Bataille de Mossoul : d'où vient la Golden Division, force d'élite en pointe de l'assaut contre Daech ?

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Stéphane Mantoux avec la rédaction de FranceSoir.fr
Publié le 14 novembre 2016 - 15:32
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Des hommes de la Golden Division.
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©Sabah Arar/AFP
Des membres de la Golden Division, force d'élite antiterroriste irakienne mobilisée pour reprendre Mossoul à Daech.
©Sabah Arar/AFP
La Golden Division irakienne est la force d'élite fer de lance des opérations menées à l'est de Mossoul pour reprendre la ville aux djihadistes de Daech. Quasi Etat dans l'Etat, rattachées directement au Premier ministre, entraînées, équipées et encadrées par les Américains, ces troupes initialement créées pour désarmer les milices du pays sont devenues un acteur majeur de la lutte contre le terrorisme en Irak.

Presque un Etat dans l'Etat. L'Iraqi Counter Terrorism Service (ICTS) est un service quasi ministériel, indépendant du ministère de la Défense et du ministère de l'Intérieur irakien, organisé autour d'un état-major, d'une structure de commandement et de trois brigades opérationnelles. Cette structure a été créée par les Américains.

Les forces spéciales américaines forment dès novembre 2003 le 36e bataillon de l'Iraqi Civil Defense Corps, destiné à désarmer les différentes milices et qui recrute dans tous les partis politiques et toutes les confessions irakiennes. Le bataillon est opérationnel dès le mois suivant, en décembre 2003. Les Américains forment ensuite l'Iraqi Counter Terrorism Force (ICTF) dont les membres sont entraînés en Jordanie par les forces spéciales locales et américaines. Les deux forces sont fusionnées en mai 2004 dans l'Iraqi Special Operations Force (ISOF) qui a sa base dans l'ancien complexe de palais de Radwaniyah près de l'aéroport international de Bagdad.

Le 36ème bataillon devient le 1er bataillon (spécialisé dans les raids et les embuscades) et l'ICTF le 2ème bataillon (spécialisé dans l'antiterrorisme, sauvetage d'otages par exemple). Les Américains rajoutent une compagnie de reconnaissance, qui devient bientôt un bataillon, un bataillon de soutien et l'Iraqi Special Warfare Center and School (ISWCS), centre d'entraînement modelé sur Fort Bragg (celui des Bérets verts américains). L'ICTF est donc entièrement formée par les Américains, avec un haut degré de professionnalisme et un moral très élevé. Tout le matériel, dont de nombreux Humvees, des 4x4 blindés légers, sont également fournis par les Etats-Unis. L'entraînement est similaire à celui des Rangers américains: les recrues viennent pour moitié de l'armée et pour l'autre d'engagements volontaires, et le taux d'usure pendant l'entraînement est important.

L'ICTF participe aux opérations d'envergure comme celle de 2008 à Bassora contre les miliciens chiites de Jaysh al-Mahdi. Mais la plupart des actions se font à l'échelon de la compagnie, tactique, souvent de nuit, avec la présence des conseillers des forces spéciales américaines: l'ICTF gagne rapidement sa réputation de force d'élite des forces de sécurité irakiennes.

A la mi-2006, elle comprend 1.600 hommes. Les Américains parviennent à négocier avec le gouvernement irakien, entre 2006 et 2008, la création d'un Counter Terrorism Service (CTS) et d'un Counter Terrorism Command (CTC, identique à celui de leur propre commandement des forces spéciales) indépendant du ministère de la Défense et de l'Intérieur, et qui est commandé par un général de division, puis de corps d'armée, enfin d'armée. Néanmoins, le Premier Ministre al-Maliki place le CTS et le CTC sous ses propres ordres et le coupe du ministère de la Défense, ce qui provoque la colère de ce dernier, furieux de voir le CTS devenir un quasi ministère indépendant de son giron, et de perdre ses meilleurs éléments, tandis que le Parlement irakien s'inquiète de l'utilisation qu'al-Maliki pourrait faire de ce service.

Fin 2007, les 4 compagnies déjà stationnées en dehors de Bagdad passent au rang de bataillon dans les provinces de Bassora, al-Anbar, Ninive et Diyala. Quatre centres régionaux sont créés, plus un à Bagdad. Fin 2007, l'ISOF Brigade compte déjà 3.500 hommes. La 2nd ISOF Brigade est créée en juillet 2009: elle regroupe les bataillons stationnés en dehors de Bagdad. La 1st ISOF Brigade se charge des opérations à Bagdad, même si son 2ème bataillon intervient dans tout le pays: c'est elle qui est surnommé « Golden Brigade » puis « Golden Division ». Le CTS passe à 9.230 hommes en 2009.

Cependant, en 2010, le CTS est en sous-effectifs: d'une part le ministère de la Défense rechigne à lui envoyer des recrues et ne facilite pas les choses en raison des relations exécrables entre les deux institutions, et d'autre part la sélection reste rude sous l'influence des Bérets verts américains, ce qui limite le nombre de postulants. Le CTS manque de sous-officiers et d'officiers subalternes, alors même qu'il essaye de mettre en place une flexibilité tactique reposant justement sur les sous-officiers, traditionnellement négligés dans les armées arabes. Malgré le transfert progressif de compétences au gouvernement irakien, l'ISOF reste encadrée par les Américains, et sa principale faiblesse tient à cette dépendance.

