Maltraitance animale dans les abattoirs : les parlementaires tentent de comprendre
Cadences de travail, problèmes liés à l'abattage rituel, formation insuffisante : la commission parlementaire sur les abattoirs tente au fil des auditions de comprendre ce qui a pu conduire aux scandales de mauvais traitements d'animaux révélés par les vidéos terrifiantes d'une association.
Mercredi 28 les responsables de l'association de défense des animaux L214 ont été entendus, avant, jeudi matin, les directeurs des abattoirs publics d'Alès (Gard), du Vigan (Gard) et de Mauléon-Licharre (Pyrénées-Atlantique), ainsi que les élus locaux. L214 s'est interrogée sur le rythme de travail imposé aux employés de ces établissements.
"Peut-on tuer à la cadence d'un milliard d'animaux par an en respectant les règles? A ce rythme, on est loin de cas de maltraitance individuels ou d'un employé déficient, c'est une question structurelle" a estimé le président de l'association Antoine Comiti pour qui il existe "beaucoup d'autres cas" que ceux montrés par l'association.
"Les salariés ont été des boucs-émissaires faciles", renchérit la porte-parole Brigitte Gothière, citant l'abattoir de Mauléon, dernier scandale en date avec d'insoutenables images de moutons brutalisés. "Ces images ont été prises juste avant Pâques, avec un grand nombre d'agneaux à abattre et beaucoup moins de personnel" a-t-elle expliqué.
Des accusations rejetées par les responsables des abattoirs incriminés, qui mettent en avant leur taille modeste et leur statut public. "Nous ne faisons pas d'heures supplémentaires, on est plutôt en-deçà des heures" réglementaires, assure ainsi Jack Pagès, directeur de l'abattoir municipal d'Alès.
Dans celui de Mauléon-Licharre, certifié bio, Gérard Clemente, le directeur de l'établissement, incrimine la configuration de son abattoir où un mur avait été dressé pour empêcher les animaux d'assister à la mort de leurs congénères. Malheureusement, ce dispositif empêchait dit-il le responsable qualité de voir directement depuis son poste la mise à mort.
"C'est un constat d'échec, je n'aurais jamais pensé que dans mon établissement il pouvait se commettre de tels actes", reconnait-il, en estimant que la vidéosurveillance constitue la "seule réponse". Les images de L214 montraient un agneau écartelé encore vivant.
Le maire d'Alès Max Roustan (Les Républicains) a soulevé le problème de l'abattage "rituel", qui représente 50% de l'activité de l'abattoir municipal -le seul sur les trois incriminés à pratiquer cette procédure. Selon lui, la vidéo de L214 montrait uniquement des animaux abattus de manière "rituelle", sans étourdissement préalable, afin de pouvoir être saigné.
"Il y a une manière de fonctionner spéciale. Il appartient au législateur de décider si on peut abattre ou pas de cette manière-là", estime-t-il.
Selon le directeur de l'abattoir Jack Pagès, la personne filmée en train de pratiquer un "cisaillement (de la gorge), au lieu de faire des coupes franches" était un "sacrificateur" remplaçant, désigné de manière indépendante par les mosquées, sans "aucune formation".
L'abattage sans étourdissement fait d'ailleurs débat en Europe, selon les responsables de L214 qui rappellent que "l'EFSA (l'Agence européenne de sécurité sanitaire, NDLR), la fédération des vétérinaires européens et l'Ordre des vétérinaires français" ont protesté contre cette pratique.
Chaque fois, les responsables soulignent le rôle économique joué par leurs abattoirs dans des régions rurales - Cévennes, Pays Basque -, où la survie des éleveurs est conditionnée à l'existence d'un abattoir à proximité leur permettant de vendre leur viande.
Laurent Kauffmann, directeur de l'abattoir de Vigan, l'un des plus petits de France, critique les "carences" des formations concernant la protection animale. L'établissement a d'ailleurs décidé de travailler avec un éthologue, spécialiste du comportement animal.
L214 s'est aussi interrogée sur la réalité et l'efficacité des services vétérinaires, dont la "présence continue" est théoriquement imposée par la réglementation. Mais pour qui "le bien être animal n'est jamais une priorité comparé aux questions d'ordre sanitaire, parce que ça n'a pas de conséquences. Sauf quand les caméras sont là" accuse Brigitte Gothière pointant par ailleurs le nombre insuffisants d'inspecteurs et d'inspections (1.000 postes pour près de 800 abattoirs).
"De plus quand il y a contrôle, il est rarement suivi d'effet ou de sanctions" en cas de manquements, a-t-elle relevé, citant sur ce point un rapport de la Cour des comptes de février 2014.
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