Un prisonnier par cellule : Urvoas fait le point dans un rapport
Un prisonnier par cellule: cet objectif, inscrit dans la loi depuis 140 ans mais jamais appliqué, est au coeur d'un nouveau rapport présenté ce mardi 20 par le ministre de la Justice, alors que la surpopulation carcérale a atteint cet été un nouveau record. Jean-Jacques Urvoas doit livrer dans la matinée le contenu de ce rapport très attendu lors d'une conférence de presse à la maison d'arrêt de Fresnes (Val-de-Marne). Il doit notamment aborder la question de l'exécution des programmes immobiliers pénitentiaires et son impact sur l'objectif fixé. Christiane Taubira, qui l'a précédé au ministère, a en effet fait voter un plan de construction de 6.500 places, dont près de la moitié a été créée entre 2012 et 2015, selon une source pénitentiaire. Le solde doit s'étaler jusqu'en 2020.
Mais le garde des Sceaux devrait profiter de l'occasion pour détailler ses orientations en matière de politique carcérale et aborder la question des nouvelles places à construire et leur mode de financement. Le Premier ministre Manuel Valls a déjà en partie levé le voile en affirmant qu'il faudrait créer "10.000 places dans les dix ans qui viennent en prison pour permettre la création de cellules individuelles, des unités dédiées", évoquant un budget "de 3 milliards d'euros pour les dix ans à venir". Le gouvernement doit présenter à l'automne un plan "spécifique, concret, précis" et surtout "financé" pour le parc pénitentiaire, a-t-il annoncé.
Une perspective dénoncée par l'Observatoire international des prisons (OIP), le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) et la Ligue des droits de l'Homme (LDH), qui parlent d'"une fuite en avant carcérale". La contrôleure des prisons Adeline Hazan défend aussi l'idée d'un "seuil" au-delà duquel il ne serait plus possible d'incarcérer: "Plus on crée de places, plus on les remplit".
Le principe de l'encellulement individuel est inscrit en France dans la loi depuis 1875 mais n'a jamais été respecté. Réaffirmé en 2000, il a fait l'objet de moratoires successifs. Le dernier, inscrit dans la loi de finances de décembre 2014, a repoussé son application au 1er janvier 2020. Le rapport Urvoas, qui sera présenté au Parlement, intervient alors que la situation a rarement été aussi tendue dans les prisons. Avec 69.375 personnes incarcérées, le nombre de détenus a atteint un nouveau record au 1er juillet. Il s'est traduit par une hausse historique de la surpopulation pénale, la capacité des 187 établissements pénitentiaires n'étant que de 58.311 places. Plus de 1.500 détenus dorment sur des matelas posés au sol.
Le principal point noir concerne les 86 maisons d'arrêt, où sont détenues des personnes non jugées définitivement et des condamnés à une peine n'excédant pas deux ans. La question de la surpopulation carcérale rejoint celle de la violence en prison, mais aussi celle des places mobilisables pour l'isolement des détenus islamistes radicaux. L'agression début septembre de deux surveillants de l'unité de déradicalisation de la prison d'Osny (Val d'Oise) par un détenu radicalisé a d'ailleurs encore aggravé le tableau, indignant les syndicats pénitentiaires.
Face à ces défis, le garde des Sceaux s'est prononcé pour la construction de nouvelles places mais sans écarter la piste des alternatives à l'incarcération (contrainte pénale, libération sous contrainte...) chères à Christiane Taubira. Un point de vue partagé par Alain Juppé, qui recommande aussi la construction de 10.000 places en cinq ans. Autre candidat à la primaire de la droite pour la présidentielle, Nicolas Sarkozy en propose, lui, 20.000 et prône un retour des peines planchers et d'un système de majoration automatique des peines pour les multirécidivistes.
"Avec 10.000 nouvelles places, la France se situera dans la moyenne européenne avec un taux de 100 détenus pour 100.000 habitants, entre l'Allemagne (84) et l'Angleterre ou l'Espagne (150)", souligne le député PS Dominique Raimbourg, auteur en 2014 d'un rapport sur l'encellulement individuel. Mais, ajoute-t-il, "il faut savoir aussi mettre une limite à la détention et adapter les sanctions à cet outil".
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