potentielle nouvelle navette parlementaire) ne signifie pas toujours qu'elle soit appliquée dans les faits. Surtout si la contestation sociale refroidit les ardeurs de l'exécutif au moment de parachever définitivement la mesure.
Exemple le plus marquant de ces 20 dernières années: le Contrat première embauche (CPE), un dispositif proposé par le gouvernement Villepin en 2006 pour fluidifier le marché du travail en imposant une période de deux ans où un contrat de travail (pas nécessairement pour un premier emploi d'ailleurs) pouvait être rompu sans motivation par l'employeur pour les moins de 26 ans.
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Dès février cette année-là des manifestations massives, réunissant principalement des lycéens et des étudiants, sont organisées partout en France. Le projet de loi est malgré tout voté par l'Assemblée nationale le 31 mars. Lors d'une intervention télévisée, le président de la République Jacques Chirac annonce qu'il promulgue la loi, la rendant exécutoire. Les manifestations continuent. Le CPE ne sera jamais appliqué: trois semaines après l'adoption de la loi, une nouvelle loi est votée en urgence pour abroger le dispositif décrié.
La loi sur le CPE n'est que la face émergée de l'iceberg des lois qui n'entrent jamais complètement en application du fait d'un autre phénomène: l'absence des décrets d'application, ces textes qui permettent de préciser de manière opérationnelle l'application de la loi quand celle-ci reste évasive. Malgré des améliorations récentes, il y a toujours entre 10% et 15% des lois qui ne sont pas appliquées faute de décret selon un rapport du Sénat (voir ici). Reste seulement à savoir si le décret n'est pas signé par manque de temps à l'agenda pour le concevoir, ou pour des raisons plus politiques, pour ne pas transformer une décision législative en réalité effective pour les concernés.
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