Par ailleurs, le CTS est accusé d'être employé par al-Maliki pour régler des comptes politiques, dans ses arrestations. La 1st ISOF Brigade comprend cependant en septembre 2008 61% de chiites, 24% de sunnites et 12% de Kurdes, ce qui est remarquable par rapport aux autres forces irakiennes dominées par les chiites. Malheureusement les officiers sont parfois désignés par al-Maliki qui veut placer des hommes à lui dans cette structure.

Entre 2008 et 2010, le CTS a effectivement été utilisé comme une force partisane par le Premier ministre, pour neutraliser ses adversaires politiques. Après un incident à Diyala en août 2008, les Américains ont même menacé de se retirer du CTS si un changement n'intervenait pas. La proximité du CTS avec les Américains n'aide pas à le rendre populaire auprès des Irakiens. En outre, le ministère de la Défense ne facilite pas le financement du CTS, qui connaît des difficultés de ce point de vue en 2009-2010. La Défense prête cependant au CTS le 15th Special Operations Squadron, qui avec ses hélicoptères Mi-17 fournit une composante aérienne au CTS, mais la coopération reste difficile et le CTS dépend encore largement de l'aviation de la coalition internationale. En outre, d'autres structures, comme l'Emergency Response Brigade (ERB) du ministère de l'Intérieur, elle aussi créée par les forces spéciales américaines, empêchent d'avoir une cohérence et une unicité dans l'antiterrorisme.

Au moment du retrait américain de décembre 2011, le major général Fadhel Barwari, qui commande la 1st ISOF Brigade, exprime ses craintes au regard du devenir du CTS sans la présence des conseillers américains. Le nombre de ces derniers baisse considérablement, la CIA prenant en partie le relais jusqu'à la fin 2013-début 2014, moment où les forces spéciales américaines reviennent plus nombreuses pour encadrer le CTS avec la montée en puissance de l'Etat Islamique en Irak et au Levant. Au printemps 2013, une 3rd ISOF Brigade est créée à Bassora: la 2nd est désormais à Mossoul tandis que la 1st reste à Bagdad. Le CTS aligne à la fin de l'année 13.000 hommes.

Mais la qualité de l'entraînement se dégrade, le nombre faisant baisser la qualité. En outre al-Maliki continue de favoriser la loyauté politique sur l'efficacité militaire. Le CTS est de plus en plus employé comme "brigade de pompiers", force bonne à tout faire en dehors du cadre original de ses missions à l'échelon tactique. Par contre, devenu très médiatisé, le service sert d'image de cohésion pour les Irakiens. Au début 2014, le CTS est utilisé comme force conventionnelle pour reprendre le terrain perdu dans la province d'al-Anbar face à l'Etat Islamique en Irak et au Levant: mal équipé en moyens lourds (artillerie, appuis, blindés), la 1st ISOF Brigade y subit des pertes élevées.

La déroute de l'armée irakienne à Mossoul montre au contraire que le CTS conserve des capacités: il contre-attaque vers Tikrit, une de ses unités tient la raffinerie de Baiji, puis nettoie le barrage de Mossoul en août 2014 avec les peshmergas. Depuis, le CTS a participé à toutes les grandes offensives contre l'EI en Irak: reprise de Ramadi, de Falloujah, et désormais de Mossoul, confirmant son statut de troupe d'élite et conservant son caractère transcommunautaire. Il a accumulé une expérience considérable, mais il est toujours employé dans des opérations d'envergure qui ne correspondent pas forcément à sa conception d'emploi originelle.

Depuis le début de l'offensive contre Mossoul le lundi 17 octobre, la Golden Division (1st ISOF Brigade) et la 2nd ISOF Brigade sont engagées à l'est de la ville. Très présente sur les réseaux sociaux, l'ISOF communique notamment via sa page Facebook ou son compte Twitter. Des communiqués de situation quotidienne y sont diffusés, de même que des statistiques sur l'opération. Les photos de matériel, par exemple les Humvees de couleur sombre typiques de l'IOSF, confirment l'organisation régionale du CTS (un Humvee porte par exemple le nom de la province de Diyala).

Les vidéos de combats de ces derniers jours dans les quartiers est de Mossoul produites par l'ISOF montrent des fantassins tirant depuis les toits, armés d'AK-47 et de mitrailleuses M240/249. Le 9 novembre, l'ISOF publie les photos d'un atelier de montage de VBIED capturé. L'ISOF semble être appuyé par son escadrille de Mi-17. Le 5 novembre, elle filme l'entrée dans le quartier de Zahra: les combattants des forces spéciales, casqués, armés de M-4, RPG-7, M-240 et fusils de sniper M24 SWS, investissent les bâtiments et leurs toits soutenus par les Humvees et au moins un char M-1 Abrams.

 Le 2 novembre, l'ISOF filme un véhicule de l'EI détruit dans le quartier de Zahra. La force semble déployer un grand nombre de snipers parmi ses rangs: l'un d'eux, photographié le 1er novembre, avec un masque à tête de mort, manipule un Orsis T-5000 russe. L'ISOF s'est plainte d'avoir été engagée à mauvais escient dans les quartiers urbains à l'est de Mossoul, subissant des pertes assez lourdes suite à des embuscades rondement menées par l'EI.

Cet article a été rédigé par Stéphane Mantoux en partenariat avec "FranceSoir". Retrouvez plus d'informations sur la bataille de Mossoul et Daech sur le blog de l'auteur en cliquant ICI.

 

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