Hollywood : les scénaristes en grève, faute d'accord sur les rémunérations
DÉPÊCHE — Faute d'accord, des milliers de scénaristes de télévision et de cinéma américains sont en grève ce mardi 2 mai. Cette réaction est due à l'échec des négociations avec les principaux studios et plateformes, portant notamment sur une hausse de leur rémunération.
Ce mouvement social va se traduire par l'interruption immédiate des émissions à succès, telles que les "late-night shows", et d'importants retards pour les séries télévisées et films dont la sortie est prévue cette année.
"Nous ne sommes pas parvenus à un accord avec les studios et les diffuseurs. Nous serons en grève après l'expiration du contrat à minuit", a déclaré le puissant syndicat des scénaristes, la Writers Guild of America (WGA), dans un courriel adressé à ses membres et obtenu par l'AFP.
Les réponses des studios aux demandes ont été "totalement insuffisantes, compte tenu de la crise existentielle à laquelle les scénaristes sont confrontés", a estimé la WGA.
Dans la nuit, des scénaristes ont relayé l'appel à la grève sur les réseaux sociaux :
"Lâchez vos stylos !", a exhorté sur Twitter Caroline Renard, scénariste de plusieurs séries et programmes de télévision.
"C'est effrayant. Mais un avenir dans lequel nous acceptons ce que les entreprises essaient de faire (...) l'est encore plus", a aussi commenté l'actrice et scénariste Ashley Nicole Black sur le réseau social. "Les scénaristes génèrent beaucoup trop de valeur pour accepter cela", a-t-elle ajouté.
Lundi en fin de journée, les principaux studios et plateformes, dont Disney et Netflix, représentés par l'Alliance des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP, Alliance of motion picture and television producers) avaient annoncé que les pourparlers avec la WGA "s'étaient conclus sans accord".
Le dernier mouvement social d'ampleur à Hollywood remonte à la grève des scénaristes qui avait paralysé l'audiovisuel américain en 2007-2008. Un conflit de 100 jours qui avait coûté deux milliards de dollars au secteur.
Cette grève pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l'industrie américaine du divertissement.
Essor du streaming
Les scénaristes réclament une hausse de leur rémunération, des garanties minimales pour bénéficier d'un emploi stable et une plus grande part des bénéfices générés par l'essor du streaming. De leur côté, les studios affirment devoir réduire leurs coûts en raison des pressions économiques.
Les scénaristes disent avoir du mal à vivre de leur métier, avec des salaires qui stagnent, voire baissent en raison de l'inflation, alors que leurs employeurs réalisent des bénéfices et augmentent les salaires de leurs dirigeants.
Ils estiment n'avoir jamais été aussi nombreux à travailler au salaire minimum fixé par les syndicats, tandis que les chaînes de télévision embauchent moins de personnes pour écrire des séries de plus en plus courtes.
La WGA accuse les studios de chercher à créer une "gig economy", l'économie des petits boulots, dans laquelle le travail de scénariste serait "une profession entièrement freelance".
L'AMPTP a assuré avoir présenté une "proposition globale" comprenant une augmentation de la rémunération des scénaristes, mais ne pas être disposée à améliorer cette offre "compte tenu de l'ampleur des autres demandes".
Selon son communiqué, les demandes de la WGA en faveur d'une "dotation obligatoire", qui contraindrait les studios à embaucher un nombre déterminé de scénaristes "pour une période donnée, qu'ils soient nécessaires ou non", constituent l'un des principaux points de désaccord.
Le mode de calcul de la rémunération des scénaristes pour les séries diffusées en streaming, qui restent souvent visibles sur des plateformes comme Netflix pendant des années après avoir été écrites, fait également l'objet de dissensions.
Pendant des décennies, les scénaristes ont perçu des "droits résiduels" pour la réutilisation de leurs œuvres, par exemple lors des rediffusions télévisées ou des ventes de DVD.
Forte pression
Il s'agit soit d'un pourcentage des recettes engrangées par les studios pour le film ou l'émission, soit d'une somme fixe versée à chaque rediffusion d'un épisode.
Avec le streaming, les auteurs reçoivent chaque année un montant fixe, même en cas de succès mondial de leur travail, comme pour les séries "Bridgerton" ou "Stranger Things", vues par des centaines de millions de téléspectateurs dans le monde entier.
La WGA réclame la revalorisation de ces montants, aujourd'hui "bien trop faibles au regard de la réutilisation internationale massive" de ces programmes. Elle veut aussi évoquer le futur impact de l'intelligence artificielle sur le métier de scénariste.
Les studios soulignent, eux, que les "droits résiduels" versés aux scénaristes ont atteint un niveau record de 494 millions de dollars en 2021, contre 333 millions dix ans plus tôt, en grande partie grâce à l'explosion des emplois de scénaristes liée à la hausse de la demande en streaming.
Après avoir été dépensiers ces dernières années, lorsque les diffuseurs concurrents ont cherché à augmenter le nombre d'abonnés à tout prix, les patrons soulignent être désormais soumis à une forte pression de la part des investisseurs pour réduire leurs dépenses et réaliser des bénéfices.
Et ils nient prétexter des difficultés économiques pour renforcer leur position dans les négociations avec les scénaristes.
"Pensez-vous que Disney licencierait 7 000 personnes pour le plaisir ?", a interrogé une source proche de l'AMPTP. Selon elle, "il n'y a qu'une seule plateforme qui soit rentable à l'heure actuelle, et c'est Netflix".
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