Prisons : un rapport appelle à desserrer "l'étau de la surpopulation"
La contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) a appelé jeudi dans son rapport annuel à desserrer "l'étau de la surpopulation" carcérale, un de ses chevaux de bataille pour que les prisons cessent de "fabriquer de la récidive".
"Nos concitoyens ne sont pas idiots, ils comprendraient qu'à trois ou quatre dans une cellule, on n'en ressort pas meilleur mais un peu enragé, ou désespéré", a argumenté Dominique Simonnot, en présentant le rapport d'activité 2021 de l'autorité administrative indépendante qu'elle dirige.
"Il faut qu'on s'interroge sur la passion française d'enfermer", a-t-elle ajouté.
Selon les derniers chiffres officiels, le taux d'occupation des prisons françaises atteignait 117% au 1er mai, grimpant à 138,9% dans les maisons d'arrêt où sont incarcérés les détenus en attente de jugement - présumés innocents - et ceux condamnés à de courtes peines.
En raison de cette surpopulation, 1.850 prisonniers dorment sur des matelas posés à même le sol.
La densité carcérale était repassée sous les 100% en 2020, des détenus ayant bénéficié de sorties anticipées en raison de la pandémie de Covid. Mais "cela n'a pas duré. L'occasion de maintenir un peuplement des maisons d'arrêt acceptable a été manquée", déplore le rapport.
Or "la surpopulation vicie absolument tout: les relations entre détenus, celles entre surveillants et détenus; l'accès aux soins, au travail, à la formation et même aux douches ou aux promenades est empêché", estime Dominique Simonnot dans l'avant-propos du rapport.
- Feux de cellule -
Elle entraîne même "des risques vitaux", a-t-elle ajouté devant la presse, alors qu'un jeune détenu est mort mercredi dans l'incendie de sa cellule au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradinian - le plus surchargé de France avec une densité supérieure à 225%.
"Ce drame", survenu alors qu'une mission de contrôle se déroulait dans l'établissement, "illustre ce que veut dire concrètement la surpopulation", a souligné la CGLPL, évoquant une prison "à l'abandon total", avec jusqu'à quatre détenus par cellule, "ne pouvant pas tenir debout ensemble".
"Les feux de cellule sont un des seuls moyens à portée des détenus pour protester", a-t-elle ajouté.
Aussi l'ancienne journaliste, qui a succédé à Adeline Hazan en octobre 2020, réaffirme-t-elle la nécessité de "développer" les peines alternatives à la prison, "contraignantes, encadrées et surtout tournées vers la réinsertion".
Comme depuis de nombreuses années, la CGLPL préconise aussi "l'inscription dans la loi de la régulation carcérale", chaque entrée de détenu en cellule devant être "compensée par la sortie - sous contrôle - d'un autre le plus proche de sa fin de peine".
"Sans ça, on ne s'en sortira pas", a estimé Dominique Simonnot, appelant gouvernement et législateurs à faire preuve d'"un peu de courage politique" pour faire cesser cette "honte nationale".
En 2021, ses services ont visité 29 établissements pénitentiaires.
Deux de ces visites, au centre de détention de Bédenac (Charente-Maritime) et au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses (Haute-Garonne), ont donné lieu "au constat d'atteintes graves aux droits fondamentaux des détenus" et à la publication de recommandations en urgence.
- Contrôle judiciaire -
La CGLPL est chargée de défendre les droits fondamentaux dans les prisons, mais aussi les hôpitaux psychiatriques, les centres de rétention administrative, les centres éducatifs fermés et les locaux de garde à vue.
Concernant les hôpitaux psychiatriques, elle déplore que l'obligation depuis janvier 2022 de prévenir le juge des libertés et de la détention de toute mesure d'isolement et de contention afin qu'il en contrôle le bien-fondé, "continue d'être contestée" au sein du corps médical, en raison du "surplus de formalités qu'il génère".
"Certes, mais (...) il est salutaire que les soins sans consentement (...) soient soumis à l'examen des juges impartiaux", observe Dominique Simonnot.
Les "enfants et adolescents enfermés" sont un "autre sujet de sévère préoccupation" de la CGLPL, qui pointe notamment une absence de "vision d'ensemble de leur parcours global" et une insuffisance des heures d'enseignement qui leur sont délivrées.
Le rapport regrette aussi le manque de prise en compte par le gouvernement de ses recommandations des années passées.
Il estime que ses suggestions devraient faire "l'objet de plans d'action décidés et contrôlés par les ministres".
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