Changement d'heure : la Commission européenne, maître du temps ?
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a annoncé lui-même au cours d’une interview en direct sur la chaîne de la télévision publique allemande ZDF, le 31 août dernier, que l’institution allait proposer d’abandonner le système du changement d’heure. Il a constaté que: "Les gens en ont assez de devoir changer leur montre d’heure deux fois l’an".
Pour motiver cette initiative, la Commission européenne s’appuie sur une consultation publique ouverte entre juillet et août 2018 avec un nombre record de participants : environ 4.6 millions de réponses en un peu plus d’un mois (dont 70% en provenance d’Allemagne).
Un chiffre à relativiser avec les presque 512 millions d’habitants de l’Union européenne mais qui est sensiblement plus élevé que les précédentes consultations publiques lancées auparavant par la Commission européenne. Et à moins d’un an des prochaines élections européennes, cette dernière y a certainement vu une opportunité de faire parler d’elle sur un sujet populaire. Surtout que le résultat est clair: 76% des répondants ont une expérience négative avec le changement d’heure et 84% sont en faveur d’une abolition de cette règle.
Il est vrai que le changement d’heure est un sujet ancien qui ne fait pas l’unanimité. En effet, rien que dans le monde, seuls 70 pays, sur les 194 reconnus par l’ONU, reculent leur montre d’une heure à l’arrivée du printemps pour rétablir ensuite l’heure standard durant l’automne. Alors pourquoi?
Une pratique adoptée sur fond de crise pétrolière
La plupart des pays européens ont commencé à adopter le changement d’heure durant la première guerre mondiale afin d’améliorer l’exploitation de la lumière du jour pour les activités quotidiennes dans le but d’économiser l’énergie. Cette pratique a été abandonnée à la fin de la guerre puis ré-instituée durant la seconde guerre mondiale avant d’être de nouveau abandonnée une fois la paix revenue.
Il faudra attendre les années 1970 et la crise pétrolière pour voir les Etats européens s’intéresser de nouveau à ce système de changement d’heure biannuel. De nouveau dans l’idée d’économiser de l’énergie au moment où celle-ci se faisait plus rare. Valery Giscard d’Estaing rétablit donc le changement d’heure en France en 1976. En 1980, les neuf membres de la Communauté économique européenne (comme on appelait l’Union européenne à l’époque) modifient désormais deux fois par an l’heure sur leur montre. Mais de manière totalement désarticulée.
En effet, les dates désignées par chacun des pays, l’heure d’été et l’heure d’hiver n’étaient pas les mêmes ce qui créaient des difficultés dans les échanges commerciaux et dans le fonctionnement du marché commun. La Commission se saisit donc (et déjà) du sujet pour harmoniser cette pratique commune: dans toute l’Union européenne, l’heure d’été commence le dernier dimanche de mars et se termine le dernier dimanche d’octobre.
Une pratique aux bénéfices incertains toujours débattue
Seulement voilà, les économies d’énergie réalisées seraient, au vu des études, plutôt modestes. Des observateurs ont mis en avant que ce changement horloger deux fois par an avait des conséquences néfastes sur le sommeil et la santé de la population (sans que les rapports sur la question ne soient réellement concluants). Il existe également des arguments contradictoires quant aux conséquences du changement d’heure sur la sécurité routière: quand les uns observent une augmentation des accidents liés aux troubles du sommeil, d’autres affirment que le risque d’accident diminue en raison d’une meilleure exposition à la lumière du jour.
Lire: L'heure du repas du soir aurait une incidence sur la santé
Devant si peu d’éléments scientifiques, l’Union européenne s’en est donc remise au jugement populaire. Et après avoir harmonisé les dates de changement d’heure, elle propose tout simplement de les supprimer. Mais que choisir? Revenir à l’heure standard, c’est-à-dire l’heure d’hiver? Ou faire de l’heure d’été la règle?
A chaque pays son heure?
Là encore, une majorité se dégage à l’analyse des résultats de la consultation citoyenne lancée par la Commission européenne: 56% sont en faveur de l’heure d’été contre 32% en faveur de l’heure d’hiver (51% contre 39% en France). Le président de la Commission européenne a pourtant annoncé le 12 septembre 2018 que ce seront aux pays membres de l’Union européenne de choisir s’ils préfèrent garder l’heure d’été et l’heure d’hiver. L’un des principes de l’Union européenne est en effet qu’elle décide uniquement lorsque son action est jugée plus efficace qu’une action nationale.
En l’occurrence, l’exposition à la lumière du jour dépend pour chaque Etat de sa position géographique et du fuseau horaire que celui-ci applique. L’Union européenne estime donc que le meilleur niveau de décision est le niveau national. Les critiques avancent déjà que cela pourrait être un retour à la cacophonie entre les Etats membres. Néanmoins le Commissaire européen en charge de l’énergie, Maros Sefcovic, a d’ores et déjà affirmé que "la Commission va faire tout son possible pour que les pays se coordonnent et agissent de manière intelligente" pour éviter des situations trop différentes de part et d’autres du territoire européen.
La proposition de la Commission européenne, qui doit encore être votée par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, prévoit en tout cas que les Etats doivent notifier s’ils prévoient d'appliquer de façon permanente l'heure d'été ou l'heure d'hiver au plus tard en avril 2019. Violeta Bulc, Commissaire européenne en charge des transports, a précisé que le Portugal, Chypre et la Pologne ont déjà fait savoir à Bruxelles qu’ils voulaient s’en tenir à l’heure d’été. La Finlande, le Danemark et les Pays-Bas préfèrent quant à eux l’heure d’hiver. Le dernier passage obligatoire à l'heure d'été aurait lieu le dimanche 31 mars 2019 tandis que les Etats qui auront choisi l’heure d’hiver procéderaient au dernier changement le 27 octobre 2019.
(Centre Information Europe Direct de la Maison de l’Europe de Paris)
Lire aussi:
Europol: l’agence qui veille sur votre cyber-sécurité
La Politique agricole commune se réinvente: gros chantier en cours
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.