Révision constitutionnelle : Valls tente de convaincre une Assemblée nationale divisée
Moins de trois mois après le discours du président de la République et l'ambiance d'unité nationale du Congrès à Versailles, le Premier ministre a plaidé pendant une demi-heure, dans un hémicycle aux bancs dégarnis surtout à droite, en faveur du projet de loi constitutionnelle de "protection de la nation". Près de lui, au banc du gouvernement, le nouveau garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, nommé après la démission de Christiane Taubira pour "désaccord majeur" sur la déchéance.
Clamant que les Français demandent "une unité sans faille" face au terrorisme, Manuel Valls a déclaré que constitutionnaliser l'état d'urgence, c'était "graver dans le marbre" son "caractère exceptionnel". Il s'est dit favorable à que sa prorogation soit limitée à quatre mois, renouvelables, comme le réclame notamment l'UDI. L'ancien ministre de l'Intérieur a aussi affirmé qu'un projet d'attentat avait été déjoué "grâce à une perquisition administrative" de l'état d'urgence actuel.
Sur la déchéance de la nationalité, mesure réécrite et dépeinte comme "un principe" par le garde des Sceaux, le chef du gouvernement a glissé que serait inscrit "au coeur de la Constitution le principe de l'égalité de tous devant l'exigence républicaine".
L'étendard de la contestation a été porté par la coprésidente des écologistes, Cécile Duflot, contre un projet de révision "inutile" et "dangereux", où "la gauche, en voulant mettre un adversaire dans l'embarras, a jeté aux oubliettes nos valeurs". Son réquisitoire et sa référence à Vichy sur la déchéance de nationalité lui ont valu une vive réplique de Manuel Valls, comme les critiques au vitriol de Noël Mamère. Les débats sous la houlette de Claude Bartolone s'arrêteront en fin d'après-midi, avant l'examen des 200 amendements déposés, qui seront examinés lundi et mardi, puis le vote solennel mercredi.
Sur l'inscription dans la Constitution de l'état d'urgence, ses défenseurs mettent en avant le souci de mieux "encadrer" et éviter un "recours excessif" à ce régime d'exception, né en 1955 en pleine guerre d'Algérie et durci en novembre. Ses détracteurs la jugent au mieux inutile, au pire dangereuse pour les libertés publiques.
Mais c'est sur l'article 2 dédié à la déchéance de nationalité pour les terroristes que l'exécutif cherche depuis des semaines à résoudre la "quadrature du cercle": répondre autant à la contestation par une bonne part de la gauche de sa mesure initiale réservée aux seuls binationaux nés Français, qu'aux desiderata de la droite et du centre.
Une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au Parlement réunis en Congrès est requise pour ratifier la révision, à laquelle François Hollande veut adjoindre une réforme du Conseil supérieur de la magistrature.
La quête compliquée d'un compromis s'est traduite par plusieurs réécritures, pour retirer la référence à la binationalité, puis celle à l'apatridie dans le futur texte d'application. Pas encore assez pour certains socialistes - qui préfèrent par exemple une "déchéance nationale"- pour la majorité des écologistes et pour le Front de gauche.
Pour satisfaire certaines demandes, notamment de Nicolas Sarkozy, la déchéance a été élargie aux délits les plus graves. Sur la déchéance, le président du parti Les Républicains, toujours "favorable" pour les binationaux nés Français, a néanmoins jugé jeudi "difficile" d'avoir une position "définitive" vu les zigzags du texte.
Entre désaccords de principe et arrière-pensées sur la primaire, la droite n'est pas unie et seule "la moitié" des députés LR voterait actuellement la réforme, selon Philippe Gosselin. Le chef de file du groupe Christian Jacob n'a pas pris la parole, laissant parler autant de pour, comme Eric Ciotti, que de contre, comme Nathalie Kosciusko-Morizet. Et le président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde a conseillé à Manuel Valls de renoncer à l'article sur la déchéance, "pas indispensable", pour obtenir un vote conforme de l'Assemblée et du Sénat sur l'état d'urgence.
Le chef de file du Front de gauche André Chassaigne a dénoncé "des modifications de pures circonstances, dont l’utilité n’est pas avérée". Plus embarrassé, le radical de gauche Roger-Gérard Schwartzenberg, a jugé cet article 2 "encombrant" et renvoyé la position de son groupe après les débats. L'hypothèse d'un Congrès, espéré au printemps par l'exécutif pour ratifier ce qui serait la 22e révision constitutionnelle depuis 1958, reste donc incertaine.
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