Le Hezbollah libanais en Syrie : l'assaut contre la station T2 tenue par l'Etat islamique (Deir Ezzor)
Le Hezbollah libanais est engagé militairement en Syrie, de façon prononcée, depuis le printemps 2013 (on se rappelle son rôle décisif dans la bataille de Qusayr). Après plus de quatre années de combat, ayant provoqué de nombreuses pertes au sein de ses rangs (au minimum 1.038 tués de septembre 2012 à avril 2017, mais le nombre doit être revu à la hausse), lui ayant aussi permis d'engranger une expérience militaire considérable, le Hezbollah continue d'appuyer les assauts du régime syrien, aux côtés de son parrain iranien, des autres milices supplétives engagées par ce dernier en Syrie (Liwa Fatemiyoun, etc) et de la Russie.
La vidéo a pour théâtre l'assaut sur la station de pompage T2. On voit bien l'objectif du régime syrien par la double offensive, liquider la poche de l'EI dans le désert.
Le 26 octobre 2017, la chaîne YouTube du média "Information militaire centrale", piloté par le Hezbollah, met en ligne une vidéo qui nous montre l'implication du groupe dans l'offensive du régime syrien à l'est de la Syrie, contre l'Etat islamique. Cette vidéo renseigne l'assaut sur la station de pompage T2, à l'est du village d'Humaymah, dans le désert au sud-est de la province de Deir Ezzor. On se rappelle qu'en août dernier, l'EI avait réussi à freiner la progression du régime syrien sur cet axe, menant plusieurs contre-attaques ponctuelles coûteuses pour son adversaire. Alors que les forces de Bachar el-Assad ont atteint Deir Ezzor début septembre, ont encerclé l'Etat islamique dans les quartiers de la ville qu'il contrôlait, et ont libéré Mayadin plus au sud, elles renouvellent également l'offensive au sud-est de la province, dans le désert, avec en ligne de mire al-Bukamal, ville située non loin de la frontière irakienne. L'objectif de cette offensive "en pinces" est aussi de forcer les djihadistes à abandonner la zone désertique qu'ils contrôlent encore au sud-ouest de Deir Ezzor.
Cette vidéo filme les forces spéciales du Hezbollah qui participent à l'offensive autour de la station de pompage T2 en direction de l'est. On peut voir d'abord un tir avec une mitrailleuse lourde KPV (14,5 mm). Un combattant du Hezbollah ouvre le feu avec une mitrailleuse PKM, un lance-roquettes RPG-7 posé à côté de lui. Ce combattant est casqué, équipement typique des forces du Hezbollah en Syrie, comme le sont quasiment tous les autres soldats visibles. A l'arrière-plan, on distingue un lance-missiles antichar Metis-M mis en batterie sur la même position. Les hommes du Hezbollah que l'on aperçoit dans cette vidéo appartiennent peut-être à la brigade Radwan, du nom d'Imad Mugniyeh, cadre important du Hezbollah tué à Damas en 2008. Cette brigade d'élite a l'expérience des raids et des combats urbains de par son engagement précoce en Syrie. Des officiers de cette unité ont été tués dans ce secteur début octobre. L'unité utilise ici, également, un mortier léger. A côté des sempiternelles AK-47/AKM, un des combattants de la milice libanaise, muni d'une caméra GoPro sur le casque, semble tirer avec un FAMAE SIG SG 540/1, une copie chilienne d'un fusil d'assaut suisse. Plus loin dans la vidéo, les combattants du Hezbollah se servent d'un lance-missiles antichar Metis-M.
Le Hezbollah dispose apparemment de ses propres moyens du génie avec des sapeurs qui font exploser les IED, et deux bulldozers.
Le groupe ne fait pas que déployer ses forces spéciales. Le fait est connu de longue date, mais la vidéo le montre bien: le Hezbollah dispose de blindés mis à sa disposition par le régime syrien. Une caméra de Type GoPro est ainsi montée sur un char T-55. Le groupe aligne aussi, dans cette vidéo, une Jeep Wrangler, peut-être venue du Liban, mais également un véhicule léger iranien Safir armé d'un canon sans recul de 106 mm (copie iranienne du M40 américain sans doute), montage classique également parmi les milices chiites irakiennes soutenues par l'Iran. Une Jeep Wrangler porte le fanion du Hezbollah, assez facilement reconnaissable. La vidéo montre aussi un char T-62 pris en main par la milice, là encore fourni par le régime de Damas. Au niveau des moyens d'appui, l'unité dispose d'un pick-up Toyota sur lequel est monté un lance-roquettes multiple Type 63 (107 mm) et d'un Safir iranien, là encore, avec le même armement. Une mitrailleuse KPV est également montée sur un pick-up. L'unité semble avoir un deuxième char T-55 à disposition, l'un étant bardé de jupes de protection pour les chenilles, l'autre non. Le régime syrien a également cédé, semble-t-il, au moins deux véhicules blindés BMP-1 à cette unité du Hezbollah, qui portent d'ailleurs chacun le fanion de l'organisation et sont munis d'un blindage "cage" autour de la tourelle typique des productions du groupe en Syrie.
Cette vidéo confirme aussi l'imbrication très étroite entre les soutiens étrangers du régime syrien. Un tireur d'élite filmé en action ne semble pas appartenir au Hezbollah, mais bien aux forces spéciales russes (il opère peut-être sur un fusil Orsis T-5000). A la fin de la vidéo, il semble que l'on revoit le même homme, avec ce qui semble bien être la même arme, accompagnant les combattants du Hezbollah. Les forces spéciales de Moscou encadrent donc sur le terrain l'élite de la branche armée de la milice libanaise. Il s'agit peut-être de membres d'une unité de Spetsnaz du GRU qui ont été déployés en Syrie dès le début de l'intervention russe en septembre 2015.
L'Etat islamique, bien que durement pressé par le régime syrien et ses alliés à Deir Ezzor, au sud de Mayadin, contre-attaque encore sur le front de la station T2, reculant toutefois progressivement vers l'est. Le 27 octobre, le lendemain de la mise en ligne de la vidéo du Hezbollah, Amaq (agence de propagande de l'EI) filme un tir de missile antichar Fagot sur une position du régime dans ce secteur. Le même jour, un reportage photo de la wilayat al-Furat montre un char T-72M1 avec Sarab, un lance-roquettes monté sur pick-up et quatre véhicules blindés improvisés engagés dans une contre-attaque. Le lendemain 28 octobre, le Hezbollah publie une nouvelle vidéo où l'on voit trois véhicules blindés improvisés de l'Etat islamique, dont probablement ceux du reportage photo du groupe, détruits lors de la défense orchestrée par le groupe libanais.
> Merci à Mathieu Morant.
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