Allemagne : des conférences d'extrême droite érigent les nazis en "héros"

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Pierre Plottu
Publié le 05 juillet 2019 - 18:32
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Un brassard nazi.
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©Timur Matahari/AFP
Les renseignements allemands s'inquiètent du rôle de "formation idéologique" que jouent ces conférences de vétérans nazis.
©Timur Matahari/AFP

Les renseignements allemands s'inquiètent de la forte augmentation du nombre de conférences d'extrême droite donnant la parole à des vétérans de la Waffen-SS et glorifiant le nazisme. Des rendez-vous qui ont attiré plusieurs centaines de participants en 2018.

Ils ne cachent pas leur nostalgie pour le IIIe Reich, et se revendiquent nazis. Ils clament que les troupes hitlériennes auxquelles ils ont appartenu ont défendu l'Allemagne et que ces soldats sont des "héros". Ils se battent enfin contre la "réinterprétation de l'histoire" qui aurait fait d'eux des "criminels" et luttent contre les "mensonges historiques anti-allemands". Tout un programme.

"Eux"? Ce sont les "Zeitzeugen", qui peut se traduire par "témoins de l'époque" ou "témoins occulaires" de la Seconde Guerre mondiale, des exaltés qui cherchent à perpétuer l'idéologie nazie en parlant à qui veut bien les entendre, tentant de propager leurs délires extrémistes via des conférences qui étaient encore récemment très limitées en nombre et quasi-cantonnées à l'est de l'Allemagne, notamment dans la Saxe.

Jusqu'ici du moins. Car pas moins d'une soixantaine de ces conférences ont ainsi été organisées un peu partout en Allemagne pour la seule année 2018, selon une note des renseignements d'outre-Rhin que le magazine Focus a pu consulter. Une explosion de leur nombre, mais aussi de leur fréquentation puisque certains de ces événements ont rassemblé plusieurs centaines de participants.

Lire: Les nazis ont-ils survécu? Le livre enquête choc de Nicolas Lebourg

Des événements peuplés de visages jeunes pour une bonne part, selon les photos publiées sur les réseaux sociaux, et parfois même des familles, venues entendre les sinistres mémoires de vétérans désormais nonagénaires de la Waffen-SS ou des Jeunesses hitlériennes. Des "témoins" fanatiques, pour certains bien connus qui s'intéressent à la mouvance, comme Klaus Grotjahn, ancien de la 11e Division SS des volontaires scandinaves "Nordland", Richard Neubrech, passé par la 3e SS Panzer Division "Totenkopf" connue pour sa cruauté, ou Karl Münter de la 12e Division SS Panzer "Hitlerjugend" notamment.

Illustrant leur radicalité, ce dernier, Münter, est "célèbre" pour son rôle dans le massacre de 86 civils à Ascq perpétré en avril 1944. Un crime de guerre parfois aussi appelé l'"Oradour du Nord" qui lui a valu d'être condamné à mort par contumace en 1949 mais pour lequel il clame n'avoir "aucun regret". A noter aussi, un certain "Paul" qui a témoigné 15 fois pour la seule année 2018, selon la radio publique NDR, pour raconter son engagement chez les SS puis en tant que gardien de camp de concentration. Tous deux font ça pour enseigner "leur vérité" aux jeunes générations.

Ces rendez-vous ne sont ainsi pas de simples amicales de nostalgiques du IIIe Reich. Les renseignements allemands alertent sur la "fonction de formation idéologique" qu'ils remplissent en mettant en contact les nouvelles générations militantes avec les précédentes. Mais aussi sur le danger potentiel qui émane de ces discours qui dressent des parallèles entre la lutte militaire passée de la mouvance et "la lutte politique actuelle des extrémistes de droite".

Les groupuscules d'extrême droite radicale sont en outre de plus en plus impliqués dans l'organisation de ces conférences, toujours selon le renseignement allemand. Parmi eux, la "Dritte Weg" ("Troisième voie") néo-nazie est notablement impliquée. Le groupe communique même publiquement sur les rendez-vous organisés autour des "témoins de l'époque", comme la lecture organisée autour de l'ex de la "Totenkopf" Richard Neubrech (à qui les militants ont même offert un petit panier-garni) en octobre dernier.

Au-delà du fantasme du guerrier, toujours très important à l'extrême droite, ces survivants jouent aussi le rôle de "passeurs" de mémoire pour que se perpétue la vision du monde basée sur le racisme, l'autoritarisme et la violence pour laquelle ils ont combattu les armes à la main. Une continuité de leur engagement: autrefois soldats du nazisme, ils sont désormais les instructeurs et recruteurs de la nouvelle génération.

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