La Commission accroît son soutien aux investissements sociaux : réelle avancée ou coup d'épée dans l'eau ?
"L'Europe est antisociale! Elle est indifférente voire hostile à l'égard des droits sociaux", "l'Union européenne n'est qu'une entité économique, elle n'est qu'un marché unique!"... De telles affirmations se font souvent l'écho des pensées de nombreux citoyens européens. Pourtant, bien que souvent critiquée pour sa faible dimension sociale, l'Union européenne a apporté ces dernières années un soutien croissant aux politiques sociales de ses Etats membres. Que cela soit sous la forme de prêts ou encore de garanties, la part des instruments financiers ayant pour but de stimuler l’investissement n'a cessé d'augmenter, ceux-ci ayant notamment soutenu de nombreux projets à vocation sociale à travers l'Europe.
"Après la crise de 2008, les Etats membres nous demandent de réintervenir pour relancer l’économie", révèle Stéphane Viallon, en charge du secteur public à la Banque Européenne d’Investissement (BEI).
En 2015, après une période de crise financière et économique ayant débuté en 2008, le Plan d'investissement pour l'Europe ou "Plan Juncker" est mis en œuvre afin de répondre aux préoccupations des États membres. Le marché européen, accablé par un manque de confiance des investisseurs, avait alors largement bénéficié de ce retour des investissements. Le Plan Juncker poursuivait trois objectifs: éliminer les obstacles à l’investissement, apporter de la visibilité et une assistance technique aux projets d’investissement et mieux utiliser les ressources financières. Déployé en collaboration avec le groupe Banque européenne d'investissement via le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) devenu la clé de voûte du programme de relance de la Commission. Qualifié de franc succès, il avait notamment permis le financement de nombreux projets dans le domaine des politiques sociales. Cette part des investissements était néanmoins restée limitée, notamment car le Plan Juncker ne dédiait pas explicitement de volet aux investissements sociaux.
> 90% dédiés aux investissements sociaux
Le 6 juin dernier, la Commission européenne a proposé son programme "InvestEU", bâti sur le succès du Plan Juncker, mais y apportant des modifications notables. Présenté comme une véritable version améliorée du Plan d'investissement pour l'Europe, "InvestEU" laisse présager une importance croissante accordée au soutien de la Commission pour les politiques sociales des Etats membres. Le programme, en plus de dédier explicitement un de ses quatre volets au social, prévoit également une augmentation sensible du budget qui y sera dédié. "InvestEU" consacrera en effet quatre des 38 milliards mobilisés dans le cadre du programme aux investissements sociaux. Si cette part paraît résiduelle en comparaison aux montants alloués aux trois autres volets, à savoir les infrastructures durables; la recherche, l'innovation et la numérisation; et les petites et moyennes entreprises, cela représente néanmoins une augmentation de 90% par rapport à la première version du plan Juncker mis en œuvre entre 2015 et 2017. "InvestEU" représente ainsi une réelle avancée en faveur de l'Europe sociale en consacrant de façon exclusive une fenêtre au développement d'une économie sociale et solidaire. Ces financements seront notamment investis dans des projets à caractère social, en particulier la construction d'infrastructures telles que des logements sociaux, des hôpitaux ou encore des écoles.
"InvestEU apporte deux modifications importantes au plan Juncker: en premier lieu, une nouvelle fenêtre exclusivement dédiée au social et en second lieu, un rôle accru pour les institutions nationales, comme la Caisse des dépôts, qui viendront compléter l’action de la BEI", explique Sophie Barbier, directrice du Pôle Europe à la Caisse des Dépôts.
Afin de déployer les financements sur le terrain, "InvestEU" prévoit une implication davantage conséquente des acteurs nationaux en comparaison au plan Juncker. Ainsi, ce fonds sera investi non seulement par le groupe de la Banque européenne d'investissement, principal partenaire financier de la Commission ayant mis en œuvre et géré avec succès l’EFSI, mais aussi par des partenaires financiers nationaux, tel que la Caisse des dépôts en France. Selon Sophie Barbier, "cela est très important puisque les acteurs nationaux ont l’habitude d'intervenir dans le champ des politiques sociales et sont donc les plus à même de déployer de façon adaptée les financements, au plus près des préoccupations des citoyens".
> La caisse des dépôts, principal financeur du logement social en France grâce aux investissements européens.
Déjà dans le cadre du Plan Juncker, la Caisse des dépôts avait participé au déploiement des investissements européens en complétant, à l’échelle nationale, l'action de la BEI. La Commission avait ainsi permis à son partenaire français de disposer de garanties suffisantes afin de de financer, grâce à des prêts de long terme à conditions favorables, la rénovation énergétique de 400.000 logements sociaux. Dans le cadre du programme "InvestEU", le rôle accru offert aux institutions nationales devrait là encore favoriser un déploiement approprié des investissements sociaux européens au plus proche des populations, sur le terrain, et ainsi améliorer les conditions de vie milliers de citoyens européens.
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