En France, les plus précaires de plus en plus menacés par la pauvreté
DÉPÊCHE — Une fragilisation d'un public précaire et une bascule de personnes qui étaient "sur le fil" : le cri d'alarme lancé par une emblématique association d'aide aux démunis face à l'afflux de demandeurs montre selon les associations un inquiétant "glissement" de la pauvreté en France.
"Il y a deux phénomènes : il y a des personnes qui étaient déjà dans une situation de pauvreté pour lesquelles ça s'enracine", "essentiellement des femmes seules avec enfants, des étudiants ou des étrangers", décrypte auprès de l'AFP Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui regroupe plusieurs centaines d'associations du secteur.
"Cela devient compliqué pour elles, soit parce qu'elles sont expulsées de leur logement pour hausse de loyer, soit parce que la hausse des prix de l'énergie et de l'alimentation sont telles qu'elles ne peuvent plus faire face, soit parce qu'elles sont dans des hébergements d'urgence alors que le gouvernement est en train d'en fermer".
"Il y a également les personnes qui étaient à la limite et qui basculent", ajoute-t-il, "le plus souvent des travailleurs pauvres, des actifs, salariés ou indépendants, des auto-entrepreneurs qui sont rattrapés par les coûts du logement".
En France, deux indicateurs de l'institut national des statistiques (Insee) permettent notamment de mesurer la pauvreté.
La définition la plus couramment utilisée est un "seuil de pauvreté monétaire" fixé à 60% du revenu médian, soit environ 1.125 euros mensuels pour une personne seule, selon les chiffres de 2020 de l'Insee. Quelque 9,2 millions de personnes, soit 14,6% de la population, vivent en dessous de ce seuil en France métropolitaine et sont donc pauvres.
Un autre indicateur de l'Insee se concentre lui sur les "privations" sociales et matérielles, comme ne pas pouvoir posséder deux paires de chaussures, se chauffer correctement ou partir une semaine de vacances par an.
Début 2022, 14% de la population se trouvaient dans cette situation — le plus haut niveau de l'indicateur depuis sa création en 2013 — notamment en raison de l'augmentation des prix de l'énergie.
Dans ce contexte, les demandes affluent auprès des distributeurs d'aide alimentaire, conduisant certaines associations au bord de la rupture.
Moins de cinq euros par jour
À l'image des Restos du Cœur, association emblématique de l'aide aux plus démunis en France, qui a lancé un cri d'alarme le week-end dernier. Elle a appelé à "une mobilisation massive des forces politiques et économiques" du pays pour l'aider à faire face à la "hausse très importante" du nombre de demandeurs d'aide.
Les Restos du Cœur ont été contraints de baisser le seuil du "reste à vivre" (montant des revenus disponible une fois déduites les charges fixes comme le loyer, l'électricité ou autres) à ne pas dépasser pour être éligible à leur aide.
Selon un rapport publié par l'association du Secours catholique en novembre dernier, près de la moitié des familles accueillies par l'association disposaient d'un reste à vivre de moins de cinq euros par personne et par jour.
"C'est un glissement, il se passe quelque chose face à la fragilité de ceux qui étaient déjà pauvres et ceux qui ont commencé à basculer", a estimé lundi Christophe Robert, directeur général de la Fondation Abbé Pierre.
Un glissement déjà perceptible lors de la crise liée au Covid-19, marquée notamment par une paupérisation des étudiants et des travailleurs précaires.
Un "certain nombre de ménages qu'on pourrait croire relativement à l'abri se retrouvent dans des situations très compliquées", abonde Jean Merckaert, du Secours Catholique.
Pour le président des Restos du Cœur, Patrice Douret, l'inflation actuelle, qui affecte l'alimentation, l'énergie ou encore les transports, "touche toutes les catégories sociales, dans tous les territoires". "Il n'y a pas un département qui ne connaisse pas une hausse importante du nombre de personnes accueillies", souligne-t-il.
Dimanche, le gouvernement français a promis une aide de 15 millions d'euros" pour soutenir les Restos du Cœur. Lundi, c'est la famille de Bernard Arnault, propriétaire du numéro un mondial du luxe LVMH et l'un des hommes les plus riches du monde, qui a annoncé verser une aide de dix millions d'euros à l'association.
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