La Politique agricole commune se réinvente : gros chantier en cours

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La Maison de l'Europe à Paris, édité par la rédaction
Publié le 09 octobre 2018 - 16:15
Mis à jour le 10 octobre 2018 - 12:28
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Exploitation agricole porcine le 25 septembre 2018 à Jodoigne, au sud de Bruxelles
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© JOHN THYS / AFP
La Commission européenne souhaite baisser le budget de la PAC, ce qui ne ravie pas la France.
© JOHN THYS / AFP
La Commission européenne a présenté le 1er juin 2018 ses nouvelles orientations pour la Politique agricole commune (PAC) pour la période 2021-2027, axées sur la modernisation et la simplification. Les réactions, dans un domaine où la France conserve des intérêts forts, sont partagées. La Maison de l'Europe de Paris revient sur ce gros chantier en cours pour France-Soir.

Pour le gouvernement français et le syndicat français majoritaire des agriculteurs, la FNSEA, le débat sur la Politique agricole commune (PAC) à la Commission européenne se situe pour le moment davantage sur le terrain budgétaire. En effet, la plus ancienne politique commune de l’Union européenne (UE) demeure à ce jour le premier poste de dépenses de son budget. Toutefois, elle risque de souffrir de la sortie du Royaume-Uni de l’UE avec ses conséquences à venir en termes de budget. Selon les propositions de la Commission européenne, elle ne représentera plus que 30% des dépenses européennes contre 43% aujourd’hui et deviendra pour la première fois la seconde politique de l’UE en termes de dépenses au profit de la politique de cohésion qui prendra la première place.

Du côté de la Commission européenne, on défend ce choix budgétaire en précisant que la baisse est seulement de 5% (365 milliards d’euros contre 408 milliards pour la période 2014-2020). Toutefois ce chiffre est contesté car il ne prend pas en compte l’inflation. Plusieurs députés européens ont ainsi estimé que la baisse réelle sera d’environ 12%. Les aides directes aux agriculteurs diminueraient, elles, d’environ 8% en tenant compte de l’inflation et affecteraient ainsi directement le revenu des agriculteurs. Luc Smessaert, le vice-président de la FNSEA, a fait valoir que ces coupes budgétaires seraient durement perçues par les agriculteurs, pour qui les aides de la PAC représentent en moyenne 47% du revenu.

Lire aussi - PAC: le secteur agricole voit rouge après les coupes proposées

Qualifiant cette baisse d’inacceptable, la France s’est positionnée contre la proposition de la Commission européenne de réduire le budget de la PAC et a, jusqu’à présent, rallié 19 pays autour d'elle. Le Commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan a de son côté réagi en invitant les opposants à la réduction du budget de la PAC à augmenter leur contribution financière à l’UE.

Finalement, ce marchandage budgétaire cache un problème plus profond: celui de la valorisation du travail de nos agriculteurs. Comment revaloriser le travail agricole de manière à ce que leurs acteurs puissent toucher, sans besoin d’aides européennes, un revenu décent? Les universitaires Sylvain Kahn et Jacques Levy critiquent ainsi les aides directes issues de la PAC en ce qu’elles consistent davantage en une simple mise sous perfusion des acteurs les plus fragiles alors qu’elles devraient être un levier d’innovation et de justice face aux géants de l’agroalimentaire.

> Vers un plafonnement des aides

De ce point les nouvelles orientations de la PAC dégagent des nouveautés intéressantes. Tout d’abord elle plafonne les aides à 100.000 euros par an afin de répondre aux critiques selon lesquelles la PAC favorise les grandes exploitations. Dans cette même optique, la Commission européenne entend contraindre les Etats à consacrer au moins 2% de leurs aides directes à l’installation de jeunes agriculteurs.

L’accent sera par ailleurs davantage mis sur les mesures environnementales et climatiques. En effet, si jusqu’à présent une partie des aides directes versées aux agriculteurs était conditionnée au respect des mesures environnementales, les mesures à respecter étaient peu ambitieuses et accessibles à tous. La Commission européenne entend donc renforcer cette dimension. Elle promet en particulier de consacrer 40% du budget total de la PAC à l'action pour le climat et 30% de l’enveloppe dédiée au développement rural (78,8 milliards sur sept ans) aux mesures environnementales et en faveur du climat.

> Une crainte de renationalisation de la PAC

Enfin, la PAC nouvelle génération contient un autre tournant important: une revalorisation du rôle des pays membres de l’UE dans la détermination des orientations générales de la politique agricole. Ainsi, seuls les objectifs généraux seront définis au niveau européen et, en fonction de ceux-ci, les pays membres devront définir un plan stratégique national. Dans la mise en œuvre de ce plan stratégique, ils auront également davantage de marge de manœuvre dans l’affectation de l’enveloppe budgétaire dédié à leur pays. Ils pourront ainsi transférer une partie de l’argent reçu entre le premier pilier (les aides directes) et le second pilier (cofinancement des projets en lien avec le développement rural).

La Commission européenne souhaite en effet que les États membres disposent de davantage de flexibilité pour adapter leurs décisions à leurs besoins et à leurs particularités locales et souligne la difficulté d’élaborer au niveau européen une politique qui soit cohérente pour chacun des Etats membres. Toutefois, des observateurs craignent que cette nouvelle orientation préfigure une renationalisation de cette politique commune historique et que l’UE devienne une simple caisse de compensation.

Un autre danger a été pointé du doigt: celui qu’une trop grande flexibilité dans la mise en œuvre de la PAC au niveau national ne crée une distorsion et un déséquilibre dans l’accès des agriculteurs aux aides européennes et, par conséquent, augmente le risque de conditions de concurrence inégales entre les différents pays membres de l’UE. La Commission assure cependant avoir prévu suffisamment de garde-fous et le ministre français de l’Agriculture, Stéphane Travert, a estimé qu’en ce qui concerne le second pilier, "il est nécessaire que les Etats puissent bénéficier de souplesse, car l'agriculture est différente aujourd'hui entre un pays comme la France et la Pologne, par exemple".

Le débat est donc loin d’être fini et nous vous proposons d’y participer au cours d’une consultation citoyenne en présence de Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture, Lene Naesager, Commission européenne (Direction générale Agriculture), et Patrick Dezobrie, agriculteur céréalier à Villiers-le-Sec, vice-président de la FDSEA d'Île-de-France.

> Rendez-vous le lundi 22 octobre de 18h30 à 20h à la Recyclerie, 83 boulevard Ornano, 75018 Paris. Plus de détails en cliquant ICI.

(Centre d’Information Europe Direct de la Maison de l’Europe de Paris)

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