Attentat de Christchurch : l'enquête élargie à Brittany Pettibone, égérie identitaire
Brittany Pettibone, fiancée du leader Identitaire autrichien Martin Sellner, est désormais comme son compagnon visée par l'enquête autrichienne visant à déterminer les éventuelles complicités entre Brenton Tarrant, le terroriste de Christchurch, et cette mouvance d'extrême droite. Un couple aux idées très radicales et proche des Identitaires français.
L'enquête sur les liens entre la mouvance identitaire européenne et l'auteur de l'attentat d'extrême droite de Christchurch, Brenton Tarrant, ainsi que ses réseaux australiens, s'élargit. C'est désormais Brittany Pettibone qui est dans le viseur des enquêteurs autrichiens, comme elle l'a elle-même confirmé. La jeune Américaine, passionaria du nationalisme et du complotisme d'extrême droite est la fiancée de Martin Sellner, chef de la branche autrichienne des Identitaires (IBÖ) et proche des Français de Génération identitaire (GI), déjà mis en examen en Autriche pour ses liens présumés avec Tarrant.
Les voyages, nombreux, de Tarrant avant qu'il ne massacre 51 fidèles musulmans dans des mosquées néo-zélandaises, le 15 mars dernier, inquiètent les autorités internationales, qui cherchent à établir les liens voire complicités qu'il pourrait avoir créés avec des militants d'extrême droite un peu partout dans le monde. A ce stade, diverses investigations sont ouvertes et impliquent des enquêteurs et agences de renseignement sur plusieurs continents, dont l'Europe. Car si Tarrant a expliqué dans sa revendication de l'attentat ne faire partie d'aucun mouvement, les enquêtes tendent à prouver qu'il aurait entretenu des liens, parfois étroits, avec de nombreuses personnalités de premier plan de la mouvance de la droite radicale.
A l'image de ses échanges de mails avec Martin Sellner, a priori après que Tarrant ait fait 1.500 euros de dons à l'IBÖ (et autant à GI). Si le futur époux de Brittany Pettibone est inquiété pour ces contacts directs avec le terroriste, la jeune femme est pour sa part visée pour ses liens avec le néo-nazi australien Blair Cottrell, qui serait potentiellement proche du terroriste de Christchurch.
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Cottrell est un extrémiste australien bien connu, co-fondateur de la Lads Society, un groupuscule de suprémacistes violents gérant un club de gym et un bar à Melbourne, et héritier du mouvement néo-nazi United Patriots Front. Cottrell est un colosse plusieurs fois condamné pour violences, qui a par exemple harcelé son ex-petite amie et son nouveau partenaire, puis tenté d'incendier la maison de ce dernier. Mais c'est aussi, alors qu'il est tout juste trentenaire, une des têtes d'affiche de l'activisme nationaliste radical en Australie. Il a ainsi affirmé publiquement souhaiter voir des portraits d'Adolf Hitler affichés dans toutes les salles de classe du pays ou organisé avec deux comparses, dont un grimé en caricature de musulman, une fausse décapitation publique pour protester contre la construction d'une mosquée… Il clame également que, s'il accédait au pouvoir, il déclencherait "la déportation des ennemis de son pays et exécuterait ceux qui refuseraient de partir", autrement dit une forme de ce que certains nomment la "remigration".
Surtout, la télévision publique australienne ABC News a mis en évidence le soutien affiché de Brenton Tarrant en faveur de Blair Cottrell et leur communauté idéologique. Le terroriste de Christchurch était ainsi un "partisan actif" du groupe Facebook de l'United Patriots Front depuis 2016 selon l'analyse des métadonnées menée par la chaîne, qui a également identifié qu'il surnommait Cottrell "l'empereur".
