"Le glaive touchera la tête" : l'inquiétante correspondance de Ben Laden
"Si vous m'attaquez, je vous attaquerai". Mardi 1er mars, la direction du renseignement américain a publié une série de documents saisis lors de l'attaque du repaire d'Oussama Ben Laden au Pakistan en mai 2011. Parmi les 113 fichiers traduits en anglais depuis l'arabe, on découvre notamment des commentaires sur l'actualité, des plans de cours, des lettres à ses proches mais aussi aux pays ennemis.
Ainsi, dans un document intitulé Le discours sur l'Amérique, destiné aux Américains, Ben Laden met ces derniers en garde: "si vous m'attaquez, je vous attaquerai. Et le glaive touchera la tête". Il se moque ensuite des mesures de sécurité mises en oeuvre par l'Occident. "Ce qui va arriver est la chose la plus amère que vous ayez jamais goûtée, car de nouveaux moyens efficaces d'affecter l'ennemi ont été découverts, que les agences de sécurité ne pourront en aucun cas prévoir", écrit-il notamment.
Puis, dans un courrier au chef d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), Ben Laden prévoit de nouvelles attaques aux Etats-Unis. "Nous devons étendre et développer nos opérations aux États-Unis, et ne pas nous limiter à faire exploser des avions", écrit-il. Comme expliqué dans un autre courrier, il prévoit notamment une offensive médiatique à l'occasion du dixième anniversaire des attentats du 11 septembre, son objectif étant d'écrire à de grands médias internationaux. "Puisqu'ils (les médias, NDLR) prétendent confronter les opinions, c'est une opportunité pour nous d'expliquer nos motivations pour continuer cette guerre", précise-t-il.
Mais l'ancien chef d'Al-Qaïda n'a pas que les Etats-Unis dans sa ligne de mire. La France, qu'il considère comme la "tête de l'Europe", fait également partie des cibles privilégiées. "Toute action qui ne pourra pas être dirigée contre des Américains devra l'être contre la France, actuellement tête de l'Europe", écrit-il dans un courrier à l'attention des membres d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et en Somalie. Dans sa missive, il appelle à viser "les ambassades, les ambassadeurs et les intérêts commerciaux" français.
Par ailleurs, dans une lettre adressée à un "frère" de l'organisation concernant les cinq Français enlevés en septembre 2010 à Arlit, au Niger, il recommande d'"épargner" les otages afin de s'en servir à des fins de propagande. Il suggère d'échanger la femme, Françoise Larribe "contre une rançon" de cinq millions d'euros "car détenir des femmes c'est étrange". Quant à la libération des quatre hommes, Ben Laden veut l'accorder contre un "départ immédiat" de la France d'Afghanistan ou à un "arrêt des opérations de combat" sur place. "Si Sarkozy continue de refuser à négocier, alors, une semaine avant l'élection présidentielle, nous tuerons un des hommes, celui au rang le moins élevé dans sa compagnie", écrit-il. Car selon lui, une telle exécution "pourrait faire pression" sur le chef de l'Etat français. "Il perdra alors l'élection", prédit le chef d'Al-Qaïda. Peu après sa mort, début 2012, Nicolas Sarkozy a finalement décidé un retrait des troupes françaises et tous les otages ont été libérés en vie fin 2013.
Dans une autre lettre rédigée sous forme de testament et datant de la fin des années 1990, Ben Laden exprime le souhait qu'une partie de sa colossale fortune personnelle profite au djihad. "J'ai reçu 12 millions de dollars de mon frère Abou Bakir Mohamed Ben (Laden) de la part de la société d'investissement Ben Laden au Soudan", écrit l'ancien chef d'Al-Qaïda. "J'espère que mes frères, soeurs, et tantes maternelles respecteront ma volonté et dépenseront tout l'argent que j'ai laissé au Soudan pour le djihad", poursuit-il. Il dit notamment vouloir léguer plusieurs centaines de milliers de dollars à deux membres d'Al-Qaïda avec lesquels il a collaboré tandis que d'autre sommes devraient aller à sa famille proche. Dans une autre lettre datée de 2008, il demande d'ailleurs à son père de prendre soin de sa famille s'il venait à mourir avant lui.
Mais, au-delà de leur caractère menaçant, ces documents révèlent également la paranoïa de celui qui, quelques mois avant sa mort, "mettait la plus grande importance à présenter son organisation faiblissante comme unie, alors que ses lieutenants en privé étaient aux prises avec un schisme grandissant" avec la branche d’Al-Qaida en Irak, décrit la Direction nationale du renseignement américain.
Dans un des documents rendus publics, Ben Laden fait ainsi part de son inquiétude après la visite d'une de ses femmes chez le dentiste, en Iran, quelques mois avant sa mort en 2011. Le leader islamiste craint en effet qu'une puce "de la longueur d'un grain de blé et de l'épaisseur d'un vermicelle" ait pu être implantée dans l'une de ses dents pour traquer le moindre de ses faits et gestes. "Pour des raisons de sécurité", il demande à sa femme d'apprendre l'ourdou et le pachto (langues pratiquée au Pakistan et en Afghanistan) avant de le rejoindre.
Dans une autre lettre adressée à des membres d'Al-Qaïda s'apprêtant à libérer un otage afghan, il s'inquiète d'un possible piège lors de la remise de la rançon. "Il est important de se débarrasser de la mallette dans laquelle les fonds sont remis, car une puce de traçage pourrait y avoir été placée", prévient-il, conseillant par ailleurs à des proches de ne pas quitter une maison louée à Peshawar au Pakistan, "hormis un jour nuageux", pour éviter d’être repérés par des drones américains.
Dans le cadre de la politique de transparence voulue par Barack Obama, l'administration américaine avait déjà publié dernier un premier lot d'une centaine de documents de ce type.
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