Turquie : l'UE condamne la prise de contrôle d'un journal d'opposition par le pouvoir
Au lendemain de la mise sous tutelle judiciaire du quotidien d’opposition turc Zaman, l’Union européenne (UE) a rappelé samedi 5 mars la Turquie à ses obligations de candidate à l’adhésion à l’Union, notamment concernant la liberté de la presse. Les raisons de cette mise sous tutelle n'ont pas été précisées mais elles font peu de doutes, tant l'animosité entre le quotidien et le régime était vive.
Le jour même la police turque a une nouvelle fois fait usage de gaz lacrymogènes et tiré des balles en caoutchouc dans la capitale turque, Ankara, pour disperser sans ménagement des manifestants rassemblés devant les locaux du quotidien - largement hostile au pouvoir du président Erdogan.
Le quotidien a publié samedi 5 une édition dénonçant un "jour de honte" pour la liberté de la presse en Turquie. "La Constitution est suspendue", affichait le journal en "Une". "La presse turque vient de vivre un des jours les plus noirs de son histoire", souligne-t-il, dénonçant "une prise de contrôle organisée par les autorités".
Pour sa première édition depuis sa mise sous tutelle, le journal Zaman a reparu, ce dimanche, en affichant une ligne clairement progouvernementale. Il publie en une des clichés de funérailles de "martyres" tués lors d'affrontements avec des rebelles kurdes dans le sud-est de la Turquie. Il affiche aussi en "Une" une photo de Recep Tayyip Erdogan tenant la main d'une femme âgée et annonce que le chef de l'Etat recevra des femmes pour la journée des Femmes la semaine prochaine.
Le groupe Zaman, qui possède également le journal de langue anglaise Today’s Zaman et l’agence de presse Cihan, est considéré comme proche de l’imam Fethullah Gülen, un ancien allié devenu l’ennemi numéro-un du président turc Erdogan depuis un énorme scandale de corruption qui a éclaboussé le sommet de l’État fin 2013. Plusieurs autres organes de presse liés au mouvement de Gülen avaient été saisis en octobre et des entreprises, y compris une banque, avaient été confisquées, au nom de ce que le pouvoir turc explique être "la lutte contre le terrorisme".
"Il ne s'agit pas d'une procédure politique, mais juridique. Il n'est pas question pour moi d'interférer dans cette procédure. La Turquie est un État de droit (...) mais nous ne fermerons pas les yeux face aux manœuvres d'une structure à l'intérieur de l'État qui tente d'utiliser la presse", a assuré de son côté le Premier ministre Ahmet Davutoglu.
A noter que deux journalistes du quotidien d’opposition Cumhuriyet, Can Dündar et Erdem Gül, doivent être jugés à la fin du mois pour avoir fait état de livraisons d’armes d’Ankara à des rebelles islamistes en Syrie (possiblement des partisans de l'Etat islamique). Incarcérés pendant trois mois, ils ont été libérés il y a une semaine mais risquent la prison à vie.
"Cette opération idéologique et contraire au droit illustre le fait qu’on passe, avec Erdoğan, d’une dérive autoritaire à une véritable spirale despotique", a réagi Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières.
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