Contacté par ABC, l'intéressé a nié connaître Tarrant, reconnaissant toutefois qu'un membre de son organisation avait pu le rencontrer. Tom Sewell, un autre membre de la Lads Society fondée par Blair Cottrell, a de son côté reconnu avoir proposé à Brenton Tarrant de rejoindre le groupe. Celui-ci, qui était sur le point de partir en Nouvelle-Zélande, aurait décliné l'invitation selon Sewell, cité par le Sydney Morning Herald, car il "ne croyait pas qu'il y avait une solution pacifique au génocide des Européens".
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Brittany Pettibone était en contact avec Blair Cottrell et la mouvance d'extrême droite radicale australienne. Elle a ainsi "interviewé" le colosse australien par Skype en 2018, le présentant comme un simple militant anti-islam. Intitulée "No Freedom Of Speech In Australia With Blair Cottrell" ("pas de liberté de parole en Australie avec Blair Cottrell"), cette vidéo librement accessible et destinée à être vue par leurs partisans relève plus de l'entretien entre convaincus lors duquel Cottrell développe son argumentaire extrémiste sous l'œil bienveillant de Pettibone. Lorsque son interlocuteur décrit ses méthodes d'intimidation des journalistes, elle moque leur "lâcheté" et acquiesce lorsqu'il affirme, entre deux saillies nationalistes, que le seul moyen de les "faire taire" est de leur faire craindre pour leur vie; Pettibone compatit enfin lorsqu'il regrette que le bannissement du groupe par Facebook complique sa dynamique.
L'entretien de Brittany Pettibone et Blair Cottrell.
Car Brittany Pettibone, sous ses airs de jeune femme de bonne famille est elle aussi une extrémiste, et porte un discours complotiste, ethniciste –si ce n'est raciste–, islamophobe et antisémite. Egérie de l'alt-right américaine, elle a par exemple participé à monter en épingle le délire complotiste du "Pizzagate": un soi-disant réseau pédophile dirigé par le directeur de campagne d'Hillary Clinton et hébergé dans un pizzeria… Des élucubrations, maintes fois démontées, qui pourraient prêter à sourire si elles n'avaient mené un homme à débarquer dans le restaurant et à ouvrir le feu, heureusement sans faire de victime.
Activiste professionnelle, même si elle dit aussi vendre des livres, la promise de Sellner savait avec qui elle parlait en interrogeant en vidéo Blair Cottrell. C'est en outre un classique pour cette amie proche de la Canadienne Lauren Southern (24 ans), autre égérie de l'alt-right aux plus de 170.000 abonnés sur Instagram.
Les deux jeunes femmes sont ainsi des animatrices importantes de "l'internationale fasciste" qui prend corps et est très interconnectée. On le voit quand Cottrell fait demander à Pettibone par un intermédiaire si Sellner "pourrait (le) conseiller sur la construction du mouvement de droite en Australie"; quand les gros bras de la Lads Society servent de garde du corps à Lauren Southern; ou quand cette dernière s'affiche avec un pull "Fighting for the rebirth of Europe" ("Combattre pour la renaissance de l'Europe") siglé du logo des Identitaires, mouvement français né de la Nouvelle droite et ayant essaimé en Europe.
Lauren Southern à un rassemblement de l'extrême droite australienne en juillet 2018. L'homme à sa gauche, à genou, est son garde du corps pour l'occasion membre de la Lads Society. Plusieurs des sujets de la photo font le signe "White Power" avec leurs doigts.
Pettibone, Southern et Sellner étaient présents à plusieurs opérations montées par Génération identitaire, dont ils sont proches, ce que reconnaissent sans mal les cadres ou ex-cadres de GI en "off". Ils étaient ainsi à bord du navire antimigrants C-Star (une opération qui a été un échec complet) en 2017, ou encore dans les rangs des "patrouilles antimigrants" du col de l'Echelle, dans les Alpes, en 2018.
Des Identitaires français qui ont eux aussi reçu des dons de Brenton Tarrant. Quatre pour être précis, ont-ils confirmé récemment à France-Soir, et pour un montant d'environ 1.500 euros, comme leurs compères autrichiens.
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